Après Richard Borhinger en 2008, les journalistes Françoise Fressoz et Marie-Eve Malouines en 2009, et simultanément avec Jean Guillou, grand organiste et compositeur méprisé par les instances culturelles de son propre pays mais honoré partout ailleurs, c'est au tour du philosophe Jacques Bouveresse de refuser la légion d'honneur, cette distinction que, à présent, tout le monde peut avoir à condition par exemple d'être passé à la télé. Le philosophe s'explique dans cette lettre à Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur.
Lu sur Mediapart (mais disponible un peu partout sur le net) :
"Madame la ministre,
Je viens d’apprendre avec étonnement par la rumeur publique et par la presse une nouvelle que m’a confirmée la lecture du Journal officiel du 14 juillet, à savoir que je figurais dans la liste des promus de la Légion d’honneur, sous la rubrique de votre ministère, avec le grade de chevalier.
Or non seulement je n’ai jamais sollicité de quelque façon que ce soit une distinction de cette sorte, mais j’ai au contraire fait savoir clairement, la première fois que la question s’est posée, il y a bien des années [1], et à nouveau peu de temps après avoir été élu au Collège de France, en 1995, que je ne souhaitais en aucun cas recevoir de distinctions de ce genre. Si j’avais été informé de vos intentions, j’aurais pu aisément vous préciser que je n’ai pas changé d’attitude sur ce point et que je souhaite plus que jamais que ma volonté soit respectée.
Il ne peut, dans ces conditions, être question en aucun cas pour moi d’accepter la distinction qui m’est proposée et – vous me pardonnerez, je l’espère, de vous le dire avec franchise – certainement encore moins d’un gouvernement comme celui auquel vous appartenez, dont tout me sépare radicalement et dont la politique adoptée à l’égard de l’Éducation nationale et de la question des services publics en général me semble particulièrement inacceptable.
J’ose espérer, par conséquent, que vous voudrez bien considérer cette lettre comme l’expression de mon refus ferme et définitif d’accepter l’honneur supposé qui m’est fait en l’occurrence et prendre les mesures nécessaires pour qu’il en soit tenu compte.
En vous remerciant d’avance, je vous prie, Madame la ministre, d’agréer l’expression de mes sentiments les plus respectueux.
Jacques Bouveresse
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Jacques Bouveresse a publié aux éditions Agone neuf livres, dont cinq volume d'Essais et, dernièrement, La Connaissance de l'écrivain.
Notes
[1] Il s’agissait alors d’une proposition émanant du ministre socialiste Jack Lang. [ndlr]
Commentaires
Lettre déjà lue sur le site Marianne .Enfin ,quelqu'un qui a de l'audience ,qui ose leur dire ce qu'il pense de leur politique pour l'E;N et les services publics .Puisse -t-il etre suivi par beaucoup d'autres .....et que sa lettre soit lue par tous les français .