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Tenochtitlan est tombée au terme de plus de trois mois de siège, après une héroïque défense des Mexicains, aiguillonnés par leur chef Cuauthemoc. Cortés raconte comment les derniers résistants pleurent derrière leurs barricades : ils préféreraient se rendre, mais leur Uey Tlatoani, leur Orateur Vénéré, leur roi (lui-même poussé dans cette impasse par les religieux, selon Bernal Diaz), le leur interdit. Quelques semaines encore et, en août 1521, c'est la débandade. Les Aztèques, décimés par la variole, la soif, la faim, les combats incessants, abandonnent. Et là, les récits divergent : dans celui de Sahagun, écrit d'après les témoignages faits en nahuatl, la langue aztèque, Cuauthemoc se rend de son propre chef, en costume d'apparat, à Cortés. Dans celui de Cortés, un capitaine de brigantin (un gros bateau construit pour naviguer sur le lac), découvre le roi avec ses dignitaires, en train d'essayer de se carapater honteusement sur une pirogue, au milieu des milliers d'embarcations de civils qui fuient (mais Cortés ne se permet pas de parler de fuite, il relate seulement ces faits en précisant le nom du capitaine qui capture le roi). Bernal Diaz ajoute, à un récit encore plus détaillé de cette prise, une anecdote crédible : la brouille du capitaine avec son commandant Sandoval pour savoir à qui revient le mérite de ce fait d'armes décisif (et donc la récompense afférente).
Dans ce passage, comme dans d'autres qui racontent la conquête du Mexique, la version espagnole est souvent considérée comme suspecte car l'histoire est écrite par les vainqueurs, on le sait bien. Cependant, dans la plupart des cas, au fil de l'écriture du scénario que je suis en train d'achever, je dois admettre que, si je suis pourtant attentif aux versions des vaincus, je reviens presque toujours aux versions espagnoles. Pourquoi ? D'abord parce que, souvent, les textes nahuatl n'apportent guère d'informations intéressantes (ils ont obstrué tel passage, un tel a revêtu tel costume sacré pour combattre). Ensuite et tout simplement parce que Diaz ou Cortés ont vécu ces moments, tandis que, hélas (puisque cela dit aussi l'immense hécatombe de ce peuple), les témoignages aztèques sont rares, et sont des recensements par ouï-dire. Il n'y a pas de témoin direct, et je vous assure que cela se sent, à la lecture. Ce qui n'empêche pas de rester prudent : si Cortés en rajoute sur sa bonne volonté, sa magnanimité envers ses ennemis, Diaz ne le loupe pas sur certains aspects peu glorieux de sa personnalité : sa cupidité, sa cruauté parfois, son côté roublard, ses promesses à peu de frais, son impétuosité qui fait prendre des risques inconsidérés. Je veux dire, en conclusion, qu'il peut arriver que les textes des vainqueurs soient plus fiables que ceux des vaincus.
Quant à l'hypothèse que Diaz et Cortés soient la même personne, selon la brillante démonstration de Christophe Duverger, les nombreuses lectures que j'ai faites des deux relations m'interdisent d'y croire.

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