Je sais que dans ce monde gorgé de moraline les considérations qui suivent pourront agacer ou faire ricaner.
J'ai une immense admiration pour les films de Michael Hanneke. Tous sont des œuvres marquantes, révélatrices, sophistiquées et puissantes. C'est un grand réalisateur, indéniablement, et pourtant... Je dois dire que me sont de plus en plus insupportables les scènes ou des animaux meurent ou souffrent à l'écran, véritablement. Hanneke, par sadisme ou désir de bousculer, d'interroger la cruauté des spectateurs et les limites de leur complaisance au spectacle de la violence (autant de tentatives que je conçois et approuve, de la part d'un artiste), expose mort ou souffrance des animaux dans chacun de ses films. De mémoire : Caché, Un coq décapité, Happy end, un hamster empoisonné ; Benny's vidéo, un cochon est tué ; Septième continent, poisson rouge mourant asphyxié ; Funny Games, un chien battu à coups de balles de golf (mais je ne me souviens pas s'il y a ellipse...) ; Le Temps du loup : trois chevaux abattus et une chèvre égorgée ; Le Ruban blanc, un cheval percuté par un câble (quoique, dans ce cas précis, je soupçonne un trucage). Je ne supporte plus. L'âge peut-être, ou bien suis-je gagné par l'hypersensibilité de la société sur ces questions ? Enfin, si j'admets la démonstration du réalisateur, le procédé me révolte désormais. Car, au fond, on est en présence de créatures vivantes qu'on exécute ou torture pour délivrer un message dont elles n'ont que faire, elles. Des bêtes meurent pour choquer des gens ou questionner la séduction du morbide. C'est cher payé, je trouve. D'autant que la récurrence amoindrit l'effet. Ne reste que l'absurdité des faits : on a tué, devant une caméra, des créatures qui ne demandaient qu'à vivre. Une autre conséquence de ce phénomène, plus essentielle que des effets sur ma sensibilité personnelle, est le risque d'obsolescence des films de Hanneke. De même que les roulements de mécaniques et les répliques machistes à l'emporte-pièce de John Wayne rendent 'ses' films difficilement regardables aujourd'hui, il est possible qu'un jour toute la filmographie du réalisateur autrichien soit frappée d'une semblable ringardise à cause de ces quelques minutes de cruauté, que l'avenir jugera inexcusables.