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Paco sous la lumière

 

Couv_Paco_LC.jpgEncore une très belle livraison de la maison d'édition stéphanoise Le Réalgar, en cette fin d'année.

En une soixantaine de pages, Laurent Cachard, (auteur de Valse, Claudel chez le même éditeur et de tant d'autres textes poésies et romans, souvent présentés ici), s'efface pour donner la parole à Paco de Lucia, immense musicien de flamenco disparu en 2014. Il prévient : c'est une fantasia, un livre amoureux, que les puristes rangent leurs anathèmes, que les vétilleux veuillent bien s'abandonner à la confiance (d'ailleurs, on devine derrière le texte, l'appareil documentaire mis en œuvre, le souci de précisions techniques dans tous les aspects du jeu, un grand soin qui devrait satisfaire les gardiens du temple). Il s'agit de partager une passion ancienne et sincère. L'auteur a choisi d'entrer avec respect dans le monument pour lui faire raconter sa vie à la première personne, un monologue intérieur adressé à son fils. Diego avec qui il jouait au foot sur une plage de Cancun, Diego qui lui tient la main pendant que le guitariste se laisse gagner par la sensation de partir, foudroyé par une crise cardiaque à l'âge de 66 ans. Une soixantaine de pages extrêmement denses, riches de références, de noms, de termes musicaux, parce qu'il y a tant à dire pour un aficionado, et parce que le temps se précipite, toutes les heures de la vie se concentrent dans ces derniers instants. On apprend ainsi que Paco est parti pour l'Amérique à l'âge de 12 ans, avec son frère Pepe, qu'il a côtoyé, là-bas les plus grands, enregistré avec les stars du flamenco exilées à New-York, et qu'on le considéra très vite comme le musicien qui assurerait la relève. Plus tard, on tentera de lui coller l'étiquette vague de « fusion », déjà appliquée au jazz par exemple, mais Paco ne veut revendiquer que sa démarche qui est de « transposer les inflexions du chant dans la guitare, seul élément qui caractérise mon jeu ». Avec José Camaron qu'il admire (mais avec lequel il est fâché, ce sera sa grande blessure), il est un créateur, un découvreur, un inventeur, il intégra le son sec du cajon, découvert au Pérou, percussion que tout le monde adopta ensuite, il fit jouer des saxophonistes, des bassistes, des harmonicistes, autant d'instrumentistes non traditionnels pour une culture nourrie de rituels. Ses officiants s'effrayèrent à l'idée, sans doute, de perdre cette grâce qui doit « présider au jeu », cette force (« le goût du sang dans la terre ? ») qu'est le mystérieux et intraduisible Duende que l'auteur, dans un véritable tour de force, parvient à nous faire ressentir (nous, pauvres cartésiens). 
On sent chez Laurent Cachard la constante préoccupation de tout mettre en œuvre pour au moins cerner les contours du mystère d'un être hors du commun, énigme pour lui-même, et cela produit un de ses textes les plus forts et les plus accomplis. Mais ce n'est pas la seule raison.
Paco est un livre de la reconstruction, le long mûrissement qui l'a mis en œuvre, les raisons de son écriture et l'élan qu'il va désormais permettre à son auteur, sont des arcanes intimes dont rien ne sera dévoilé ici, mais le lecteur doit savoir que le livre qu'il tient entre ses mains est un moment essentiel dans le parcours littéraire de Laurent Cachard. S'il était plus tard, s'il était trop tard, (si on osait) on pourrait quasiment parler de testament, ou d'une sorte de fin de boucle entreprise avec son premier opus édité (car il existe, nous confie l'auteur, un lien entre ce livre-là et son premier). De même, si « le flamenco a toujours eu peur de la mort, tout en la chantant », le daemon, l'esprit du flamenco, l'essence de cette musique, peut se décrire comme un cycle. Musicien, tu accompagnes, « tu recommences, jusqu'au remate. Tué deux fois. (…) en musique, on fait tourner, continuellement, à force, on finit par croire que la vie est pareille. » Paco ainsi a vécu entre deux plages, l'une pour sa naissance, l'autre pour sa mort, entre deux eaux, Entre Dos Aguas, un morceau qui durera le temps qu'il doit durer, cette durée-là, que personne d'autre ne connaît, le maestro, le maître, maître alors de son destin, la contrôle, seul. L'auditeur n'en sera quitte qu'une fois le voyage accompli. Et la boucle est bouclée, il est l'heure de revoir sa vie, d'en tracer un bilan en forme de courbe donc, et de s'interroger sur ce l'on transmet. « Ce fut parfois dur d'être Paco », se dit-il en repensant peut-être aux 10 heures quotidiennes de guitare imposées par son père dès l'âge de 9 ans (« serrer les dents, libérer les notes »), ce que Paco saura épargner à son fils. Il devine que ce sera dur d'être le fils de Paco, plus dur que d'avoir été le fils de Lucia, le nom de sa mère, adopté comme nom de scène. Paco espère son fils assez fort pour devenir lui-même. « j'aurais bien aimé voir Diego me dribbler encore », songe-t-il simplement. Une vie sacrifiée à son art, mais dont il ne souhaite pas qu'elle soit une charge pour ceux qui suivront. C'était son affaire. L'Andalou « ne sait rien de la masse et de la revendication, il est seul face à sa souffrance ». Les solistes sont seuls, même au cœur d'un orchestre. Même quand il s'agit de faire renaître, à l'unisson, les jardins d'Aranjuez.
Le final du livre cause un surcroît d'émotion au terme d'un texte qui en est riche. Il prend la forme d'un épilogue où Paco revit sa participation au célèbre concierto de Rodrigo. "Et quand je me revois avec l'orchestre symphonique, je ressens l'impression, encore, d'être la partie d'un tout sans lequel on est rien."
Cette conclusion est le signal du regain pour un auteur que l'on a hâte de voir reprendre la grande symphonie littéraire entreprise il y a quelque temps. Ses aficionados attendent.

Paco, Laurent Cachard. Editions Le Réalgar. 65 pages ; 8 €. La couverture est le détail d'une toile signée Claude Poty.




Commentaires

  • [Ici, était un commentaire stupide, grossièrement signé Laurent Cachard, écrit certainement par un jaloux, un crétin qui se ruine le tempérament et gâche son temps à nourrir sa haine. Il ferait mieux de lire les textes de Laurent, plutôt que tenter de lui faire du mal, par blog interposé. La posture du troll est paradoxale : je l'imagine jouir de mes insultes et du trop de temps que nous avons consacré à ses tristes pitreries]

  • Evidemment, vous ne pouviez pas vous en empêcher: j'imagine qu'il est insupportable pour vous qu'on puisse me lire et m'apprécier. Vous m'avez déjà forcé à fermer les commentaires sur mon blog, cette réussite ne vous suffit-elle pas? Etes-vous réellement obligé(e) - privilège de l'anonymat sordide - de pourrir les conversations ici, en empruntant mon nom qui plus est ? Si vraiment j'ai fait quelque chose qui vous a blessé, contactez-moi. Mais cessez ce manège ridicule.

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