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Les eaux froides.

Voyageur, ne t'aventure pas dans ces contrées maudites si aucune raison impérieuse ne t'y oblige. Pauvres enfants de Pangée, marcheurs sous le soleil, promeneurs qui lancent leurs chants parmi les vapeurs parfumées que l'humus exhale, combien vous regrettiez la douce haleine de la terre ! [...] Après le calme relatif des longues nuits, un vent pénétrant se levait avec le maigre jour et courait sur les flots noirs à l'assaut de nos ponts. En quelques instants, les cordages et les haubans, les pavois, les lisses, les voiles, les proues et jusqu'aux mécanismes des balistes et des gouvernails, tout se couvrait d'un lourd fourreau de glace, empêchant les manœuvres, ralentissant les mouvements et l'exécution des ordres. La mâture devenait roche et forêt blanche de givre, envahie, recouverte, dévorée par une masse toujours plus épaisse de cristaux piquants qu'il fallait continuellement briser à la hache pour l'en dégager. Tout se faisait dans la peine et la souffrance. Agripper un câble sans protection était comme saisir une barre de métal brûlant. La peau était immédiatement arrachée, la chair crevassée. Nous respirions prudemment, l'air entrait dans la gorge douloureuse et jusqu'à la poitrine avec la force et l'éclat d'une dague. Le froid poussait des larmes aux yeux, larmes qui se figeaient dans l'instant. Le ciel était livide, la mer noire et balancée lente, marbrée de bave blanchâtre.

 

Extrait de Les nefs de Pangée.

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