Kronix est resté muet ces derniers jours. Beaucoup de choses très belles ont été dites, des choses très stupides aussi. Et pas mal de banalités. Ce n'est pas une critique, même des choses banales doivent être exprimées quand le choc rend les mots fébriles et maladroits. Aussi pertinent que je tenterais d'être (ce que je m'étais plus ou moins préparé à faire lorsque serait venu le temps de la parole), je ne pourrais qu'ajouter ma voix à toutes les autres. Je crois que tout a été dit.
Tandis que les effets de ce traumatisme se poursuivaient en chacun de nous, la Compagnie Nu jouait sur scène. Tant de travail, toute cette énergie, alors que les esprits étaient sidérés, que le chaos nous était promis. C'était bien, c'était bon, mais combien ça semblait dérisoire. Dans le même temps, encore, je tentai d'ajouter quelques lignes à mon prochain roman. Je n'y suis parvenu qu'hier, tant l'écriture de fiction et les thèmes que j'abordais me paraissaient définitivement mis hors-jeu par la sauvagerie, par le chagrin, l'impensable et écrasant chagrin qui, de temps en temps, sans prévenir, rappelle les larmes depuis une source qui ne semble jamais pouvoir se tarir.
Je voulais analyser, synthétiser, livrer ma vision des choses. J'ai renoncé. Que vaut mon regard ? Cependant, j'ai écouté tous les avis, toutes les failles, les pires récupérations, les plus beaux témoignages. Tout ce matériau, multiple, choral, polysémique, contradictoire, aurait pu m'embrouiller l'esprit, me faire confondre les choix et les urgences. Il n'en est rien. Tout est clair et simple.
Nous sommes vivants.
Pas seulement des créatures organiques qui se meuvent à la surface d'une quelconque planète, mais des êtres de pensée. Il arrive que ces créatures prennent des idées pour des pensées. Il arrive qu'elles meurent ou tuent pour elles.
Je suis vivant,
je veux ajouter de la pensée dans mes idées. Je suis vivant, je me nourris d'intelligence et de réflexions.
Nous sommes vivants,
il n'a jamais été aussi essentiel de proposer de l'intelligence, de défendre l'intelligence, de partager de l'intelligence, de promouvoir l'intelligence. Le mépris de l'intelligence qui se manifeste depuis des années, qui gonfle le torse et se satisfait de la bonne bêtise, si relaxante, et du bon sens, si évident, c'est d'abord lui, notre ennemi. C'est lui, le bourreau dont il faut arrêter le geste.
Commentaires
belles pensées !
Merci.
Enfin tes mots ! mais je comprenais ton silence et tes trois petits de jeudi derniers m'ont permis de me mettre en marche pour l'atelier d'écriture de cet après-midi à la bibliothèque. Merci pour Laura qui lira quelques mots de toi, toujours intelligents (si, si ...)dans le tram de Grenoble pour le printemps des poètes... Et ceux là, les poètes, on va leur tirer dessus ?Puis-je m'autoriser à te souhaiter une belle année quand même ?...!
Autorise-toi, autorise-toi. On va s'évertuer à faire un pied de nez aux briseurs de paix ignares. Content d'avoir de tes nouvelles. Et merci à Laura. Bonne année à vous tous.