Pour qui est-ce que je me prends ? Je me morfonds depuis qu'une innocente plaisanterie m'a profondément bouleversé.
Dans une rédaction que je connais bien pour y avoir travaillé et que je visite parfois, une jeune femme arrose son départ vers d'autres cieux professionnels. Ses collègues lui font les traditionnels cadeaux et quelques surprises plaisantes, dont une parodie du journal auquel elle participe. Au hasard, je saisis ce faux amusant, lis quelques articles très drôles et tombe sur une liste des moments les plus affligeants de sa carrière de rédactrice. Et je découvre notamment « les interviews d'auteurs qui se prennent pour Houellebecq ». La jeune journaliste m'a interviewé, lors de la sortie du « Psychopompe ». Je ne pense pas être paranoïaque en prenant le trait pour mon compte ; je sens même une certaine gêne autour de ma lecture.
Mince alors ! Je donne donc cette image ? Celle d'un type qui « se prend pour » ? Moi qui n'ai accepté le titre d'écrivain qu'après l'édition de mon cinquième ou sixième roman, à plus de quarante ans, et encore : en baissant la voix et le regard. Peut-être ai-je parlé avec trop de sérieux de ce livre-là, peut-être ai-je cru devoir convaincre que c'était « bien », et dans cet exercice, me suis-je montré trop sûr de moi, prétentieux. La prétention, en fait, nous y sommes, petits auteurs, un peu conduits. C'est que l'on nous l'autorise, malgré notre modeste statut. On nous donne la parole, soudain, parce que nous avons écrit. Et nous voici pontifiant, discourant, donnant notre avis, à la demande d'un public qui écoute. Pourtant, nous ne sommes pas plus renseignés du monde que les autres, pas plus subtils, pas plus cultivés mais voilà : nous prenons l'habitude de cette autorité artificielle. J'ai dû semblé tellement sûr de moi...
Une dure leçon d'humilité en tout cas.
Commentaires
c'est sans doute le revers des gens trop passionnés, trop sincères, trop honnêtes et qui se prennent simplement pour ce qu'ils sont. Trop suspicieux, Môssieur, la sincérité et l'honnêteté !
Moi, j'ai plutôt l'impression que Houellebecq se prend pour Chavassieux quand il se met à écrire mais qu'il n'y arrive pas.
Hou là là. non, je t'en prie...