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Travails

Travails_Bougel.JPGIl n'est pas question que de travail dans Travails. Il est question des incertitudes, de la naïveté d'être un jeune garçon. La première épreuve de la vie, le boulot, la première rencontre avec les adultes, hors du contexte familial. L'émotion et le désarroi face à des femmes monumentales et troublantes, des bandits de catégorie C, des patrons, des chefaillons en nœud papillon, des crêpes reblochon-banane et des camarades. Et pour traiter de tout cela, Bougel, il aime pas la poésie qui fait des périphrases, il aime pas les alexandrins. Enfin, là, il peut pas. Là, la versification est brute comme un coup de clé et serre pareil, serre le motif au plus juste de son expression. C'est pile, ajusté, sec, du beau travail de manard qui usine au millimètre. Comme l'annonce Christian Degoutte en quatrième de couverture : « c’est un homme à son établi ; un manuel de la pensée qui serre le temps entre ses outils ». On avait eu un aperçu en prose de la main calleuse avec laquelle Hervé Bougel raconte la vie, et surtout la vie au travail, dans « Les Pommarins ». Dans ce livre, l'auteur prenait le temps, enveloppait une phrase pourtant déjà hachée, tendue, tout en énergie, mais enfin, le lecteur avait la place de respirer. Avec Travails, on retrousse les manches, on respire un bon coup et vas-y, coltine-toi les heures de taf et les pauses au café avec les gars ou le cinoche. Je dis taf et cinoche pour faire genre, mais en réalité, monsieur Bougel évoque le travail en atelier et les cinémas incendiés, pas de raccourcis argotique pour mieux faire sentir le cambouis (sauf celui de sa mob). C'est tout en angoisse rentrée, en beauté, en fascination devant le monde qui s'ouvre. C'est pas les heures passées au guichet de Pôle Emploi qui vont nous fournir une poésie comme ça, enfin je pense pas, quoique. Tiens, là encore, je vous le fais vite avec des absences de négations, mais pareil, pas le genre du poète Bougel. C'est âpre et cru, d'accord, mais personne n'oublie qu'on est dans de la littérature. Le filtre est là. Délicat équilibre entre sophistication et brusquerie des tranches de vie décrites. Il est fort, ce Bougel. Travails peut aussi se lire comme un manifeste de la poésie défendue par Hervé Bougel en tant qu'éditeur au Pré#carré. Une poésie en prise avec aujourd'hui, même quand elle parle d'hier. Vous comprendrez qu'il est impossible d'y trouver de la nostalgie.

Travails, suivi de Arrache-les-Carreaux. Hervé Bougel. Editions Les carnets du dessert de lune. 80 pages. 11 euros.

Commentaires

  • Merci pour cette belle note de lecture. Je partage !
    Amicalement.

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