Naven, de Maryse Vuillermet, est une merveille. L'auteure de l'excellent Pars, travaille ! avait produit ce premier livre début 2015. Le naven est un récit à valeur initiatique de certaines sociétés de Nouvelle-Guinée, par lequel les femmes transmettent à la génération suivante une mythologie familiale, un récit des origines. Maryse Vuillermet entreprend l'élaboration d'une semblable genèse et l'ouvre ainsi à tous. Elle enquête à la source des témoignages familiaux, reconstitue de façon documentée, mais jamais de façon pesante, la vie de ces femmes, pas moins fortes et rebelles que les militantes dont elles furent les ancêtres, mais contraintes par les conditions économiques et sociales de leur temps. Leur temps, c'est le début du XXe siècle, quand on exilait les jeunes filles de la campagne à la ville, pour servir de bonnes dans la bourgeoisie lyonnaise. Le récit croise, (comme dans Pars, travaille ! mais il m'a semblé, je l'avoue, avec beaucoup plus de force), la modernité des choix féministes de la vie de l'auteure avec le passé restitué de ses grand-mère et grand-tante. C'est riche, instructif, stupéfiant, c'est parfois bouleversant, toujours passionnant. Si vous vous interrogez sur la manière dont une femme reçoit l'héritage inconscient de ses aïeules, si la permanence d'un combat féministe vous importe, je ne peux que vous encourager à découvrir ce document magistral - et je pèse mes mots. Naven est hélas paru chez L'Harmattan, ce qui le destine d'emblée à la confidentialité la plus dommageable. La couverture, que je trouve exagérément laide, n'invite pas non plus à franchir le pas. Je peux assurer que le contenu est d'une tout autre qualité. Je suis persuadé que d'autres éditeurs, plus armés pour faire connaître ce travail, pourraient l'arracher à cette fatalité. Il faut le souhaiter pour le bien de tous.
On pourra lire avec profit un autre livre de transmission, masculin celui-ci: Ma vie, côté père, de Michel Contat, chez Christian Bourgois. Le hasard de mes lectures me fait faire ce rapprochement, mais les deux textes sont écrits selon des procédés très éloignés. Disons que je profite de ce billet pour évoquer cet autre beau récit. Le portrait d'un père absent et inoubliable, dessiné davantage par les blancs que par les traces laissées sur le papier. Livre émouvant et teinté d'humour d'un auteur qui peut enfin, à soixante-dix ans passés, remuer le passé familial et tenter une réconciliation attendrie avec son géniteur. Sentiment final d'injustice cruelle : ce grand immature de père, plus intéressant pour un écrivain que la consciencieuse et fidèle, et sacrifiée, et présente, figure de la mère.

C'est Fanny Laudicina qui reprend le rôle-titre. Cette nouvelle interprétation crée une métamorphose (après tout, nous sommes chez Ovide, aussi) imprévisible et non négligeable dont j'ai hâte de découvrir le résultat (je n'ai assisté à aucune répétition, mais François Podetti, le metteur en scène, m'a tenu au courant) : Fanny déplace le personnage vers un autre horizon, Pasiphaé devient plus volontaire et davantage motrice du drame et les autres comédiens (François Podetti pour Minos et François Frapier pour Dédale), repositionnent leur jeu en fonction de cette approche.
C'est presque, au bout du compte, une nouvelle lecture qui se concrétise alors. L'art théâtral est décidément l'espace d'une littérature qui vit, palpite et évolue sans cesse. C'est un processus étonnant et passionnant pour l'auteur à qui telle chose arrive. Un bonheur de plus dans cette aventure. La suite bénéficiera de cet apport. Pour Minotaure, Aurore (qui reprendra son rôle), devra peut-être tenir compte de l'évolution du personnage tel que travaillé par Fanny. Le cas inverse aurait aussi été vrai. Nous n'en sommes pas là : Minotaure est le chantier pour NU sur 2017, si tout se passe comme prévu. Pour l'heure, le rendez-vous parisien est notre principal souci, avec son corollaire, l'angoisse que la pièce ne rencontre pas son public, comme on dit pudiquement. J'ai confiance cependant en une chose, et nous échangions au téléphone l'autre jour avec François sur ce mode : on présentera la meilleure pièce possible. Ceux qui auront eu la gentillesse et la curiosité de venir nous soutenir peuvent être assurés que nous aurons tous fait au mieux pour qu'ils repartent satisfaits. Pour le reste, n'est-ce pas, nous ne pouvons que prier le dieu de l'affluence (dont nul ne connaît le nom) et espérer. 
