Kronix est mou du genou en ce moment, il lui arrive de manquer à ses rendez-vous, ce qui était impensable il y a quelques années. Le paradoxe est que j'ai tout le temps aujourd'hui, paradoxe doublé du fait que j'ai beaucoup de choses à dire, notamment sur le monde de l'édition parisienne, que je découvre. Mais je suppose que, tout simplement, mon cerveau doit s'adapter à cette configuration nouvelle. J'écris chaque jour, mais sur mes romans, de façon obsessionnelle. Ce qui devrait me permettre, si j'ai bien calculé, de boucler trois livres cette année. L'un d'eux est en passe d'être achevé, l'affaire de trois semaines tout au plus. Il sera publié sous pseudonyme (enfin, si un éditeur en veut, n'est-ce pas ?), les deux autres sont en partie écrits, ils appellent une réécriture, une refonte plus ou moins complète selon le manuscrit. J'ai hâte de finir mon caprice actuel (car c'en est un et, comme tous les caprices, il m'est apparu ennuyeux dès que j'ai entamé sa concrétisation) pour passer aux choses sérieuses.
En attendant, ma douce et moi, nous apprenons le temps des journées déroulées sans autres repères que les nôtres, les matins sans réveil, les soirs paisibles. Nous apprenons aussi l'économie de la précarité, précarité choisie et voulue, et j'apprends que ne plus vivre l'inquiétude du travail n'empêche pas les insomnies, les angoisses nocturnes, les heures imparfaites. La différence est qu'il me suffit de regarder par la fenêtre, d'enlacer ma douce et de me dire « ce sera comme ça désormais » pour que tout désarroi soit relativisé. Quand tout est réuni pour être heureux, un type comme moi (je veux dire : un type dont les angoisses et le mal-être sont les moteurs de la création) doit faire l'effort de se dire qu'il n'a aucune raison de ne pas l'être.