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Notre Château
Emmanuel Régniez
Éditions Le Tripode


Couv_NotreChateau.jpegOctave et Véra sont frère et sœur, ils vivent dans une grande et belle maison dont ils ont héritée à la mort de leurs parents, si belle et vaste qu'ils l'appellent Notre Château. Octave et Véra y ont organisé une vie solitaire depuis vingt ans. Ils ne reçoivent personne, ne sortent jamais, sauf Octave, chaque jeudi, pour se rendre notamment chez un libraire qui semble devancer ses désirs et lui fournir immanquablement les livres voulus. Des livres pour lui et pour sa sœur. Leur moisson hebdomadaire de lectures.
Le quotidien éternel du couple est ressassé sans incident notable jusqu'à ce fatidique jeudi 31 mars à 14h32, lorsqu'Octave voit sa sœur, en ville, dans le bus N°39. Véra qui ne sort jamais, déteste la ville et déteste le bus. Comment est-ce possible ? Octave rentre au Château, déboussolé, interroge sa sœur, qui nie l'évidence. Une fêlure dans l'impeccable confiance qui les tenait solidaires et solitaires, tous les deux, « seuls contre le monde. »
Du 31 mars au 2 avril d'une époque dont on ne saura rien, du 31 mars au 2 avril, des jours de confusion s'enchaînent pour Octave. Qui ment ? Devient-il fou ? Et ce mégot fumant dans un cendrier de la bibliothèque, alors que ni lui ni sa sœur ne fument et que personne, jamais, n'entre dans leur « Château » ?
Une telle amorce d'argument pourrait laisser craindre une resucée de roman fantastique. Pourtant, et bien que la quatrième de couverture convoque des références auxquelles ont pense inévitablement : The Shining de King ou le film Los Otros d'Amenabar, Notre Château explore un registre purement poétique. Un phrasé obsédant, des situations détachées de la réalité (en tout cas, celle que connaît le lecteur, sans pour autant basculer dans le surréalisme), une lumière immobile posée sur les jours et les rituels de la sœur et du frère : on devine d'emblée qu'un retournement final surviendra, qui n'apportera pas grand-chose au récit, puisque tout son intérêt est dans l'ambiance morbide et grise qu'il distille. J'ai pensé à Kafka et à Borgés davantage qu'aux auspices fantastiques cités plus haut. Kafka pour le quotidien englué, l'absurdité, les affres humaines traitées comme l'agitation d'insectes fantômes ; et Borgés pour l'importance du livre et les titres improbables de la bibliothèque de la maison et les douteuses partitions musicales évoquées sporadiquement. Je n'ai d'ailleurs pas cherché à vérifier l'authenticité des uns et des autres, la magie opère mieux, selon moi, dans la possibilité d'une réalité marginale. Je suppose que dans quelque temps, je ne pourrais me retenir de savoir si Couperin a bien écrit un morceau intitulé Les Barricades mystérieuses ou si Machiavel est l'auteur d'un Belphégor, mais pour l'heure, non, je veux bien conserver la précieuse incertitude qui donne prise aux personnages du roman.

Ce titre fait partie d'une sélection de premiers romans choisis par Jean-Baptiste Hamelin de la librairie Le Carnet à Spirales, à Charlieu, que je remercie pour cette intéressante découverte. On attend le deuxième roman d'Emmanuel Régniez pour voir s'il tiendra ce que promet ce premier texte singulier.

Commentaires

  • Dans tout ce que tu chroniques, il y a des choses qui sont appétissantes mais je suis surpris de voir des éditeurs complètement inconnus... de moi en tout cas. Et une question me brûle les lèvres : comment as-tu connaissance de ces livres? Réseau? Lecture de revues spécialisées? Catalogue d'éditeurs?

  • Merci de suivre mes petites chroniques. Le but (non calculé à l'origine) est aussi de parler d'auteurs et d'éditeurs peu cités dans les médias grand public. Il y a les connaissances, les amis auteurs, les libraires, les médiathécaires, les revues, le réseau comme tu dis. Il y a aussi le fait que ces éditeurs semblent "relativement" peu connus, mais dans le milieu littéraire, ils sont bien repérés, et suivis avec curiosité. Il y en a tant. Tous font un travail intéressant. A suivre. Merci encore.

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