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Annecy, nuit électrique

J'avais trouvé plus pratique, ce matin-là, de descendre l'escalier domestique sur le dos. Le temps gagné est pourtant négligeable, mais l'effet pour le réveil, garanti. Toute la journée ensuite, je grimacerai sur les mouvements qui solliciteront mes épaules et mes cervicales.

On discerne la volonté gouvernementale de faire détester le service public par la population, dans toutes sortes de désordres, de l'enseignement à l'hôpital en passant par la poste. C'est aussi vrai sur le rail, quand le train à quai attend, et les voyageurs itou, son conducteur. Avec un peu de neige, joli prétexte, on peut facilement atteindre l'heure de retard. Il reste vingt minutes pour être accueilli par des bibliothécaires frigorifiées et patientes sur le quai, prendre ses marques dans la chambre d'hôtel, se laver un peu, découvrir qu'on a oublié brosses à dents et à cheveux, et revenir à ses hôtes, tête en bataille et haleine incertaine.

N'empêche, elles avaient bien fait les choses, Marie et Anne-Marie, sous la houlette de Claire, leur nouvelle directrice de la Médiathèque d'Annecy -la centrale, Bonlieu, excusez du peu. Une vingtaine de personnes était là, et c'était une surprise pour moi, qui m'effrayait du temps (bourrasque, grand froid), des ours polaires en vadrouille et de la concurrence d'autres événements culturels dont, je le saurai en fin de soirée, la venue ailleurs, de Yasmine Char. Un cercle de lecteurs, ou futurs lecteurs, graves ou souriants, et moi, encadré par Anne-Marie et Michèle (belle retraitée au regard pétillant, grande lectrice, férue de littérature et de poésie), l'une et l'autre ayant sélectionné des passages du « Baiser... » et ponctuant la rencontre de leurs lectures, parfaitement rythmées.

Quoi qu'elle en dise, la présentation de Marie, nerveuse et gênée quand il s'agit de parler en public, était impeccable. Bon, elle n'a pas pu poser toutes les questions préparées, mais la soirée au restaurant a su palier ces lacunes. Pour le reste, il me semble avoir assez dit à l'assistance, pour satisfaire la curiosité des visiteurs.

Comme toujours, je ne sais pas trop ce que j'ai dit, et l'intérêt que ça avait. Je me souviens avoir davantage parlé que d'autres fois, de mes autres romans, de « A la droite du Diable », de mes thèmes récurrents, de la fascination que j'ai pour la séduction des dictatures. Finalement, une rencontre n'est jamais inutile. Elle oblige à reprendre son propre parcours, et à découvrir des choses sur soi.

La nuit à l'hôtel fut épouvantable, merci. Enfin, sinon épouvantable, très pénible. C'est que, voyez-vous, j'ai besoin d'obscurité pour dormir. Le vasistas au dessus du lit, qui s'ouvrait sur la fausse nuit de la ville (comme sont fausses toutes les nuits citadines), répandait sur moi, sur ma pratique déjà établie de l'insomnie, une clarté rousse de ville enneigée. Je ne parle pas du groupe de goujats qui s'est interpelé dans le couloir à deux heures du matin. Vers trois heures, épuisé de ne pas trouver le sommeil, malgré le cépage local choisi pour le repas, j'entreprends de faire l'obscurité dans la chambre. J'ai attendu longtemps avant de prendre cette décision, parce que j'ai calculé l'effort et l'agacement que ne vont pas manquer d'engendrer l'escalade d'un fauteuil posé branlant sur le lit, l'ouverture du vasistas sur la nuit glacé et moi, nu, réchauffant mes muscles endoloris par la chute du matin dans l'escalier, pour étendre une couverture sur la face externe dudit vasistas, l'arrimer à la poignée, et refermer le tout, sans que la couverture se perde sur le toit, en contrebas.

C'est évidemment sans le moindre problème et du premier coup que je réussis, et me recouche, pour me confirmer in petto que, si la pénombre a gagné sur la clarté, il subsiste encore trop de lumière pour mon organisme énervé. Je finirai la nuit, mon bonnet enfoncé sur le nez, dans l'espoir que sa laine ajoute à mes paupières assez d'opacité. C'est réussi. Il me reste maintenant deux heures et demie avant le réveil, que j'emploie à penser à tel ami qui n'a pas trouvé le lieu de son examen, si important, à ma douce que de nouvelles perspectives mettent en émoi, à ma fille qui, dans quelques heures, passe son permis, et à mes oreilles, échauffées par le port inhabituel de ce foutu bonnet.

Dormir dans le train du retour m'étant impossible également, apparemment, j'ouvre l'ordinateur, et compose ce petit compte-rendu.

Sinon, Annecy, c'était super.

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