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Opéra de Bordeaux, Romé et Juliette, ProkofievUn ballet, classique : Roméo et Juliette de Prokofiev. C'était il y a quelques jours à l'opéra de Bordeaux. Une superbe idée de ma fille et de son compagnon. Merci les enfants. Pour moi, la danse est incarnée par Maguy Marin, Karine Saporta, Merce Cunningham, Pina Bausch, Carolyn Carlson, Angelin Preljocaj… les rénovateurs d'un art qui s'est élevé, dans les années 80 notamment, à une puissance et une pertinence qui en faisait, pour le jeune spectateur que j'étais, une forme évidente et magistrale, un art en avance sur les autres (si cette expression a un sens). Je veux dire que la danse contemporaine me semblait participer, plus que les autres formes artistiques, à la société dans laquelle j'étais. Comparativement, le ballet classique, tutus et chaussons, m'a toujours paru d'une ringardise insupportable. Même les Roland Petit ou Maurice Béjard, par ailleurs portés aux nues de la création, me semblaient rejetés dans la poussière des vestiges, au regard des créateurs cités plus haut. Il me semblait que les Ballets russes et Le Sacre du printemps avaient fait un sort définitif à tout ce fatras d'agitations codifiées, depuis belle lurette. La version classique, scrupuleusement reprise, de Roméo et Juliette, a nuancé mon jugement. Passées les premières minutes où le spectateur doit admettre qu'un jeune et fougueux hétérosexuel de Vérone peut être cet éphèbe maniéré sautillant en collant bleu dans les rues, petit à petit un certain crédit s'installe, la beauté de certaines scènes vous saisit, les amours et les drames se nouent et, fichtre, on a la gorge serrée bien des fois. Les duos des deux principaux protagonistes sont stupéfiants de beauté. Les codes traditionnels se mettent à fonctionner, tout est de plus en plus lisible et de moins en moins risible. Remarquons tout de même que la musique de Prokofiev a nettement moins vieilli que la chorégraphie et que c'est peut-être elle, finalement, qui emporte et refouille l'âme éternellement. Mais bien malin celui qui saurait distinguer ce qui, dans la perfection des performances intriquées de l'orchestre et du ballet, fait advenir l'émotion.

(Photo Maximilien S.)

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