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L'effet Larsen

Nola, 18 ans, vit seule avec sa mère, Mira. Et c'est pas la joie : dans la canicule de l'été 1998, tandis que la France s'enthousiasme aux exploits des bleus, Nola et Mira essayent de survivre au drame qui a bouleversé leur vie la mort du père de Nola, modeste coiffeur mais délicat époux. Obligées de vendre la boutique de coiffure et de déménager, maintenant recluses dans un appartement sordide au voisinage haut en couleurs, les deux femmes -celle qui doit se construire et celle qui se croit détruite- tentent une normalité impossible.

Pour les lecteurs de l'extraordinaire Twist, roman précédent de Delphine Bertholon, les premiers chapitres donnent l'impression d'une nouvelle variation sur l'enfermement et sur les rapports fille-mère. Les liens qui retiennent Nola auprès de sa mère ne sont en effet pas moins forts que ceux, bien physiques, qui retenaient la petite Madi dans la cave de son kidnappeur (et le nom du bar où Nola travaille, L'Evasion, ajoute au crédit de cette lecture). De la même façon, les tentatives de communication de Nola avec sa mère brusquement victime d'hyperacousie (c'est-à-dire tellement hypersensible au moindre son qu'elle ne peut ni ne veut plus rien entendre) font écho aux lettres désespérées de la gamine enlevée, à sa mère lointaine et invisible. Malgré ces connexions évidentes, il semble que L'effet Larsen soit avant tout un roman de la transformation.

Le récit se déroule sous la forme d'une lettre adressée par Nola à son père, par delà le temps et le deuil. Nola, trentenaire, qui regarde et sait enfin ce qu'était et ce que voulait la fille incertaine qu'elle était, dix ans plus tôt. Comme tous, Nola cherchait sa place, tentait d'arranger le monde des morts et le destin pour occuper sa place de vivante... et se mettre à grandir.

Pour cela, la gamine ne manque pas d'idées : emmener sa mère à la Rochelle, où les amours dont elle est le fruit ont connu des heures dorées, tomber elle-même amoureuse, peindre une grande oreille à l'écoute des pensées des autres et refaire l'appartement dans l'immeuble mutant. Immeuble dont l'ultime mutation d'ailleurs affirmera que le destin offre naturellement des repères et des gages au temps qui passe. Ce qui s'est produit s'est produit, rien ne perturbe la flèche du temps, pas plus l'amour que le meurtre, et les fantômes sont des vivants qui n'osent pas s'affirmer. A certain point du temps, chacun doit affronter les vérités, résoudre des questions. C'est à ce prix que la personne se construit et reprend la route des vivants, accompagnée du souvenir des morts, eux aussi enfin mis à leur place.

Le récit est vif, les personnages bien campés et on retrouve des trouvailles de langage, une certaine brillance, une vivacité tonique. Pourtant, une certaine légèreté dans l'écriture m'a gêné (entendons-nous bien : il vaut mieux une écriture légère qu'une gravité de convention ou une profondeur de bazar), alors que j'avais trouvé remarquable la maîtrise littéraire, de l' opus précédent.

Delphine Bertholon redoute un effet sans rapport avec l'effet Larsen : celui d'une attente déraisonnable après le succès de Twist. « On m'attend au tournant », disait-elle, jouant sur les mots. A cet égard qu'elle se rassure : L'effet Larsen est honorable et sera sans doute bien reçu de la plupart des lecteurs fidèles.

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