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Incipit

Début d'une nouvelle, acceptée par les éditions "La muse galante", (non) publiée dans la vagissante revue "Canicule". Pourquoi "non" publiée ? Parce qu'il s'agit d'un numéro zéro. Mais après tout, on peut imaginer que du numéro zéro au numéro 1, il n'y a qu'un pas. Ah oui, précision importante en ce qui me concerne, essentielle même : ce texte est une commande. Le bonheur d'être sollicité (pour un type comme moi, miné par un doute permanent), alors que je ne connais absolument personne, je vous assure...

"Si je ferme les yeux, je retourne sans effort près de ce fleuve. Voici ses eaux, tranquilles sous la lune. Et parmi les gazelles venues s'abreuver, trois fois plus haut que leurs échines, te voici,  Enkidu. Enkidu, je te devine dans la nuit, massif comme un roc, vif pourtant, ramassé dans un geste au milieu des roseaux, la chevelure hirsute tombée sur ton visage, ta bouche qui lampe à grand bruit l'eau du Tigre. Le jour, les bergers effrayés fuient ta silhouette immense, ton regard fauve, tes muscles couverts de pelage. Le soir, ils redoutent tes cris sauvages, ta folie, ton mystère. Tu chasses leur gibier, tu mènes ta harde, impunie, au milieu de leurs champs. Et contre toi, les chiens sont impuissants.

    Alors, les bergers désespérés sont allés à Uruk chercher secours auprès du puissant Gilgamesh. Ils ont enlevé la poussière de leurs pieds, se sont inclinés devant le fils de Ninsuna et ils ont raconté tes rugissements, ta force, la steppe qui gémit sous tes pas. Gilgamesh a écouté. Il a reconnu dans leur récit des mots qui pourraient le décrire, lui, le roi aux deux-tiers divin. Il a noté l'envergure de leurs bras pour mesurer ta carrure, la hauteur de leur houlette pour dire la taille de tes jambes, l'image des braises pour définir ton regard. En tout cela, étrangement, il se retrouvait. Gilgamesh a réfléchi. Il a appelé sa courtisane, Shamat, et il l'a présentée aux bergers. « Voyez Shamat, la Joyeuse. Elle est attachée à mes pas, nulle femme ne lui est comparée. Elle prend la route avec vous, dès ce soir. Son escorte montera la tente sur les berges du Tigre. Là, elle attendra le monstre que vous craignez. » Les bergers considérèrent la courtisane, sa chair précieuse et son port de reine, avec étonnement et mépris : que ferait-elle que nos chiens n'ont pas fait ? Que pourrait-elle que nos fléaux n'ont pas pu ? Le géant la mettra en pièces, il la dévorera ! Elle tourna son visage vers son roi. Ils échangèrent un sourire. Gilgamesh dit : « Ayez confiance, allez ! » "

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