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J'avais été embauché pour mettre en scène une soirée, dans un restaurant mondialement réputé et très étoilé. J'investis le garage où, d'habitude, s'engouffraient les voitures de luxe de la clientèle, pour simuler un marché, en plaçant sous des bouquets de parasols, les maraîchers, primeurs, viticulteurs, qui fournissaient le célèbre restaurant. Il y avait un groupe de musiciens, j'ajoutais des « trucs » de théâtre : nombreux projecteurs et une machine à fumée pour créer une atmosphère censée faire oublier le triste décor du parking. Le chef très étoilé et sa femme furent charmants, je dois le dire. Agréables, souriants, amicaux. Le personnel avait été mis à ma disposition pour concrétiser ma « vision », préparée sous forme de croquis. L'enthousiasme général eut sur moi un effet étrange. Je me sentais indigne de leur confiance. « C’est donc si facile, me disais-je, gagné par un fort sentiment d'imposture. On peut donc si facilement les satisfaire ? » Je fus envahi d'un profond dégoût de moi-même qui se traduisit par une hostilité envers mes commanditaires. La soirée commençait. Je voyais affluer des êtres d'un autre monde. Je réalisai que je n'avais rien à faire ici. Ma frustration, encore confuse à ce moment-là, me conduisit à une tranquille auto-destruction. J'attendis que le chef très étoilé me dise : « Il faut commencer, maintenant » quand les premiers visiteurs pénétrèrent dans mon décor, pour me promener entre les étals reconstitués, machine à fumée bien visible au bras, balançant des jets de vapeur bruyants dans les jambes des bourgeoises, un peu décontenancées. De plus, je gratifiai chaque invité de mon regard mauvais. Une agressivité que personne n'avait méritée. Surtout pas mes commanditaires qui, très occupés par ailleurs, ne prirent pas garde à ma mauvaise humeur incompréhensible.
Ils ne m'ont jamais recontacté. A mon grand soulagement.

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