Comme le laissait présager son silence de plus d'une semaine, ce blog ne reprendra sans doute pas son rythme quotidien. Je me vantais il y a peu, auprès d'amies venues à une dédicace, de ma discipline de fer, de la nécessité d'une écriture quotidienne. Dès le lendemain, Kronix était suspendu. Mise en œuvre effective d'une réflexion initiée ici. Ce bref abandon a deux raisons, au moins : une panne d'ordinateur et le retour de mon éditeur à propos de La Grande Sauvage, qui me lance dans une énième révision du manuscrit. Non pas que ses remarques me contraignent à beaucoup de corrections et modifications, j'en veux pour preuve ce résumé de ces commentaires (je n'ai supprimé que des détails qui dévoileraient des aspects de l'intrigue) : « encore plus que dans mon souvenir (c'est dire), j'ai été séduit par la singularité thématique de ta première partie, la puissance lyrique de la seconde, et la tragique violence de la troisième. Le personnage de Martin est complexe, et son évolution, bien qu'originale, reste toujours vraisemblable aux yeux du lecteur. Tu es parvenu à tirer la substantifique moelle de ton énorme documentation sans nuire au récit. C'est dire que ces commentaires ne te seront malheureusement, j'en ai peur, que de peu d'utilité. Que te dire ? Que te dire ? » suit tout de même une remarque d'importance sur un chapitre dont nous sommes convenus qu'il était trop long, avant cette conclusion : « Voilà. Je suis vraiment navré de t'avoir fait patienter autant pour si peu de commentaires. Mais, il me semble que l'éditeur doit, comme le médecin, avant tout veiller à ne pas nuire à l'ouvrage réalisé. Et le tien est d'une grande valeur ! Qu'y pourrais-je améliorer ? »
Vous pouvez croire que ça me rassure. En fait, je suis plongé depuis dans une réécriture maladive de chaque phrase. Paradoxe. La peur de décevoir, sûrement.
Commentaires
Entre la clairvoyance du directeur littéraire inspiré et les dictats de l'éditeur omnipotent existe une zone trouble et malaisée où l'auteur doit progresser sans repères stables...
C'est difficile mais il me semble que tu possèdes la puissance d'y avancer.
Je te souhaite sincèrement de trouver le chemin et l'accomplissement que tu mérites.
Cher Jean-Pierre, grand merci. Je me suis permis ce billet après réflexion, avec la peur de paraître prétentieux. Je voulais dévoiler les coulisses. C'est à suivre. En effet, rien n'est gagné, jamais. Et je suis toujours prêt à la désillusion. C'est plus prudent, dans ce métier.
Quel cheminement que celui d'un livre: de l'impatience à l'inquiétude, de la brève satisfaction à l'idée qu'on aurait pu faire autrement... Heureusement que ce sont les lecteurs qui décident, au final.
Laurent : je ne sais pas, pour les lecteurs. C'est tentant, mais je ne suis pas si sûr. Tu sais comme moi quels livres plébiscités sont parfois à la limite de l'indigence. J'ajouterai un facteur supplémentaire à l'équation qui situerait la pertinence d'un texte : le temps. Peut-être même, le seul vrai juge. Le malheur est que nous ne vivons généralement pas assez vieux pour en connaître le verdict.
Ne fignole pas trop quand même !
N'y a-t-il pas un moment où l'écriture paraît si "recherchée" que le lecteur sent que l'auteur s'écoute un peu trop écrire ? C'est l'impression que j'ai eue en lisant "Madame H." par exemple.
Chère lectrice, justement : je peaufine par souci d'élégance, d'une part, et d'autre part, pour offrir un bonheur de lecture (des syntaxes variées, des rythmes, une musicalité), une fluidité, une dynamique... et pas mal de réflexions. Je veille à ne pas "faire des phrases", mais à enrichir assez le texte pour stimuler le plaisir de lire, dans toute la gamme des sensations qu'on vient y chercher. Bien sûr, il ne faut pas que l'effort soit trop manifeste. C'est la difficulté (et le paradoxe), parce qu'il faut un travail acharné pour y parvenir.
Alors tout à fait d'accord ! Et je sais que tu réussiras.
À propos des syntaxes variées, j'ai découvert tout récemment mon erreur : ce que j'avais pris un jour dans ton texte pour maladresse de syntaxe, est considéré comme... une anacoluthe ! Au temps pour moi ! (mais je n'aima pas pour autant les anacoluthes !)
Je suis tout à fait d'accord avec Christian sur deux points:
Un texte n'est jamais assez travaillé ! Si ce travail se voit c'est qu'il est maladroit ou pire ostensible ( par exemple le genre " voyez comme je suis moderne par cette phrase subtilement dépourvue de ceci ou cela etc.)
Le talent doit rendre le travail invisible tout comme le geste du danseur doit sembler aisé.
D'autre part je ne suis pas certain non plus que le lecteur décide ou bien il faut examiner comment il décide, sur quelles bases et avec quelle liberté véritable.