Nous étions, samedi, dans une bulle. C'était à Genève, nous savions pour Paris, et les livres et les mots semblaient à chacun l'esquif à quoi se cramponner. Nous pensions à tout le reste, assurément, mais nous restions frileusement dans l'entrelacs des textes, évitant les écrans et les journaux. Se croisaient dans les salles, conversations allusives, soupirs sans insistance, hochements de têtes disant l'impuissance. Il faudrait bien reprendre pieds, il faudrait bien réintégrer le harcèlement des douleurs et partager la sidération des nôtres. En attendant, nous réclamions un peu de répit ; il se trouve que la littérature nous l'offrait, et nous avons savouré ses bienfaits. Les plus audacieux pouvaient deviner dans les effets de ce baume, ce que la littérature, un jour, nous ferait comprendre de tout cela, et comment elle apaiserait les blessures.
Il y eut ce moment où l'une des lauréates du prix Lettres-Frontière l'an dernier – laquelle était-ce ? Paola ou Bettina ?- ouvrit l'enveloppe et prononça mon nom. Ce fut un grand moment, un beau moment, qui me permit de parler de mon affection particulière pour ce prix, et les histoires d'amitié qu'il fit naître, en 2009, alors que je n'étais que sélectionné. Aujourd'hui, donc, j'ai le plaisir et l'honneur d'avoir été distingué. La surprise de voir déjoués mes propres pronostics. Je suis heureux et reconnaissant de ce choix, et des rencontres qu'il va engendrer.
Me voici, de retour devant mon écran, peut-être lu par Paola Pigani, avec qui j'ai pu échanger hier et pendant le trajet en train tout-à-l'heure, et c'est le moment redouté où je vais devoir reprendre contact.
Je ne sais pas encore précisément ce qui s'est passé, je n'ai perçu que les quelques bribes que nous autorisions à pénétrer notre isolement déraisonnable, mais je pense depuis hier à ceci : Bien sûr, nos armées ont porté la mort au delà de nos frontières, mais soldats contre soldats, balles contre balles, engagés contre engagés, dans ce qu'on appelle des batailles. Vous, vous portez la mort, volontairement, parmi les innocents. Nous aimons la vie, vous aimez mourir. De vous et de nous, qui vaincra ? Je vous le dis, assassins, ceux qui vivront, ceux qui l'emporteront, sont les amoureux de la vie. Et les amoureux de la vie, c'est nous.
Commentaires
Félicitations! Ce livre (et toi, donc) le mérite.
Bravo ! c'est extra !
Félicitations je suis tellement contente pour toi !
Merci.
Je l'ai lu. Je l'ai aimé. Je le prête. Il voyage. Il est apprécié. Je vais prochainement me plonger dans "Les nefs de Pangée". Bravo et surtout merci.
Merci Jacques, fidèle lecteur. Bon courage pour les Nefs.
Bravo Christian. Félicitations.
Il ne me reste plus qu'à lire ce bon roman dont tu es l'auteur et pour lequel tu as été récompensé.
J'avoue que tu publies plus vite que je n'abonde dans mes lectures ;-)
et en plus il y a les Nefs de Pangée :-( glup.
Et attends les BD...