Depuis que j'ai ouvert les yeux
Je cours dans ce monde
sous le couvercle d'un grand feu sec
ou sous la paume d'un vide givré de petits feux mourant.
Je cours sous l'un ou l'autre, plus vastes que mon monde, je crois.
Mon monde est une sente étroite coupée d'angles.
J'y étouffe, je jette mes cornes aux parois,
Elles font des traces brunes que je retrouve souvent.
Hors de mon monde, il y a des créatures qui chantent,
parfois elles sont sur mon chemin
Je les accueille dans un grand mugissement.
Elles tombent.
Je n'aime pas qu'elles tombent. Là, elles ne chantent plus.
Je cours seul ensuite entre les murs de mon monde,
sous le grand feu sec puis sous la grande paume noire
avec de temps en temps, un gros caillou blanc jeté contre ce vide, et qui ne tombe pas.
J'ignore si je dois courir longtemps
avant de chanter avec les créatures dehors.
Dehors, je crois qu'elles ne tombent pas.
Je frémis de toute ma grosse tête en pensant à ce moment.
J'ai peur aussi.
Je ne sais pas si je dois sortir de mon monde, mais je crois que c'est bien.
Parfois, je crois que ce n'est pas possible et que je dois courir pour toujours.
Alors, Je lance de longs mugissements.
Et le caillou, là-haut, garde sa tête de caillou.