Charon est avant tout un solitaire, et cette aptitude a, plus qu'une autre, orienté ses goûts vers l'étude de la chose disparue – objets, faits ou personnes, mais le disparu n'est reclus dans le passé que par la paresse de pensée des vivants, Charon a toujours eu le sentiment de l'existence des défunts, de leur présence irradiante. Les conversations légères de milieu de repas, convives plaisants, sourires scintillants derrière les losanges biseautés des flûtes de cristal, évoquaient invariablement pour le lui comparer, le personnage de Truffaut dans la chambre verte ; Charon déniait, avec d'autant plus de conviction qu'il s'interdisait de voir ce film mais en parlait avec science, ayant deviné à la vision d'une seule photo, tout ce qu'il devait en savoir, c'est-à-dire que ce rôle ne lui convenait pas et ne disait rien de son approche personnelle des disparus. Il voyait dans la figure de l'homme vêtu de noir, ganté, sinistre et froid, une sorte de croque-mort, jouissant de son appartenance au monde des morts. Il vivait, lui, il voulait juste démontrer à certains que les défunts produisaient une pensée qui les dépassait.
La suite dans Le Psychopompe, signature le 24 avril à la libraire Lauxerois, rue Charles-de-gaulle à Roanne (Loire) dès 14 heures.