La bibliothèque d'Alexandre formait entre ses parois compactes un vaste quadrilatère et élevait ses registres de reliures multicolores sans interruption jusqu'au sommet, à quatre mètres de hauteur. Au milieu de la salle, plusieurs tables de travail fichées en leur centre de lampes à monture de cuivre et globes de verre et dans les angles, des lutrins supportant des ouvrages énormes, lourds comme des pierres. Il y régnait une odeur fanée un peu sucrée dont Syrrha se souviendrait toute sa vie. Le vieil homme entra en chantonnant, déposa ses livres et fit déposer à Syrrha ceux qu'elle avait portés, sur la longue table centrale. « Tout ce savoir mort, hein ? » dit-il. Syrrha ne sut que répondre, voulut dénier, ou sourire comme si Alexandre avait glissé une plaisanterie, mais elle ne put que rester inerte, traversée par l'idée qu'il disait vrai. Elle devina qu'il acceptait ce deuil, n'y trouvait pas matière à tristesse et n'aurait pas conçu qu'un tiers puisse s'en affliger plus que lui.
Extrait d'un roman en cours.