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« Vous êtes venu pour quoi, déjà ?
« Je sais plus. »
« Je reprends mes notes, attendez… Où ai-je mis ces foutues notes ? »
« Mais c’est pas vous qui êtes venu me voir, plutôt ? »
« Vous croyez ? »
« Je me demande. Je vais vérifier. Où ai-je noté ça ? »
« Bonjour messieurs. »
« Bonjour. »
« Bonjour. Que puis-je pour vous ? »
« Pour moi ? Je vous signale que vous êtes dans mon bureau, messieurs. »
« Ah bon ? »
« Ah bon ? »
« Oui. »
« Ce n'est pas mon bureau ? »
« Ce n'est pas le mien, plutôt ? »
« Non. Vous êtes tous les deux dans mon bureau. Vous à ma place et vous… vous, vous, là, avec votre costume d'Aztèque, vous êtes sur la chaise dévolue aux personnes que je reçois. »
« Ah bon ? »
« Ah bon ? »
« Oui. Et je vais vous demander de sortir. Sans faire d'histoire. »
« Bon. »
« Bon. Sauf qu'on vient d'en faire une, justement, d'histoire. »
« Et bien, allez donc raconter ça dans le bureau d'à côté. C'est celui d'un auteur de blog en mal d'inspiration, ce matin. »
« Oh ? Ça tombe sacrément bien alors ? »
« Oui. Je pense qu'il sera ravi. Ses lecteurs, je ne sais pas, mais lui... trouver un sujet (même pas terrible), un jour comme aujourd'hui, je suis certain qu'il va vous accueillir avec enthousiasme. »
« Bon, on y va. Merci. Je peux vous demander ce que vous faites, vous ? »
« Vous voulez dire : dans la vie, ici ? »
« Dans ce bureau. Votre métier, c'est … ? »
« Oh, moi… je n'ai pas de mission précise. Lui m'appelle l'inspiration, le hasard ou la discipline, selon ses interlocuteurs et selon les circonstances. Je redirige, j'oriente, j'expose… J'angoisse. Souvent. Je revisite les drames et les joies. Je me prends pour un dieu ou pour une merde. Je me mets face à lui et je l'insulte, je le cajole, je l'encourage. Ou, comme en ce moment, je lui envoie des visiteurs. Il fera ce qu'il en voudra. Allez-y. C’est juste là. »
« D'accord. »
« Bon, merci. Un message à lui transmettre ? »
« Dites-lui de tenir bon. On croit que tout est foutu, que plus rien ne peut advenir, que vous n'intéressez plus personne et puis, un jour, un metteur en scène vous annonce que sa troupe a bien travaillé sur une pièce écrite trois ans auparavant, un ami dessinateur vous relance sur une foule de projets, un éditeur vous contacte pour une opération qui va durer plusieurs années… Il y a de l'espoir. Dites-lui qu'il n'est pas si nul et pas si vieux que ça. »
« On lui dira. »
«  Parfait. Ne vous offusquez pas s'il vous ricane au nez. C’est juste qu'il ne veut pas qu'on le soupçonne d'être satisfait. »
« Votre boulot, ça doit pas être facile tous les jours. »
« C'est vrai. Mais je ne vois pas ce que je pourrais faire d'autre. »

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