De Chabrol je me souviens du rire étouffé, la pipe un bref instant écartée des lèvres larges, d’une manière d’évoquer la métaphysique de la musique d’Herman, de mes agacements devant le jeu impossible de Bernadette Lafont ou le parasitage d’images par la musique ringarde de Matthieu Chabrol, de la lumière trop propre, trop brillante de certains films, des cadres trop serrés, des champs/contre-champs décevants. Je me souviens aussi de la puissance de films comme « l’enfer », « les biches », « la cérémonie », « le boucher » ou « que la bête meure ». Des œuvres marquantes, dérangeantes, installées longtemps dans les replis de la mémoire pour y œuvrer à une compréhension de la malveillance du monde. Chabrol disait ne pas vouloir faire de chefs-d’œuvre, mais réaliser une œuvre. Je me dis qu’il a accompli les premiers et que je suis encore loin d’avoir saisi la seconde, tant il est vrai que je n’ai peut-être vu en tout qu’une vingtaine de ses films, sur les plus de 70 que compte sa filmographie. La visite du monument ne fait que commencer.