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  • 2903

    Le gouffre est fascinant. Pourquoi l'est-il ? Le fond de l'abîme aimante le regard et envoûte l'esprit. La pensée s'y étonne car elle ne peut rien atteindre que le concept d'espace, qui frustre par ce qu'il renvoie de pauvreté de la langue à le dire entièrement. Accoudé au parapet, le touriste ne prononce que des phrases idiotes. « C'est profond », « C’est haut » (variantes : qu'est-ce que c’est profond ! Qu'est-ce que c’est haut ! Accompagnées de sifflements, de pets pulsés entre les lèvres ou d'exclamations admiratives).
    (...)
    Qu'allaient chercher les bâtisseurs de Babel, en élevant leur tour vers les nuages ? Pas tant une concurrence avec le divin que la distance suffisante d'avec la terre nourricière, sommet depuis lequel ils seraient en capacité de frôler les parages de la fin. Le défi des habitants de Shinéar suivait une intuition selon laquelle la lumière du ciel disait mieux que les trous en terre, la nature secrète de la mort. On sait que la parabole de la tour de Babel est utilisée dans la Genèse pour expliquer la dispersion des langues. Yavhé, courroucé de l'aplomb des hommes à se croire en mesure de s'élever jusqu'aux cieux (« c’est le début (…) maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux »), les punit en confondant leur langage « pour qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres ». Ce faisant, il les condamne à ne pouvoir dire autre chose, confrontés au gouffre, que « C'est profond. »

     

    Extrait de Le Promeneur quantique. En cours d'écriture.

  • 2902

    - Trop cuit, ton gâteau !

    - Oui, j'ai fait un clafoutu.

     

  • 2901

    Incapable de dire non, le voici témoin de Jéhovah, scientologue et musulman, abonné à Courrier international, Télérama et Hot vidéo, encombré d'éplucheurs de concombre et de cuiller à peser, membre d'une amicale de boulistes, d'un club de curling, d'un cercle de tastevins, bénévole à la Croix-rouge et au comité des fêtes de son quartier, astronome amateur, marié trois fois et père d'une cinquantaine d'enfants.

  • 2900

    Comme le laissait présager son silence de plus d'une semaine, ce blog ne reprendra sans doute pas son rythme quotidien. Je me vantais il y a peu, auprès d'amies venues à une dédicace, de ma discipline de fer, de la nécessité d'une écriture quotidienne. Dès le lendemain, Kronix était suspendu. Mise en œuvre effective d'une réflexion initiée ici. Ce bref abandon a deux raisons, au moins : une panne d'ordinateur et le retour de mon éditeur à propos de La Grande Sauvage, qui me lance dans une énième révision du manuscrit. Non pas que ses remarques me contraignent à beaucoup de corrections et modifications, j'en veux pour preuve ce résumé de ces commentaires (je n'ai supprimé que des détails qui dévoileraient des aspects de l'intrigue) : « encore plus que dans mon souvenir (c'est dire), j'ai été séduit par la singularité thématique de ta première partie, la puissance lyrique de la seconde, et la tragique violence de la troisième. Le personnage de Martin est complexe, et son évolution, bien qu'originale, reste toujours vraisemblable aux yeux du lecteur. Tu es parvenu à tirer la substantifique moelle de ton énorme documentation sans nuire au récit. C'est dire que ces commentaires ne te seront malheureusement, j'en ai peur, que de peu d'utilité. Que te dire ? Que te dire ? » suit tout de même une remarque d'importance sur un chapitre dont nous sommes convenus qu'il était trop long, avant cette conclusion : « Voilà. Je suis vraiment navré de t'avoir fait patienter autant pour si peu de commentaires. Mais, il me semble que l'éditeur doit, comme le médecin, avant tout veiller à ne pas nuire à l'ouvrage réalisé. Et le tien est d'une grande valeur ! Qu'y pourrais-je améliorer ? »
    Vous pouvez croire que ça me rassure. En fait, je suis plongé depuis dans une réécriture maladive de chaque phrase. Paradoxe. La peur de décevoir, sûrement.

  • 2899

    Ce soir à 19h., nous pouvons, si vous le voulez bien, nous retrouver à la bibliothèque de Servoz pour mon avant-dernière rencontre autour de L'Affaire des Vivants, coup de cœur Lettres-Frontière 2016. La soirée est organisée conjointement par les bibliothèques de Servoz et Les Houches.
    L'entrée est libre, comme les propos, les questions, et les réponses aux questions.
    Bientôt, s'achèvera ce cycle heureux qui m'a lancé sur les rails à la rencontre d'amis inconnus. Tout cela trouvera sa vraie conclusion en novembre, à Thonon, où, avec Xochitl Borel, lauréate pour le côté suisse, nous remettrons les prix à nos successeurs. Le relais sera passé, nous regagnerons nos cabinets de travail, la solitude de l'écrit que nous avons ponctuellement laissée au profit des contacts et des sourires, des accueils bienveillants, partout où nous étions. Quand on met bout à bout nos phrases dans la double intention d'écrire le meilleur live possible et de délivrer ce qui l'exige en nous, nous ne pouvons imaginer les prolongements contenus dans chacun de nos mots. Nous ignorons que chaque paragraphe nous rapproche de vous. C'est une belle conclusion, c'est une belle surprise. Prochain et dernier rendez-vous de la tournée Lettres-Frontière : le 16 juin, à Saint-Cergues.

  • 2898

    Une dame, universitaire retraitée, gentille, très agréable, conversation détendue et amusée. Habillée chic pour une rencontre où je suis également invité. Elle écrit pour une grosse maison d'édition des policiers historiques particulièrement documentés, avec un héros récurrent. Les récits ne sont pas mièvres, ils mêlent violence et érudition, sont bien écrits. Pas ma tasse de thé mais un travail respectable, de bonne facture, qui a son public. Du genre qui doit plutôt bien marcher, se dit-on. Quatre romans déjà chez cet éditeur et elle vient de présenter son cinquième. La routine. Sauf que. Une nouvelle directrice d'édition est arrivée, a « fait le ménage » et lui a retourné son manuscrit. Pas d'assez bons chiffres. Un ami présent, professionnel du métier, connaissant parfaitement les rouages et l'actualité de l'édition explique que beaucoup d'auteurs sont dans ce cas, aujourd'hui. Elle, cherche maintenant partout, a frappé à plusieurs portes. Toutes restent obstinément fermées. Nous lui disons notre confiance : elle va forcément trouver ; impossible autrement.
    Je connaissais ma chance d'être soutenu par des maisons qui ne s'inquiètent pas (trop) des faibles ventes de mes ouvrages, mais depuis cette entrevue, je mesure à quel point c'est fou que des gens veuillent bien encore me faire confiance, suivent et acceptent mes manuscrits. Va vraiment falloir que le prochain cartonne, nom de nom !

  • 2897

    Il y a trois ans environ :

    "Il faut sauver la face ! Il faut sauver la Face !
    Sauvons la face fauve des sagesses éphémères. Songeons pour ce faire aux faces défaites des défunts, aux reliefs flasques des aïeux, affligés d'infortune, tous gisant sous le fardeau froid des cénotaphes, sans fanfreluches, sans frayeurs, sans fantaisies, inflexibles et blafards. Faisons aux fades et aux peaux hâves des fêtes de fadas, foutons le feu aux fatwas des faussaires. Il faut faire flancher la fébrile farce des fidèles forcenés autant que la frénésie des people frivoles et des riches tête d'affiche. Vlan, dans leur face à tous, gifle les furieux et claque les futiles ! Fonce fissa et fends les faux-semblants des salafistes ; fous les fards félons au fond funèbre des flacons, défends les fondations des formes sans fantasmes, fais saillir les faces enfin sans effets, fais front. Exhibe ton faciès et luis des feux des astres. Resplendis ! Splendides visions de visages, de vies vraies, de rire de fous-rires et de sourires. Dévoilés, les lèvres veloutées, la ride véloce à venir ou venue et le vague des veines qu'on voit sous le vernis du derme. Et puis merde, et qui daigne damner l'épiderme, donne des mots aux émois maniaques de Mars, les machos soumettent les masques et les muqueuses aux sangles et aux cilices, sinon les vouent au sang et au supplice, les moustaches font des taches aux frimousses, font souche aux Femen, font touche-touche aux hymens, attachent les charmes, s'alarment des désirs des dames, déclenchent les larmes des drames, s'agacent, crament carrément la grâce des gazelles, clament à leur guise les gammes des crimes que les calames déguisent, aiguisent leur glaive à la gorge glabre de prétendues aguicheuses.
    Mais les regards toujours vers eux tournés triomphent, les images de faces surgies de sous le tissu ou lavées de leur grimage, faces insurgées éplorées ou sèches levées devant les sabres, les visages clairs débarrassés de maquillage, les yeux ouverts, les têtes dénudées, les joues sans fard, les cils sans khôl, les fossettes, les pommettes, les mentons, les fronts, les nez et les creux, les tempes venues au jour, les temps venus, les dents montrées, les faces dévoilées et crues, sans apprêt sans artifices, à peine nées vous disent : foutez-nous la paix."

     

    Pile, Face. Extrait.

  • 2896

    Ce soir, à Saint-Etienne, l'équipe de la médiathèque de la Cotonne m'invite pour évoquer "L'Affaire des Vivants" dans le cadre des rencontres organisées par Lettres-Frontière.

    Comme pour Thonon-les-Bains, il s'agira d'un retour sur les pas de mes premiers rendez-vous littéraires. C'était en 2010, pour "Le Baiser de la Nourrice."

    Là aussi, je viendrai avec quelques pages de "La Grande Sauvage" en avant-première. C'est à 19 heures, l'entrée est libre. On sera bien.

  • 2895

    La puissance du haut-parleur ; le feutre des messes-basses ; le mystère des gorges profondes ; l'intelligence des sommités ; la médiocrité des médias ; les hauts et les bas de l'existence, quoi.

     

    (Bientôt 3000 notes. On sent poindre une petite fatigue)

  • 2894

    D'abord, les requins dévorent le marin. Ensuite, ils jouent au cerceau avec la bouée. Inépuisable talent de la nature qui ne laisse rien perdre.

  • Les Nefs de Pangée - Critique

    Le Bélial avait chroniqué avec une vraie pertinence Les Nefs, en 2015. J'ai rencontré cette année l'auteur de ce chouette billet, sans pouvoir l'en remercier (il a dû me trouver d'une goujaterie !). C'est que je ne savais pas...

    "L’auteur déroule ainsi la légende sous nos yeux, mais aussi ceux d’Hammassi, jeune femme chargée d’accompagner la chasse pour en décrire les aspects, historienne à qui il est également demandé d’embellir les faits à destination des générations futures. Un personnage important, certes, mais comme tant d’autres au sein d’une distribution proprement impressionnante – sans que Chavassieux n’en néglige aucun : un tour de force."

  • 2892

    Abasourdi, je considérais mon reflet dans le miroir. La coiffeuse ne se laissa pas démonter et assura effrontément que c'était ça, la spécialité de son établissement. La coiffure mixte : une moitié réussie, une moitié ratée.

  • 2891

    Si dur de rester droit dans un monde tordu

  • 2890

    Certains chantiers d'écriture apportent des questions inédites. En l'occurrence, une résidence d'auteur qui m'a été confiée pose comme principe que la chanson est le vecteur de mémoire le plus populaire et le plus pérenne qui soit. Il s'agit de dessiner, à l'aide de vraies chansons faciles à mémoriser, les portraits de personnes rencontrées. Des artisans, des ouvriers, des ingénieurs, tous témoins d'un passé industriel révolu. Et la question cruciale qui se pose à Jérôme Bodon-Clair, le compositeur, et à moi, devient : Qu'est-ce qu'une chanson classique créée aujourd'hui ?

     

    C'est le projet "Portraits de Mémoire(s)" dont le site dédié sera en ligne pour l'été. A suivre.

  • 2889

    Non seulement, il n'y a pas eu de billet hier, mais en plus, Kronix recycle :

    Incapable de dire non, le voici témoin de Jéhovah, scientologue et musulman, abonné à Courrier international, Télérama et Hot vidéo, encombré d'éplucheurs de concombre et de cuiller à peser, membre d'une amicale de boulistes, d'un club de curling, d'un cercle de tastevins, bénévole à la Croix-rouge et au comité des fêtes de son quartier, astronome amateur, marié trois fois et père d'une cinquantaine d'enfants.

     

    Il y aurait du laisser-aller, du côté de Saint-Nizier...

  • 2888

    Harcelez-moi, harcelez-moi ! Clame le harceleur qui fait à autrui ce qu'on aimerait qu'on lui fasse et, désespérément, ne peut que constater qu'il indiffère.

  • 2887

    Le fait de vivre. Un constat, appuyé sur l'enseignement du corps confirmé par l'esprit. Or, ni l'un ni l'autre ne sont fiables.

  • 2886

    Nos maisons, des navires échoués aux cales pleines de fantômes.

  • 2885

    Mon bureau, la fenêtre, le paysage par la fenêtre. Des années comme ça. Des modifications infimes là dedans, qui murmurent que la vie passe. Consolé par l'idée qu'un type qui, en ce moment, regarde les chutes du Niagara par la fenêtre de son bureau, fait le même constat. Tout est médiocre. Tout est insipide et gris quand le dehors a la couleur du dedans.

  • 2884

    A Thonon-les-Bains, l'autre jour, je revenais. Six ans écoulés ou presque depuis ma première venue en médiathèque, ici, à l'occasion de la sélection Lettres-Frontière du Baiser de la Nourrice. Sur un présentoir, mes livres disponibles pour les adhérents de la bibliothèque. Logiquement, il y a un exemplaire du Baiser. Il est dédicacé. La dédicace date de mon premier passage, en 2010 donc. Je souris : un dessin représentant un milicien dans la brume est accompagné de quelques mots souhaitant « bon courage » au lecteur qui s'aventurerait à emprunter ce roman. Je pensais sincèrement qu'il en fallait, du courage, pour affronter 150 pages d'angoisse et d'étouffement. Je sais dans quel état d'esprit j'ai écrit ces mots. Un goût pour la dérision, une distance par rapport au merveilleux moment que je vivais. J'espérais bien sûr que suivraient d'autres parutions, mais je cherchais à me convaincre que mon aventure éditoriale s'arrêterait là. Il ne fallait surtout pas que je me prenne au sérieux, que je me mette à « y » croire. Alors, « bon courage », oui, rions ensemble, je ne suis pas vraiment un écrivain vous savez, pas plus que Simon Jérémi n'est vraiment acteur, tout cela n'a pas d'importance, je n'y crois pas moi-même, je fais semblant, nous faisons semblant n'est-ce pas ? (tandis qu'intérieurement : j'y mets ma vie ! ne me regardez pas mais je tremble, ne m'écoutez pas mais je hurle). Retrouver cette dédicace m'a fait penser à une chose : il m'arrive encore de dédier un livre en ajoutant « bon courage » ou une formule qui sous-entend que tout ça est risible. Ce qui signifie au fond que je me dénie le droit de me considérer comme écrivain. Je ne sais quel franchissement permettrait de m'accepter. Et si ce franchissement, cette acceptation, est un enjeu ou pas.