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Le Psychopompe II

Rassurez-vous, ce n'est qu'un exercice. Il y a peu, sur un des carnets de moleskine généreusement offert par ma douce, je me suis amusé, entre deux travaux sur mon prochain roman, à imaginer une suite au Psychopompe, qui s'intitulerait "Le Thaumaturge". J'ai produit ainsi quelques pages, et je vous propose ici la première mouture de la toute première séquence. L'idée est de vous faire partager, un tout petit peu, le travail de l'écriture. En effet, demain je posterai une version corrigée, idem le lendemain, et ainsi de suite, jusqu'à ce que le résultat me satisfasse. La démonstration n'a rien de spectaculaire, et les nuances sont parfois subtiles, mais c'est la façon dont je travaille, personnellement, et je crois n'être pas le seul. Dans l'exemple qui suit, deux éléments ne "bougeront" pratiquement pas : la première et la dernière phrase. La première, pour une référence évidente (pour les lecteurs du "psychopompe") à la première phrase du livre précédent ; la dernière, pour une raison qui m'est propre, qui tient à la mécanique du récit, au développement de l'histoire. Parce que, même s'il s'agit d'un exercice, je ne peux m'empêcher de le construire entièrement.

La grille du couloir ne grinça pas. Elle émit une sorte de feulement. Puis retentirent les claquements des serrures, le bruit des pas, le sifflement des autres grilles, de proche en proche.

Charon était seul, attaché par sécurité. Il abimait son regard dans l'écran de la porte de la cellule. Il ne fut pas surpris par l'apparition des matons, dont il avait suivi la progression dans le couloir, depuis loin. Il en avait sûrement deviné le nombre. Ils étaient quatre, s'écartèrent pour laisser entrer le psychiatre.

Le médecin s'approcha et souleva une mèche de cheveux pour mieux découvrir le visage du détenu. « Il est drogué, non ? » Aucun agent ne se donna la peine de lui répondre. C'était évident, Charon était devenu dangereux pour lui et pour les autres. Impossible pourtant de le faire transférer en hôpital psychiatrique. Le juge voulait absolument qu'il soit considéré comme responsable de ses actes et, tandis que les experts débattaient, la prison devait essayer de gérer une pathologie de plus en son sein. « M. Charon, je suis M. Lucas, on m'a nommé pour expertiser votre responsabilité dans les meurtres que vous avez commis. Je m'assieds. D'accord ? » Il approcha un tabouret. Un gardien s'excusa de ne pouvoir offrir mieux. Les espaces plus confortables étaient tous pris. « Ça ne fait rien, n'est-ce pas M. Charon ? On peut discuter comme ça, hein ? » Il feuilleta un dossier et entama une prise de notes. « Laissez-moi écrire » souffla Charon, sans force. Un homme expliqua : « Il n'arrête pas. Enfin, il dit qu'il écrit mais il va tellement vite que ça ressemble à des lignes. Illisible. » « Et ça le calme pas, ça l'excite, ajouta un autre, il devient complètement taré quand il écrit. Ce matin, il a gravé un codétenu au stylo. C'est pour ça qu'on l'a isolé et attaché sur sa chaise ; et qu'on lui a refilé deux-trois somnifères. » « Sans avis médical, j'imagine » s'agaça Lucas. Les gardiens échangèrent des regards embarrassés. « M. Charon, Nathan Charon. J'interviendrai pour que vous puissiez continuer à écrire. Mais nous allons parler un peu, si vous le voulez bien. A ce propos, vous écrivez quoi ? Une espèce de roman ? On m'a dit que vous étiez écrivain avant de venir ici ? C'est ça ? » Charon s'ouvrit sur un bâillement burlesque et referma ses mâchoires dans un mouvement de tête, une menace de morsure qui effraya le médecin de façon irrationnelle. Lucas émit une petite toux et recula son tabouret de quelques centimètres. « Voyons... » il aligna quelques mots. Charon bafouilla quelque chose et échappa un filet de salive. Le docteur avait compris le début de la phrase. « Il veut appeler quelqu'un. C'est ça, M. Charon, vous voulez appeler quelqu'un ? » Alors, il sembla que le condamné rassemblait toutes ses forces. Il releva la tête. « Laissez-moi écrire. Ou bien rappelez les morts : j'ai à leur parler. »

Commentaires

  • Tu viens présentement de t'obliger à écrire la suite de la suite. J'attends.

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