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« Ce furent des années perturbantes, harassantes, une litanie de maladies et de deuils. Des deuils autour de Léo, autour de Mado, une hécatombe d'amis et de parents d'autant plus déroutante que la camarde choisissait son tribut parmi les plus jeunes qu'eux. Tant de mains qui lâchèrent prise, tant d'épouvante, tant de larmes, de cérémonies nuque inclinée à se demander quelle tenace guerre est faite à ceux que vous avez eu le malheur d'aimer. » ou « Mado toujours prompte aux larmes, pleurait au seul énoncé du mot cimetière parfois, ou trois phrases plus loin, quand il était question des rosiers dans le jardin, parce que ' elle aimait ses roses, votre maman... ', rappelait Antoine. On prêtait aux massifs d'albertines, de trémières et de sombreuils, une attention particulière à cause de cet héritage, héritage qui avait été celui de la mère de sa mère, l'amour est une possible géologie que le temps par strates épaissit et fossilise, sédimentation qui rend éternel un premier geste sensible et lointain. Quand les roses couronnaient en vrac leur cuirasse de feuillage, Mado pensait à sa mère, quelque chose venu d'elle flottait au dessus des parfums ; terre, eau, racines et tiges, élevaient son souvenir à portée de sens, vision et toucher. Le jardin était pour Mado un lexique de tendresse. » Et bien, voyez, ça, vous ne le lirez jamais sous la forme papier que je lui destinais. Ce sont des extraits de Mado (comme ICI ou ICI), un roman que j'ai proposé à mon éditeur (celui de la veine 'blanche', pour ceux qui me suivent) et qu'il a retoqué. Avec raison. Avec ses raisons. Qui sont bonnes. Il faut accepter qu'un texte dont on est plutôt satisfait s'est égaré. Trop ambitieux, trop complexe, trop « écrit », le roman en question a paru à mon éditeur se tromper de manière, chasser trop de lièvres à la fois. Il faut parfois être humble par rapport à un sujet, surtout un sujet sensible. Après une longue discussion au téléphone, une conclusion s'est imposée : il y a deux romans dans Mado. Parce qu'il y a deux personnages également puissants, qui méritent chacun un traitement singulier, une manière qui lui est propre. Après une telle conversation, on passe bien entendu par un moment d'abattement, de doutes. Les Nefs de Pangée avaient connu une phase semblable, où tout avait été remis en question. C'est douloureux et puis on se remet à l'ouvrage. Je vois clairement ce que je dois faire à présent. Le retour de mon éditeur n'était pas une fin de non recevoir, c'était un encouragement à revoir ma copie et à lui proposer un roman mieux pensé. Ce sera un roman court (je dis ça à chaque fois, mais là, je vais m'y tenir), ce sera un roman sec, un portrait d'homme inconsolable. Le titre n'est pas trouvé.

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