Il y a quelques jours, je venais retrouver ma douce à la sortie de son travail. Le lendemain serait le premier jour de son chômage. Elle a vécu de l'intérieur un moment historique -au niveau local s'entend. La fermeture de la seule grande librairie de notre ville. La librairie qui a nourri des générations d'enfants scolarisés et fourni des milliers de lecteurs depuis plus de soixante ans. La fin d'une institution. Depuis trois ans, ma douce y travaillait, espérant ainsi boucler sa longue carrière de libraire. Il aura manqué quelques années. Inutile de blâmer les propriétaires de ce magasin hors-normes : elles ont saisi une occasion financière, et comment leur en vouloir ? Malgré tout, le paysage culturel qui s'en suit désespère un peu plus les vrais lecteurs, qui devront aller loin désormais pour trouver les titres que les grandes drogueries livresques ne proposent pas. Il y avait l'autre soir, une ambiance de deuil et d'amertume qui imprégnait ces dernières minutes. Ma douce en était profondément affectée, ses collègues avaient des gestes plus las. Nous savons aussi que, la vie étant ce qu'elle est, les chemins de chacun se séparent ici et il faudra compter sur le hasard pour que tous se revoient. C'est ainsi. L'idée un temps caressée d'ouvrir notre propre librairie (montage financier difficile mais « jouable »), a fait long feu. Nous ne sommes plus si jeunes et l'avenir du livre sous sa forme papier est incertain sur les dix ans qui viennent, le risque est trop grand pour de simples passionnés. Je lance donc ce chant élégiaque, dolent, d'un lecteur désemparé et accessoirement d'un auteur qui, si jamais son éditeur lui fait encore une fois confiance, n'aura personne pour défendre son travail.
Commentaires
Bon courage à ta douce et oui c'est vraiment regrettable de voir disparaitre cette institution !
Superbe. Il faudrait qu'on monte un cimetière des oeuvres vivantes, enfin, je me comprends.
Hasard des choses, j'ai recroisé la propriétaire le lendemain, à la messe de baptême de mon fils, et, sentant la veille que toute conversation serait difficile, je n'avais trop osé lui parler, mais elle est venue me remercier après la messe pour des mots que nous avons eus avec ma femme sur la communauté chrétienne de Roanne. Si j'avais osé, je lui aurais dit merci à elle pour sa librairie, toujours rangée de façon qui semblait hasardeuse mais du coup, image de le librairie comme je les aime. Et puis pour son soutien dans bon nombres de nos projets. A nos actes manqués... Courage à ta douce.
Merci. Tout va bien. Nous savourons le temps qui s'écoule (j'ai un mois de vacances). Et l'an prochain...