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Bois-en mieux - Page 10

  • 3211

    C'est le printemps. Le temps des amours dans nos campagnes. Par la fenêtre, j'assiste aux ébats d'une pelleteuse et d'un camion, après leur étrange parade nuptiale. Je note que nous avons mal compris ces créatures. Le féminin de « pelleteuse » fausse le rôle manifestement masculin de la bête. Tandis que le camion, dont le rôle femelle est manifeste, reçoit en tremblant les coups de butoir de la pelleteuse qui décharge dans son réceptacle. Bref, comme toutes ces observations sur les coïts de la faune, tout ceci est passionnant mais guère ragoutant.

  • 3209

    Il traversait le jardin quand il suspendit sa promenade et regarda sa montre. « Le muguet est en avance », dit-il.

  • 3207

    Pour me faire pardonner mes trois jours d'absence sur Kronix, trois notes d'un coup :

    ***

    Dieu nous préserve des religions.

    ***

    "Et voici la salle à manger du château", déclara le propriétaire qui nous servait de guide, il ajouta d'un ton morne : "vous remarquerez l'exceptionnelle hauteur sous plafond de cette pièce". Nos regards se levèrent : la salle était dépourvue de toit.

    ***

    L'idée d'épouser son tracteur avait valu au paysan une fugace médiatisation. A présent que les journalistes étaient partis et que le village avait retrouvé son calme, il devait bien s'avouer que les formes trapues de son Massey Ferguson 8600 ne méritaient peut-être pas cet accès d'enthousiasme.

  • 3206

    Saluons le clan préhistorique qui s'est acharné à jeter l'un après l'autre les membres de sa communauté dans l'eau, jusqu'à ce que l'un d'eux, s'agitant beaucoup, invente la nage. Et regrettons simultanément l'obstination de cet autre clan, rapidement anéanti, qui opéra de même pour tenter de voler.

  • 3203

    Force est de constater que le brontosaure était plus vif que le moustique. On n'en trouve aucun, pris dans l'ambre.

  • 3195

    En plus de tant d'épreuves, la petite sirène comprit vraiment sa douleur le jour de sa première épilation.

  • 3189

    Illustrer la sagesse de Salomon par cette histoire d'enfant coupé en deux, excusez-moi, mais il y a de quoi se taper sur les cuisses.

  • 3188

    Dans un petit village italien, un minuscule comptable passait dans les rues sans soulever l'intérêt, n'adressant la parole à ses congénères que pour dire bonjour. Lors de son décès, on découvrit qu'il était extraordinairement riche et sans héritier. Ses rapports avec ses voisins et les autres citoyens étant déplorables, on s'étonna de découvrir dans son testament son souhait de léguer sa fortune à la fanfare du village. A une condition : chaque année, à la date anniversaire de sa mort, la minable fanfare devait se rendre sur sa tombe et jouer à la perfection une œuvre classique, choisie par lui, et particulièrement inaccessible à autre chose qu'à un orchestre symphonique de niveau international. Un huissier, assisté d'un critique professionnel, devait assister à la prestation et déterminer si, oui ou non, la fanfare méritait l'héritage. Le défi insurmontable se soldait systématiquement par l'embarras du critique et la sanction sans appel de l'huissier : « Pas cette fois. Vous avez un an pour répéter. »
    Cela se passait dans les années 60. Je ne sais pas si la fanfare essaie encore aujourd'hui, mais j'imagine le sourire enterré du vieux misanthrope, définitivement vengé des dissonances infligées par la fanfare, sa vie entière.

  • 3184

    Il se réveilla avec la certitude que le destin du monde était lié à un rapprochement entre le bison et le dentifrice. Cette pensée l'occupa un moment avant que ne le submerge l'urgence d'inventer un tissu qui imite à la perfection la surface des lacs en été, quand un vent faible vient du sud. Avec le soir et une certaine fatigue, l'impression de marcher sur un camembert bien fait remplaça l'idée précédente dans l'ordre de ses préoccupations. Il soupa en songeant que rien ne valait la musique que font les feuilles de thé mâchées par une mangouste, avant de s'endormir sur un début de rêve où il enseignait l'imminence du règne des lanceurs d'ablettes, discipline qu'il venait d'inventer. Il ne se passa pas trois heures avant que cette histoire de bison et de dentifrice ne le réveille à nouveau. La journée suivante se passa en méditations autour des thèmes de la veille et sur la morale qu'il pourrait bien en tirer.

  • 3183

    Toute sa vie, la sexualité de Tarzan resta marquée par son dépucelage précoce au fond de la jungle. Il en conserva une pratique étrange, difficilement descriptible, dont la charmante Jane fit les frais, qu'elle n'évoqua jamais sans retenir des pleurs, et que sa pudeur toute britannique nous empêche de connaître précisément. C'est en réalité assez regrettable.

  • 3179

    Comme un animalcule négligeable, enflé de son importance sous la loupe.

  • 3174

    L’usine avait le monopole des instruments de mesure dans tout le pays. Elle produisit des milliers de mètres roulants et de doubles décimètres, de chaînes d’arpenteur et de réglets métalliques. Or, tout était faux car un ingénieur s'était trompé, à la source, sur la valeur du centimètre : il était plus petit que la norme. Alors, le pays se divisa entre ceux pour qui le monde s'était soudain agrandi, et les autres. Il en résulta de sourdes jalousies et de sales complexes qui mirent plusieurs siècles à se réduire.

  • 3173

    A gauche, à droite, plus à gauche. Là, tu y es. La lune est à sa place.

  • 3172

    « Transformiste » répondait le loup-garou, quand on lui demandait quelle était cette activité nocturne qui le laissait si fatigué le matin.

  • 3167

    Le jour neuf traîne de vieux nuages incontinents qui s'oublient au dessus de nos têtes.

  • 3164

    Quand on observe un lamantin, objectivement, on a du mal à comprendre comment des marins ont pu prendre ces outres grises à nageoires, au mufle patatoïde et velu, pour des sirènes. Ou bien faut-il croire à une autre légende : la consommation de rhum et le manque de femmes à bord des voiliers au long cours.

  • 3163

    Ce que je retiens des Évangiles, c'est qu'à une époque on pouvait se balader pieds nus en disant qu'on était le fils de Dieu, sans risquer l'asile.

  • 3161

    « Mais où voulez-vous en venir, à la fin ? » et en effet, il réalisa que depuis un quart d'heure qu'il parlait à son patron, il avait évoqué ses vacances, les forfaits de ski, les bouchons au retour, les études de sa soeur, les probabilités d'un prochain voyage sur la lune, la traduction des manuscrits de Qumran, la recette du kinoa aux épices, le dernier Sollers, mais toujours rien sur la raison de son irruption dans le bureau directorial de ce fabricant de pneus. Quelque chose le retenait de révéler sa commande ferme de soixante-mille tonnes de raisins secs, petite erreur due à sa distraction naturelle, qu'il avouerait bien volontiers d'ailleurs si par extraordinaire on lui demandait des comptes.

  • 3159

    Le sac poubelle fait des prouesses pour éviter les voitures. Les automobilistes tentent de l'écraser, mais c’est un virtuose de l'esquive, il s'échappe in extremis, virevolte et s'envole dans un looping. Le voici à nouveau sautillant sur le bitume, provoquant les véhicules qui rugissent autour de lui. Hop, une nouvelle pirouette, on sent qu'il ricane quand soudain, une bête et impassible glissière de sécurité le prend dans ses filets et le maintient au sol. Piégé. L'autoroute, c'est la jungle.

  • 3154

    La patience a des limites. Je parle de la fleur.

     

    (c'était un billet du lundi soir)