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  • Bonjour tristesse

    En déposant mon fils ce matin à la gare, avant que l'aube pointe, le voyant, mal rasé, les cheveux trop longs (ça ne lui va pas), engoncé dans un blouson trop chaud et trop grand pour lui, son sac sur le dos, pour se rendre au travail, à 80km de là, je me suis senti empoigné de tristesse. Je suis revenu ensuite ici, l'attention toujours mobilisée par l'image de mon garçon prenant le train, ignorant que je l'observais.

    Si tu savais, bonhomme, comme j'aurais aimé t'épargner, te protéger de ce monde, t'éviter le rituel des heures et de l'argent qu'on gagne, qu'on ne gagne pas, dont on n'a pas assez, après quoi l'on court. Si tu savais le monde idéal que j'aurais créé, pour toi, pour ta soeur, pour ceux que j'aime. Personne n'y parvient ? Personne ne peut le faire ? Peut-être. Mais alors, quel est ce monde ? je te fais naître, te présente à la vie qui est déjà construite sans toi et n'a que faire de toi, je te lance dans une tragédie dans laquelle tout est en place, où tu ne peux que jouer le rôle qu'on t'a assigné. Je te mets dans un train qui va bouffer ton quotidien jusqu'à la fin, et, ce faisant, j'ai l'impression de collaborer à la défaite de ta vie, au précipice qui guette, au bout des rails.

    Je n'y ai pas pensé tout de suite mais, ce qui m'a rendu triste soudain tout-à-l'heure, c'est le sentiment de t'avoir trahi. De t'avoir mis sur deux pieds, sans te prévenir qu'il faudrait vivre à genoux.  

  • Méchant

    L'autre jour, je me moquais de Maxence Fermine, enfin surtout de sa prose, lourde à force d'effets visant la légèreté la plus démonstrative. Or, je découvre que Neige, le livre qui m'a justement inspiré cet agacement, fut sélectionné en son temps (1999) pour le prix lettres-frontière. Me voici donc, moi, moqueur condescendant, ramené à la réalité et à la modestie. Il faut bien croire que "Neige" est riche de certaines qualités, que sa musique ronronnante est autre chose qu'une mièvre berceuse. Il faut bien croire. Ou sinon, que vaut ma propre sélection ?

    Dans quelques jours, quand je serai installé dans mon nouveau chez-moi, je tenterai de prendre un peu de temps pour acheter et lire "Il y a des abeilles" de Christian Degoutte, dans sa nouvelle édition bilingue français et allemand. Voilà de la littérature, de la vraie. Disponible par le net (sinon, où voudriez-vous trouver telle rareté ?) : http://precarreditions.hautetfort.com

  • Eden

    Dans quelques jours, nous allons déménager. Je vais quitter une maison que j’ai habitée pendant plus de vingt ans, dans des conditions assez singulières. Sans nostalgie, croyez-moi. Même les photos retrouvées en faisant les cartons, et par lesquelles je plonge instantanément dans le passé, ne me font rien regretter. Je souris pourtant, à certains de ces souvenirs. Les enfants, leurs jeux sous le soleil. Les fêtes avec tous les amis. Les chats, leur vie de fauves magnifiques parmi la jungle que je laissais à leur disposition. Les bêtes, tellement nombreuses, comme nées spontanément, dès qu’on ne les dérange pas pour tondre ou désherber, dès qu’on renonce à forcer la terre à produire. Merles, verdiers, écureuils, rainettes, hérissons, tourterelles, mésanges, sauterelles, fourmis, énormes escargots (bons à manger, mais amoureusement écartés du chemin), tortues (oui, terrestres, pas les saloperies aquatiques), canard, pipistrelles, poissons rouges, moineaux, musaraignes, souris, crapauds, rouges-gorges, rossignols, orvets, et les espèces que je ne connais pas, tout cela sur 800 m2. De la vie partout. C’était un bonheur, de les découvrir par hasard, aussi surpris que moi. J’espère qu’on saura, à ma suite, conserver cet éden.

  • La croix en bannière

    Arborer le petit autocollant de la croix-rouge, quand on a donné, je dois dire que ça m’agace un peu. Le conserver comme une médaille pendant plus d’une semaine, je dois dire que ça reste pour moi, d’une indécence telle, qu’elle me laisse coi.

  • Depuis le temps

    En ce moment, je travaille sur mon prochain roman (enfin, il y a toujours un prochain roman : je les enchaîne infatigablement). La nouveauté pour moi, est qu’il se passe entièrement au 19ème siècle. Disons de 1850 à 1914, en gros. Deux générations, et deux sociétés, l’une rurale, l’autre petite bourgeoisie commerçante de province. Je suis plongé dans de la documentation jusqu’aux oreilles. C’est à la fois très pénible, laborieux, mais c’est évidemment un régal pour l’intellect. J’amasse une quantité d’informations incroyables, depuis le prix du pain, la forme des banquettes de train de deuxième classe, les façons de dire bonjour, les rituels de fiançailles, jusqu’au vocabulaire utilisé alors et disparu ensuite, les courants de pensée, la durée du service militaire, la manière d’imperméabiliser de la toile ou de refroidir un dessert. Grâce à la diligence de ma douce, je dois avoir une douzaine de livres de référence sur la période, étalés autour de mon bureau, je dois en avoir lu des centaines de pages, avoir fait des heures et des heures de journaux microfilmés à la médiathèque, des sondages chez des collectionneurs, des spécialistes dans tel ou tel domaine, en attendant certaines visites de musées… J’arrache le récit à la chair du quotidien. A cause de tout ce travail de documentation, le roman lui-même avance très lentement, en moyenne neuf pages par mois, c’est bien tout. Mais je ne suis pas mécontent du résultat. Parce que l’idée, ayant compulsé tout ça, est de ne pas m’appesantir sur les détails, de ne pas paraître démontrer que j’ai bien fait mes devoirs. L’idée est simplement de plonger le lecteur dans une époque, sans avoir l’air d’y toucher. Je vais donc poursuivre sur cet axe, tranquillement, sans prévoir de date de fin d’écriture (je m’en suis bien fixé une, mais pour une fois, je vais la dépasser allègrement).

  • Prix lettres-fontière

    Les dix gagnants du prix lettres-frontière (5 pour la France, 5 pour la Suisse), sont :

    • Bertholon, Delphine - Twist - Ed. JC Lattès (Rhône-Alpes)
    • Cachard, Laurent - Tebessa, 1956 - Ed. Raison et Passions (Rhône-Alpes)
    • Char, Yasmine - La Main de Dieu - Gallimard (Suisse romande)
    • Chavassieux, Christian - Le Baiser de la nourrice - JP Huguet (Rhône-Alpes)
    • Delaloye, Julie - Dans un ciel de février - Cheyne éd. (Suisse romande)
    • Durif, Eugène - Laisse les hommes pleurer - Actes Sud (Rhône-Alpes)
    • Gallay, Claudie - Les Déferlantes - Ed du Rouergue (Rhône-Alpes)
    • Richter, Anne - l'Ange hurleur - Ed. l'Age d'Homme (Suisse romande)
    • Rivaz, Dominique de - Douchinka - Ed de l'Aire (Suisse romande)
    • Sandoz, Thomas - La Fanée - Ed. G d'Encre (Suisse romande)

    Ah oui et, tiens, au fait, je suis dedans non ? Ah oui, tiens, je suis dedans... Oh mais Oh, je suis dedans, les gars !

    Bien, bien. Merci au jury, tout ça.

    Je ne sais plus si je fais semblant de ne pas être carrément content, ou si je suis simplement heureux que ce livre puisse encore faire un bout de chemin, avec la reconnaissance de libraires de Rhône-Alpes et de Suisse romande. Je suis aussi heureux pour mon éditeur, qui glane ainsi son deuxième prix lettres-frontière en trois ans, sur quatre ans d'existence, je dis que c'est bien.

     Pour plus de détails sur le processus de sélection : http://www.lettresfrontiere.net/coulisses-de-la-selection.html

     

     

  • Exercices de style

    J’ai découvert récemment (mais on m’a forcé, monsieur le juge), l’écriture de Maxence Fermine. C’est à fourguer avec Christian Bobin et Paolo Coehlo, et à jeter à la fosse. Ces auteurs roublards qui entretiennent leur lectorat (malheureusement essentiellement féminin), dans l’illusion que la poésie est une forme lénifiante, molle, esthétisante, ponctuée de « vérités » et de pensées faussement profondes, m’agacent à un point. C’est surtout insupportablement bête. Tiens, je vous en fais une ? Une phrase à la Bobin : « Elle séjournait près des vivants, la pensée toujours à fleur de lumière, comme une onde qui passe, et ses mains avaient la douceur de l’aube ». Une minute chrono, pas compliqué. Voilà. Du Fermine ? Allez : « Yushô quittait la maison familiale au matin. Le père le reverrait le soir. « Où vas-tu, mon fils ? » lui disait-il, « tu sais bien », répondait Yushô avec un sourire, « le vent m’appelle, et je dois lui répondre. » Ainsi, chaque jour, le jeune peintre marchait jusqu’au sommet de la colline, pour répondre à la question du vent. Là, ses lèvres échappaient des mots de la couleur de l’automne, des phrases mélodieuses comme un chant de Geisha. Et le vent, apaisé, souriait. » Obligé de faire plus d’une phrase, Maxence, est verbeux, il lui faut vingt pages pour ne pas dire ce qu’il a à dire (je suppose qu’il cherche en même temps). Et le mec est capable de vous pondre toute un livre comme ça, de cette sorte de litanie dénervée, qui se veut philosophique. M’agace, m’agace…

    Par contre, parmi mes récentes lectures, il y avait le dernier Michon « les Onze ». Et dire qu’il n’est toujours pas dans le Robert des noms propres.