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  • 2011 par Stéphane Hessel

    Autant laisser la parole à celui qui, aujourd'hui, incarne la faculté de s'indigner et de résister...

    Grâce à Mediapart, qui ouvre ces voeux à tous, je reproduis la déclaration de l'auteur de "indignez-vous !", Stéphane Hessel :

    "Mes chers compatriotes,

    La première décennie de notre siècle s'achève aujourd'hui sur un échec. Un échec pénible pour la France ; un échec grave pour l'Europe ; un échec inquiétant pour la société mondiale.

    Souvenez-vous des objectifs du millénaire pour le développement, proclamés en 2000 par la Conférence mondiale des Nations Unies. On se proposait de diviser par deux en quinze ans le nombre des pauvres dans le monde. A la même date, on entamait une nouvelle négociation pour mettre un terme au conflit vieux de trente ans du Proche Orient – les Palestiniens auraient droit à un Etat sous deux ans. Echec sur toute la ligne! Une plus équitable répartition entre tous des biens communs essentiels que sont l'eau, l'air la terre et la lumière? Elle a plutôt régressé, avec plus de très riches et plus de très très pauvres que jamais.

    Les motifs d'indignation sont donc nombreux. Ce petit livre Indignez-vous! – qui a eu un extraordinaire succès auprès des parents, et plus encore de leurs enfants, auxquels il s'adresse –, c'est quelque chose qui me touche profondément. De quoi faut-il donc que ces jeunes s'indignent aujourd'hui? Je dirais d'abord de la complicité entre pouvoirs politiques et pouvoirs économiques et financiers. Ceux-ci bien organisés sur le plan mondial pour satisfaire la cupidité et l'avidité de quelques-uns de leurs dirigeants ; ceux-là divisés et incapables de s'entendre pour maîtriser l'économie au bénéfice des peuples, même s'ils ont à leur disposition la première organisation vraiment mondiale de l'histoire, ces Nations Unies auxquelles pourraient être confiées d'un commun accord l'autorité et les forces nécessaires pour porter remède à ce qui va mal.

    Au moins nous reste-t-il une conquête démocratique essentielle, résultant de deux siècles de lutte citoyenne. Elle nous permet de revendiquer le droit de choisir pour nous diriger des femmes et des hommes ayant une vision claire et enthousiasmante de ce que la deuxième décennie qui s'ouvre demain peut et doit obtenir. Voilà la tâche que je propose à tous ceux qui m'écoutent. Qu'ils prennent appui sur les auteurs courageux qui se sont exprimés ces derniers mois, sur Susan George et son beau livre Leurs crises, nos solutions, sur Edgar Morin et son dernier tome L'Ethique, sur Claude Alphandéry et ses propositions pour une économie sociale et solidaire. Avec eux, nous savons ce qu'il est possible d'obtenir.

    N'attendons pas. Résistons à un président dont les vœux ne sont plus crédibles.

    Vivent les citoyens et les citoyennes qui savent résister!"

  • La débarrassée

    Ah au fait : j'avais promis de signaler la sortie du livre de Christine Muller, dont elle m'a gentiment demandé d'écrire la préface (c'était moi ou Bernard Tapie. désolé, Nanard). Je ne me suis pas contenté d'un petit mot doucereux et engageant : je me suis fendu d'un condensé biographique et théorique sur son travail. Ce qui m'a valu un magnifique cadeau et la naissance d 'une belle complicité.

    "Christine Muller, peintre" est paru chez Thoba's éditions.

    D'accord, Noël est passé, ce sera juste pour vous faire plaisir en égoïste alors.

    En attendant, si vous habitez dans la Loire, vous pouvez visiter son exposition à la galerie Pikinasso, à Roanne.

  • Je comprends mieux...

    Sur le site "Lemonde.fr", cet article qui souligne les résultats d'une étude récente où il apparaît que les enfants nés en décembre commencent dans la vie scolaire avec un handicap, certes, mais surtout subissent les conséquences de ce mauvais départ toute leur vie.Au point que "ces onze mois de maturité en moins sont presque aussi discriminants que le fait d'être fils d'ouvrier plutôt que fils de cadre".

    "Ils sont sagittaires ou capricornes, mais là n'est pas leur problème. C'est de n'avoir pas su attendre l'an neuf dont souffrent les natifs de décembre. Julien Grenet, chercheur en économie au CNRS et à l'Ecole d'économie de Paris, a mis à jour le fait qu'un natif de la fin de l'année gagne toute sa vie active 1,5% de moins que s'il était né en janvier. Soit un manque à gagner de 12 000 euros sur une carrière complète de 42 années au salaire médian de 1580 euros net mensuels."

     

    Pour des raisons personnelles que vous devinerez aisément, je me sens très concerné par ce problème.

    A lire ici.

  • Massacre des innocents

    La prophétie se répand au dessus des forêts : un grand massacre se prépare. Et les pieds dans la neige, tremblent les jeunes sapins.

     

  • Une question, au fond ?

    J'avais promis de revenir ici raconter une expérience récente. Qu'on me pardonne l'important délai qui sépare les faits de leur relation sur Kronix : c'est que je ne me suis toujours pas débarrassé de cette énorme limace, juchée sur mes épaules, qui s'appelle aussi bien « grosse flemme » que « procrastination », mot désagréable mais qui lui va bien finalement, eu égard à la gène mauvaise qu'elle occasionne. Voilà de quoi inspirer de justes sarcasmes aux élèves de monsieur Cachard, professeur au lycée de Dardilly, élèves à qui je m'étais vanté, comme je le fais à tout bout de champ, de mon infatigable discipline d'écrivain qui exige son lot scripturaire quotidien. Ce n'est pas devenu faux, malgré ma paresse actuelle, mais on ne peut pas dire que l'un de mes chantiers en écriture ait le moins du monde avancé depuis disons un mois. N'empêche, c'est bien en tant qu'écrivain que j'avais l'honneur d'être reçu par des secondes pendant plus de deux heures (heureux format, de quoi développer quelques idées), pour évoquer « le Psychopompe ».
    C'est intriguant pour un auteur d'imaginer comment il peut être perçu par des jeunes gens, qui se sont fabriqués certainement une image de lui (alcoolique et rogue ? Grand balaise rougeaud et jovial ? bellâtre à l'écharpe blanche aux longues mains délicates ? Certainement pas le petit chevelu à bretelles que le professeur a eu du mal à repérer sur le quai de la gare). Monsieur Cachard a fait travailler ses élèves sur le livre, les a laissés imaginer leurs questions selon trois grands axes de réflexion : le roman (l'action et ses personnages) ; le style ; enfin la « portée » du roman (message, valeur symbolique etc). La fin de l'entretien, après une pose, abordera les questions libres et sûrement, la condition de l'écrivain. C'est un beau programme. M. Cachard me confie, avant la rencontre : « Vous verrez, ils sont très gentils, assez impressionnés » (Oui, monsieur Cachard et moi nous vouvoyons) et en effet, je découvre plusieurs rangées d'enfants sages, manipulant leur liste de questions préparées avec un brin d'inquiétude. Je ne suis pas moins anxieux mais qu'en savent-ils ? On se jauge, on se sourit, à l'invitation du professeur, l'un d'eux se décide. La règle du jeu n'est pas celle des rencontres avec les adultes, sûrs de la finesse de leur lecture, de l'appréciation qu'ils ont d'un livre, et improvisant leurs remarques ; avec ces élèves, tout est préparé, et cette préparation produit des questions de tous ordres. Il y a les faciles, dont je viens à bout aisément (Que Lionel Gizant, chrétien, pratiquant, s’adonne lui-même au meurtre n’est-il pas paradoxal ? ; Le registre de langue utilisé dans le récit correspond-il au niveau social de chacune des victimes ? ; Quelle signification donner au bloc découpé dans la nuit et posé sur le ventre des cadavres ?) et il y a les questions plus ardues, ou dont les réponses demandent un tel développement (le roman a-t-il une moralité, ou transmet-il un message ? ; Quelle est la portée des références bibliques dans le roman ? ; Nathan Charon peut-il être perçu comme un justicier ou comme un criminel ?) que cela me semble insurmontable dans l'instant ; je livre quelques pistes, sans doute confuses. Je sais qu'on m'excusera. Et puis il y a les questions que je ne m'étais jamais posées (La description de la bibliothèque lors du meurtre de Gisèle revêt-elle un caractère particulier ? ; Comment interpréter le symbole du meurtre de Modeste Lebecq par ingestion de son propre roman ?) et là, il est temps d'annoncer qu'un auteur n'a pas de réponses, qu'un (bon) roman n'entend pas dénoncer, expliquer ou présenter de modèle, qu'il n'apporte aucune clé, qu'il est, justement, un questionnement et rien d'autre, et qu'à ce titre, lecteurs et auteur, sont à égalité « vous en savez autant que moi » leur dis-je. Et hop. Je m'en sors pas mal avec mon arme absolue.
    Pendant la pause, une jeune fille vient m'interroger sur l'édition ; je devine qu'elle écrit. Lui souhaite bien du courage, la pauvrette. Après la pose, il est question de l'écriture et de la lecture (dont M. Cachard et moi tentons de dire avec insistance quelle importance elle a. Comme s'il nous fallait convaincre). Oui oui, les enfants, faut lire, et lire si possible de bonnes choses. Je ne sais pas pourquoi, je lâche une gerbe acide sur Lévy et/ou Musso ; les enfants sourient, se regardent... M. Cachard m'expliquera qu'il a souvent eu l'occasion de désigner à ses élèves ces symboles de l'anti-littérature (s'il n'y avait que ceux-là !). On parle des mirifiques salaires d'écrivain, de relations avec l'éditeur, des rituels d'écriture (où, comment, quand ?). J'ai des réponses toutes prêtes parce que valables à 80%, mais la réalité est plus complexe, je le sous-entends en évoquant ce fait qu'en ce moment, avec eux, tandis que nous discutons, j'écris aussi. La rencontre glisse vers ses dernières minutes, les visages des élèves sont marqués par la fatigue et la lassitude (enfin, certains visages), et M. Cachard m'impose un exercice impossible : conseiller cinq livres, là, comme ça. Je cite « Hhhh » un de mes récents coups de cœur (pas si récent que ça, cela doit faire plus de six mois), je ne me résouts pas à leur conseiller Ellis, je pourrais parler de Jourde mais je n'y pense pas, je reviens à Choderlos de Laclos (une jeune fille s'exclame « Ouais », ce qui me la rend immédiatement sympathique -je veux dire encore plus immédiatement sympathique que ses petits camarades), je ne sais plus qui je cite encore, je leur conseille d'évoluer en lecture, de devenir chaque fois plus exigeant, je leur souhaite de découvrir un jour Proust, parce que, parce que Proust et puis voilà.
    Quand tout le monde s'en va, j'ai la surprise de voir un « Baiser de la Nourrice », glissé par un garçon qui souhaite une dédicace pour sa mère. Je suis vraiment entre de bonnes mains. Une classe bien préparée, attentive, sérieuse. On devine qu'un amoureux de l'écrit est passé par là, que le professeur sait où et avec qui il peut entraîner ses élèves. Un fin connaisseur, sûrement quelqu'un qui pratique. Sûrement. Sinon, ce M. Cachard devrait se mettre à l'écriture.