Dix-sept mètres sous les voûtes, l'architecture d'une abbaye livre des secrets inaccessibles à ceux qui se croient grands. Quand on n'a que cinq millimètres de taille, tout est différend. La fourmi de Laurent Cachard déambule au ras du sol et s'éleve malgré cela au dessus des prétentions humaines, en tout cas à hauteur du sacré que l'humain investit de ses angoisses. L'insecte est crypto-sagace. Elle échappe à sa colonie et traverse tout le paysage, le long d'une trajectoire suggérée par Jean Frémiot. Autre paradoxe : la courte profondeur de champ n'empêche pas la profondeur des réflexions, en plus de la hauteur de vue. L'insecte et le Sacré est une jolie promenade où s'égrènent les pensées d'un promeneur qui a délégué sa parole à la modestie de l'infime, au niveau de l'interstice, une agréable mélodie au rythme des pattes et au hasard des sensilles. On y trouvera les rives d'un noir lac, des psychopompes, des entomologistes lancés sous les arcades géminées dans une partie de cache-cache, un souvenir d'apostasie, la nostalgie d'une pureté cistercienne, la menace de la blastogénétique et un peu de Hugo, sorte de "Père immédiat", qui clame l'évidence de l'existence en fin de parcours. Si vous n'avez pas tout compris des lignes qui précèdent, et bien, lisez ce petit bijou. C'est, mine de rien, un condensé érudit et plein de tendresse pour l'humanité et ses dérisoires élans spirituels.
L'Insecte et le Sacré, Photos de Jean Frémiot, texte de Laurent Cachard, éditions Le Réalgar.