Dans J'habitais Roanne, il y a un passage où je dis, des mains de mon père : « De la corne s'y amassait dans le frottement des manches d'outil ; elles restaient fragiles pourtant. Au contact de la terre mouillée, dans le refouillement constant des sols et l'essartage des broussailles, dans la lutte incessante de ces temps où la nature était considérée comme devant être soumise au génie humain, ses paumes se fendaient, la peau des articulations éclatait, le jus noir de l'humus y entrait, l'acide des fumures y faisait des ravages. Les lourdes mains prenaient l'aspect de la pierre en hiver, du bois creusé par le temps. »
Hier soir, Béa, une amie, photographe amateur, est passée nous voir. Elle m'a offert une photo en noir et blanc. Un très gros plan des mains de son père, disparu. Des mains également scarifiées par le jardinage obstiné. Des mains rugueuses aux ongles éclatés par l'hostilité des sols. Ces mains que mon récit lui a rappelées. C'est un des cadeaux les plus touchants qu'on m'ait faits, et le retour le plus émouvant que j'ai eu de mon livre.
Commentaires
Je connais cette photo ainsi que la délicatesse de l'auteur, son intégrité. C'est une femme rare, précieuse, un trésor tout simplement, même si elle a souvent du mal à l'entendre. Je ne suis donc pas étonné par l'émotion qu'a provoquée ce présent.
Je la reconnais bien là ! C'est la Béa... attitude.