Beaucoup de retours très émouvants des premiers lecteurs roannais de « J'habitais Roanne ». Le livre est en vente depuis une dizaine de jours maintenant et déjà des personnes sont venues me voir en dédicace, le livre en main, me remerciant, touchées par tel ou tel passage sur un aspect de la ville qu'elles ont connue. C'était prévisible, mais c'est plus troublant que je pensais : comme si j'avais saisi quelque chose de leur intimité pour la délivrer au grand jour. Une appropriation très forte donc. Celle que j'espérais. Bien sûr, plus tard, les historiens vont entrer dans la danse, ausculteront mon travail et auront des reproches à faire, je n'en doute pas. Je ne peux que promettre d'avoir fait de mon mieux. Me parviennent aussi nombre de courriels, témoignant de lectures en cours ou finies, toutes positives, touchantes, remuantes même. Enfin des lettres. Et notamment une, d'une vieille connaissance. Un écrivain qui eut à ce titre son heure de gloire, qu'il s'amuse à ne pas prendre au sérieux parce que, dit-il, édité par Horvath (un éditeur local de l'époque), son livre à succès aurait péniblement fait mille exemplaires. Mais il a eu la chance d'être repéré par de grands médias parisiens et les ventes ont décollé. Cet auteur, c'est Paul Perrève, et son livre à succès c'est « La Burle ». Des dizaines et des dizaines de milliers d'exemplaires, des rééditions, des versions en langue étrangère, audio, etc. en ont fait l'auteur roannais par excellence. Ceux qui l'ont découvert dans « J'habitais Roanne » ne connaîtront qu'une infime partie de l'étendue de ses talents. Accompagnant la délicieuse lettre de ce « vieil ami », une photocopie de coupure de journal. Il s'agit d'un article du journal le Progrès, peut-être daté de 1972 ou 1973, relatant une réunion de la Société préhistorique de la Loire. A travers le grain de la trame on distingue une série de visages, que Perrève m'aide à identifier de son écriture manuscrite, en légende. La plupart des noms sont suivis d'une croix qui signifie qu'ils sont morts. Presque au centre du groupe, il y a un visage tout blanc, couronné d'une coupe au bol noire : bon sang, c'est moi ! On dirait un tout petit petit garçon. On est si bébé à 12-13 ans ? Tout autour, des messieurs sérieux, une dame (Madeleine, la femme de Paul) et derrière moi, mon père, qui m'a pris sur les genoux, tellement je suis petit, pour que je puisse voir les diapositives de je ne sais quel site récemment fouillé, j'imagine. C'est cette petite créature qui écrivait ses premiers « romans », produisait à jet continu des BD d'aventures, fouillait, connaissait par coeur les animaux préhistoriques et les noms des planètes de notre système, avait décidé d'être végétarien (au collège seulement) ? C'est lui ? C'est moi ? Il m'est étranger. Qui était-il, qui était moi ?