Mais comment se fait-il que Chine soit l'anagramme de Chien et que Japon ne soit pas l'anagramme de chat ? ça me dépasse.
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Repentir
Si j'écrivais Mausolées aujourd'hui ? Il y aurait des multinationales plus puissantes que les Etats, de vastes migrations poussées par les excès climatiques, et le fait religieux gangrénerait tout. Bref, le monde décrit serait pire, et je peux vous dire que déjà, la version actuelle ne respire pas l'optimisme.
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Mausolées - extrait
Une méchanceté séculaire suait des murs et des allées de pierre. Les ruelles sinueuses débouchaient sur des placettes murées par de hautes maisons aux fenêtres aveugles, puis s’élevaient brusquement en pentes impraticables, prolongées encore par d’étranges escaliers que le ciel enfin, coupait net. Avec cela un vide glaçant, des bourrasques perdues cherchant à s’échapper et la curieuse mélopée de vieillards invisibles, réfugiés dans le ventre de leur masure. Les ouvertures petites et curieusement haut perchées, l’ocre ressuyé des façades, la gravité des toits d’ardoise échus bas, parfois à mi-hauteur des maisons, leur couleur de cuirasse mouillée, tout cela se précipitait en meute autour de lui.
Kargo pressa le pas ; il savait seulement que la forteresse où logeait Khan ancrait ses fondations dans le rocher, au sommet de la partie moyenâgeuse de Sargonne. Il l’apercevait d’ailleurs par bribes, entre deux façades inclinées ou par l’espace dégagé d’une place. Il croisa au détour d’une ruelle, un groupe de citadins en costume folklorique (un brocard où dominaient le rouge et un bleu étonnant, enrichi de perles d’ambre accrochées en pluie sur le buste et les épaules), hommes ou femmes sans âge qui ne le regardèrent pas. Kargo emprunta enfin une voie plus large au pavement régulier et entretenu. Elle grimpait d’un jet jusqu’au rocher qui couronnait le vieux quartier et entaillait les murs de l’ancienne abbaye net et droit, comme une meurtrière. Parvenu à son sommet, le visiteur se retourna : d’ici, les toits d’ardoise de la cité se bousculaient contre les remparts, comme les glaces noircies d’une débâcle. Les façades pastel de la ville moderne s’alignaient ensuite, estompées par la brume née des fabriques. À l’horizon, très loin, des lances cristallines montaient dans les vapeurs du ciel. Ce ne pouvait être que les flèches du mausolée de Movorin. C’était la première fois que le jeune homme apercevait cette construction légendaire. Il resta un temps à admirer le dessin arachnéen des tours sur l’écran du ciel. Puis la vision disparut, effacée par un basculement de lumière.Le suite dans toutes les bonnes librairies à partir du 17 octobre, et dès le 12 à Ambierle (Loire).
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Labyrinthe 2
Ma vieille paire de chaussures
émoussée par l'errance
me porte encore
depuis mes premiers jours de marche
Au cœur du cercle
Mes ongles s'usent aux parois
qui me cernent
Mes départs sont des retours
Mes surprises des redites
Un jour je passerai
un jour je franchirai le cercle
Je ne sais ce qui m'attend
Peut-être un long sommeil
Peut-être un autre évadé
venu d'un autre cercle -
+a (l'apparition)
Sur les îles Maladives, on se calafeutre sous les palamiers.
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Pas encore
Et puis tu apprendras que les cieux ne sont pas idéaux, que les hommes parfois sont plus morts que vivants, que la beauté des choses est éphémère. Tu apprendras que tout est important, que rien n'est important. Tu apprendras que l'honnêteté coûte cher et que la saloperie résiste à tout. Tu connaîtras des souffrances que tu n'imagines même pas. Mais pour l'instant, mon tout petit, je vais te bercer et te raconter de folles histoires de paix et de joie. Le reste c’est pour demain. Demain n'est pas venu. Laissons le soir nous caresser des ses rêves idiots.
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Les grandes résolutions
Le sport, non. Par exemple, vous voyez le curling ? Et bien plutôt crever.
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Marche funèbre
La fanfare revenait triomphante au village. Elle avait gagné le concours international dans la catégorie « Airs d'opérette sous tir à balles réelles » sans déplorer plus de perte qu'un tromboniste, un porte-drapeau et deux clarinettistes. Sur un effectif de soixante musiciens, c'était très satisfaisant. Le chef de l'harmonie bougonnait cependant : les fifres et les tambours n'avaient pas respecté sa consigne du lento con sentimento, mais bon.
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Le môme à la valise
Le gamin monte dans le car avec une énorme valise. Le chauffeur l'engueule : « Tu prends deux places avec un engin pareil, fallait mettre ta valise dans la soute. », mais on n'a plus le temps, il démarre. Le gamin s'assied devant moi, écrasé par son énorme bagage qui occupe effectivement tout le siège latéral. Je l'entends bougonner « Ben oui, mais on m'avait pas dit. » Arrivé à la gare routière, les parents du gamin l'attendent. Il fait des prouesses pour descendre la valise du marchepied sans blesser personne et sans se faire mal. Les parents assistent à la cascade en s'énervant : « Mais qu'est-ce que t'avais besoin de t'encombrer comme ça ? » « Mais qu'il est con ce gamin ! » « Dépêche-toi, tu vois bien que tu ralentis tout le monde ! » etc. La mère lui colle une gifle, le père aussi. Le chauffeur les rejoint : « C’est votre fils ? Ah excusez-moi mais quel boulet ! » et il lui colle une calotte à son tour sous les hochements de tête sévères des parents, tournés vers leur coupable progéniture. Je n'étais pas loin, j'avais bien envie de profiter de l'hallali pour mettre une mandale à ce petit con, mais je devais aller au boulot et vous savez ce que c'est.
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Le cauchemar
Je croisai comme chaque matin mon poète de palier qui descendait les poubelles. Dans la rue, peu de poètes encore, l'air était frais, je passai sans la regarder la nouvelle vitrine du magasin de poésie où étaient exposées les nouveautés et filai prendre mon bus. Sous l'abri, des poètes patientaient, échangeaient des phrases convenues sur la météo : « La pluie continue à mouiller le fleuve / Le ciel pleut sans but, sans que rien l’émeuve », disait l'un « Ô blafardes saisons, reines de nos climats, » soupirait l'autre. Et dire qu'au bureau, mes collègues poètes allaient balancer les mêmes conneries. Marre de ce monde, des fois.
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Shalimar, la vraie histoire
Ils étaient à peine mariés que le sultan, fou d'amour, prévoyait l'énorme peine que lui ferait la disparition de son épouse. Il appela ses architectes et commanda le plus somptueux mausolée qu'on puisse rêver. Cette précaution morbide altéra l'humeur de sa compagne. Plus s'élevaient les tours de marbre, plus s'allongeaient les bassins sous l'ombre des minarets, plus s'étiolait la santé de la princesse. Elle mourut, déprimée, très jeune. Le sultan fit graver sur le Taj Mahal achevé une phrase signifiant « même pas surpris », quoique dans une formulation plus élaborée.