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Le feuilleton de l'été

Pieds nus sur les ronces - 43

 

    C'est tout ce qui s'est passé, quoi d'autre ? J'écrivais, que sont-ils venus faire ? Que voulaient-ils tous ? J'ai quitté mon reflet ma jumelle de verre à quoi bon, et me voici descendue dans le hall, tout le monde est là. Je découvre Madeleine et sa mère, deux vieilles soudées l'une à l'autre, puant la pisse, je suis déçue : la très vieille, la plus que centenaire, est un épouvantail malhabile recouvert de vilaines fringues accumulées par les ans sur une échine qui n'en peut mais ; quant à Madeleine, je la voulais pleine de dignité et de noblesse, c’est une femme quelconque, abandonnée depuis tant de temps, ses dernières séductions brûlées au contact du père Cot, une fiancée délaissée qui a scellé ses lèvres dans une moue douloureuse et fermé ses bras sur le plaisir. Arbane est à côté d'elles mais ne les regarde pas, comme elle ne regarde pas les moisissures de tapis, chez elle.

 



    Chez elle, Syrrha avait perçu l'altération de la couleur du ciel, un couchant s'exprimait là où le soleil se lève. Les timbres de la nuit aussi avaient muté. Elle eut peur soudain. Il se pourrait que le temps s'arrête. C'était une information complexe à assimiler. Elle se leva pour se diriger vers la salle de bains, ce faisant elle marcha sur le plan du château qu'elle avait terminé à présent. Les feuilles solidarisées par maints moyens formaient un névé abîmé de traits noirs, déposé sur le sol de la chambre, froissé aux angles des murs, remonté en congères contre les meubles. Le plan était terminé, mais probablement les dessins qui en schématisaient les contours s'étaient-ils émancipés de la forme initiale, du respect dû à la forme initiale, et s'étaient-ils aventuré vers des lointains, avec de nouvelles tours, des salles prolongées, d'autres pièces, greffées selon la complexion secrète du récit de la jeune femme. Un labyrinthe proliférant, bourgeonnant, plein d'excroissances maladives. Elle alluma la pièce et se posta devant la glace. Un visage plus ou moins étranger la considérait avec un air curieux. Syrrha, dit-elle. Dans le miroir, les lèvres du visage s'étaient contractées pour prononcer son nom. C'était il y a longtemps, juste après les ronces, cet exercice face au miroir lui était familier, ensuite le vertige fut plus laborieux à conquérir, mais il se produisait tout de même. Syrrha, dit le reflet, Syrrha dit Syrrha, Syrrha Syrrah, Syrrah, SYRRAH

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