Après le 7 janvier, complètement abasourdi, je m'étais abstenu de tout commentaire. Tant de choses belles et intelligentes avaient été dites. Aujourd'hui, sans doute parce que je les ai vécus différemment, je me suis cru autorisé à ajouter ma petite pensée sur les événements de vendredi soir, au déferlement habituel de bons sentiments. Je me dis "tant pis", je me dis "je témoigne", je me dis "pourquoi pas ?". Ci-dessous, l'extrait d'une lettre à une amie chère :
"Nous sommes des créatures d'intentions, je veux dire des êtres dont les actes sont limités. Pourquoi ? parce que nos intentions sont nobles et que le résultat vers lequel nous tendons, à savoir une paix universelle, le bonheur pour tous et la justice enfin équitable, est hors de portée, non seulement de nos modestes actes, mais hors de portée de l'humanité depuis son avènement. Ce qui nous épuise et nous abat, c'est que nous ne renonçons pas à un tel projet, contre toute évidence.
Je ne sais pas s'il a pu venir à l'idée des commanditaires et de leurs sbires endoctrinés, que le nombre des morts, la menace de leur violence, pouvaient avoir le moindre effet sur notre détermination à améliorer le monde, je ne sais pas s'ils ont cru cela, mais si tel est leur but, ils ont déjà perdu.
Peut-être viennent-ils nous rappeler à temps que nous avions un projet, né il y a deux siècles, et que nous avons, sinon trahi, au moins négligé : celui d'une société de progrès pour le plus grand nombre. Cette cause a désormais ses martyrs, hélas, elle n'en avait pas besoin. Ne les oublions pas."
Commentaires
Quand tu parles "d'intention", cela me fait penser à Fourvel et ses trois cercles...
Me vient, par ailleurs,une métaphore marine pour ce que je ressens actuellement : nous vivons un moment de forte tempête (depuis longtemps déjà...), tous embarqués sur un navire trop petit : beaucoup tombent à l'eau parce qu'on les méprise et qu'il n'y a pas de place pour eux, beaucoup tombent à l'eau guidés par le chant des sirènes du libéralisme... et certains sautent à l'eau, naufragés volontaires sur des radeaux de fortune bricolées par leur liberté, en attrapant au vol les bouées que leur lancent, par exemple, la littérature, le cinéma, les arts, la nature, la fraternité.... Le problème, c'est que je ne vois pas vraiment où ils peuvent aller...Et ceux qui restent à bord, ce sont toujours les mêmes ! Mais nous restons malgré tout d'infatigables optimistes...Question de survie...