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L'Affaire des Vivants, vue et lue par Marielle, médiathécaire de Gilly-sur-Isère. Grand merci à elle et à l'équipe. Et à l'année prochaine.

"Par quoi commencer pour exprimer mon ressenti à la lecture ? Peut-être par le mot qui me vient spontanément à l’esprit sitôt la dernière page tournée : « MONUMENTAL».

Est-ce le personnage de Charlemagne, colosse insondable, qui me souffle ce mot ? Le gigantisme de l’époque, dans laquelle s’inscrit cette saga familiale, cette fin XIX°, si bien restituée, avec son développement tentaculaire et sa capacité à broyer les hommes ? les 352 pages qui invitent à de multiples questionnements : sur le destin, le poids de la famille, le poids d’une époque, le faux semblant des relations humaines, le sens du bonheur, celui de l’argent, du travail, de la liberté, l’absurdité de la guerre, l’importance des mots… ? Ou la puissance de l’écriture, quand elle nous plonge avec effroi, humour ou douceur dans des scènes que l’on retiendra ?

Je ne sais ce qui a motivé ce monument, cet « ouvrage d’architecture remarquable d’un point de vue esthétique ou historique » (définition du Larousse) : un hommage à Flaubert, Hugo, Balzac ? Une expérience stylistique (très réussie) avec l’envie de s’immerger dans la langue du XIX° et ses mots oubliés ?

Mais qu’importe et que l’on ne s’y trompe pas : Ce livre est plus qu’un hommage ou un vrai faux roman du XIX° : Pas du Hugo, du Balzac ou du Flaubert, mais leur égal : du Chavassieux pur jus. Avec toute la malice et le brio singulier de celui qui sait emmener le lecteur et les personnages là où il veut… Avec les mots, qu’il aime tant, et les noms savamment choisis comme autant de boussoles.

Le roman, très contemporain, nous convie au concert (tantôt Wagner, Gorecki, chanson populaire, petite musique de chambre voire expérimentale façon Cage), au cinéma avec des scènes à couper le souffle, la puissance de l’écriture en lieu et place de la caméra. Et bien plus sûrement au théâtre avec sa galerie de personnages, et ses phrases en fin de chapitre comme un tombé de rideau. Sans compter le procédé brechtien pour nous rendre complice de ce qui se joue dans les pages ! Pas moyen de nous défausser : nous sommes pris au piège de nos émotions et notre esprit « bourrasque » face aux ruptures des destins ou , à contrario, face aux consternantes linéarités des vies qui se déroulent sous nos yeux : colère, empathie, admiration, détestation face aux personnages que l’écrivain modèle à sa guise… ou presque. Comme Abel Gance aux soldats figurants de « j’accuse », l’écrivain leur impose de bien terribles épreuves ; on lui en veut un peu, mais on lui pardonne bien vite car il nous invite à l’indulgence pour les plus détestables…

Et se forme au fil du récit un idéal hybride : nous rêvons secrètement à l’étoffe de Charlemagne, l’élégance de Jean Baptiste, « l’âme complète » et libertaire de Louis, la pétillance de Jeanne, la force de résilience d’Alma, celle de rédemption d’Ernest, la sagesse de Victor et la simplicité solaire du père Martanche…

Enfin, nous quitterons le livre à regret…

…Comme une mise en abyme, nous terminerons cette rencontre, assis à la table d’un écrivain. Nous fermerons la porte comme nous avons tourné la dernière page, en nous sentant plus beaux, plus riches et… plus vivants !"

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