Pour une fois, je ne suis pas d'accord avec Michel Onfray.
Parfois, j'émets des nuances sur ses jugements, souvent -très souvent- j'adhère absolument, mais là, non, je ne suis pas d'accord. Michel Onfray propose de ne pas laisser le débat sur l'identité nationale à la droite, qui l'a provoqué. Il veut ainsi forcer ceux qui recherchent par le moyen de ce débat la division et l'exclusion, à tenir compte de l'avis des autres. Ne pas laisser à la droite le drapeau, la patrie, la nation... Toutes notions qui, excusez du peu, sont nées dans la Révolution.
Non, je dis qu'il ne faut pas tomber dans ce piège. Personnellement, je n'ai aucun problème avec mon identité, ni avec l'identité des autres, de mes amis, de ma famille, des étrangers naturalisés. Si la droite a un problème avec ça, je le lui laisse bien, tant pis pour elle. Qu'elle s'interroge seule, qu'elle définisse seule ce qu'est un français, un bon français, un mauvais français, un français plus français qu'un autre, etc. Ce sera sans moi. Quand ils en auront fini de recueillir, en sous-préfecture ou sur leur site (submergé, dit Besson, tout content, mais submergé de quoi ? D'insultes ?) les témoignages et avis d'une population qui aime, qui veut, qui désire la séparation, l'apartheid, la ségrégation, peut-être alors serai-je déchu avec quelques autres de ma nationalité, parce qu'il y a fort à parier que je ne correspondrai pas à leurs critères de français bon teint. Et alors ? Je m'en fous. Je suis français, j'aime mon pays, j'assiste, désespéré, à la sape de sa cohésion, je vois son corps se fissurer, s'effriter, je vois sa pensée abêtie, simplifiée, détournée, je vois ses principes bafoués, et je vois un gouvernement, cynique et triomphant, réclamer qu'on réfléchisse soudain à ce qui distingue un français d'un autre citoyen du monde. Je ne participerai pas à cette infamie.
Eric Besson reprenait l'autre jour, les mots de Sarkozy lors de son premier discours de président, pour expliquer le surgissement de cette question que personne ne songeait à poser. Je me souviens que l'expression « identité nationale » était reliée en l'espace de deux phrases, à l'expression « auto-flagellation ». « C'en est fini de l'auto-flagellation ». En quoi ces deux concepts sont-ils en rapport, sinon dans une perspective pervertie à l'origine ? En effet, cela sous-entend qu'un bon français est fier de sa patrie, quelles qu'en soient les actes. Il est sommé de trouver formidable tout ce qui y est décidé, tout ce qui s'y produit. Justement, j'aime ma France, je l'aime passionnément, et je ne suis pas fier -à cause de cela- de ses exactions, de ses manquements aux principes qui l'ont fait naître. Je ne suis pas fier du massacre des malgaches, je ne suis pas fier des algériens jetés dans la Seine, du mépris pour les harkis, du plasticage du Rainbow Warrior, du bombardement de villages tunisiens, des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie, de la collaboration avec le nazisme, de la torture, du silence sur l'amiante, des représailles à Ouvéa, du tapis rouge déroulé pour recevoir Kadhafi. Je n'ai pas à me féliciter de telles hontes, infligées, justement, au pays que j'aime.
Il est donc possible que je sois un mauvais français. C'est possible. Tandis que parade un président qui prend son pays pour son usine, et méprise les ouvriers qui travaillent dedans.
Nous vivons un long cauchemar, et je ne vois poindre aucune lueur.