Le prix Nobel de physique s'approcha du conférencier qui l'avait présenté. Je vous remercie pour cet éloge, lui dit-il, mais je ne crois pas qu'on puisse résumer ma vie à « des articles sur un problème de lumière » et à « des discours bizarres sur les plateaux télé ».
Bois-en mieux - Page 27
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Pas aidé
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La croisière s'amuse
La barque pleine de damnés qui n'avaient pas envie de rire en traversant le Styx, le nocher se permettait toujours une petite blague pour détendre l'atmosphère. Mais il la formulait encore en grec ancien, personne ne l'ayant averti que là-haut, le monde avait changé. Aucun passager ne souriait à ses saillies. Il en éprouvait un sombre dépit et s'enfermait de plus en plus dans le mutisme, voire dans une certaine colère. Il lui arrivait à présent de se réjouir ouvertement du sort des malheureux. Mais comme il employait pour ce faire la même langue oubliée, aucun damné ne semblait en être plus touché que cela. Charon enrageait. Mais enfin, bon, il poussait son rafiot. Boulot, boulot, hein.
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En veille
Rêver, oui, pourquoi pas ? Rêver que les rêves se réalisent, ma foi, on peut toujours rêver.
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Au sommet
La mode des stylites s'est éteinte depuis long. Après les colonnes où les premiers étaient installés, on trouva élégant d'orner son toit d'un stylite personnel. Et puis, on se rendit compte qu'ils prenaient la foudre, voire qu'ils l'attiraient, on se fatigua de les saluer chaque matin, de leur porter à manger deux olives pas jour, enfin on les délaissa. Abandonnés, ils se momifièrent, s'asséchèrent, devinrent fils, dans une prémonition antique de l'antenne de télé.
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Dans l'espace, on ne vous entendra pas...
Il fallait absolument se faire une idée des effets des flatulences dans l'espace, avant d'envoyer trois astronautes, serrés comme des sardines dans un habitat minuscule. Des tests alimentaires seraient nécessaires ainsi qu'un appareil pour recueillir les gaz. Le principe serait simple : une sonde métallique gaînée et ointe s'insinuerait en tournant dans le fondement et y resterait le temps nécessaire. Après qu'on lui eut présenté la sonde, un gros tube de 9 centimètres de diamètre et de 27 cm de longueur, on dit qu'Aldrin s'était porté volontaire pour pratiquer une dizaine de tests par jour.
(d'après une histoire vraie).
Cette note a une fonction, elle aussi : elle rappelle que je ne suis pas la créature raffinée que certains croient.
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Tels les faunes
Les elfes et lutins ne doivent pas effrayer le randonneur. Leur présence dans nos forêts n'a rien de surnaturel. A l'origine, ce sont des bûcherons abrutis, dépourvus de tout sens de l'orientation et irrémédiablement perdus dans les bois. Des siècles d'évolution ont produit ces êtres petits, furtifs et au caractère vindicatif.
De même, contrairement à ce qu'essayent de faire croire certains écologistes, la disparition de ces créatures n'est pas due à la réduction de leur habitat, mais bel et bien à l'irruption de chemins proprement tracés à travers la forêt, munis de panneaux indicatifs, grâce auxquels elles ont enfin pu trouver la sortie.
Désormais, les lutins errent dans nos villes et tentent de s'y adapter. Ils n'ont cependant pas amélioré leur sens de l'orientation et errent pitoyablement dans les rues, cartes en main. On distingue le lutin du touriste allemand par une remarquable différence de taille. -
Sport méconnu
L'haltérophilatéliste soulève des timbres par paquet de mille.
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Paléontologie
Force est de constater que le brontosaure était plus vif que le moustique. On n'en trouve aucun, pris dans l'ambre.
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Prise de bec
Considérant, comme Flaubert, que la volonté d'imitation permet de mesurer le degré de la bêtise, les animaux de la jungle ont fait au perroquet une réputation de crétin que seuls les hommes, flattés qu'un volatile s'adonne à cet exercice, réfutent absolument.
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Encore une révélation sur les frères Cheng
Les frères siamois sont comme tout le monde, ils sont confrontés au mystère des chaussettes dépareillées. Mais chez eux, ça prend des proportions...
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Chérie, ça va trancher.
On a pas mal de problèmes avec cet étranger que nous hébergeons depuis quelques jours. Hier soir, il s'attarde dans mon bureau. Il montre l'écran avec un air interrogatif. Je lui dis « écran » ; il répète : « écrrran », je le félicite. Il prend le téléphone, il me dit « téléphône », je dis bravo c’est bien. Il saisit un coupe-papier, je lui dis « coupe-papier » et là, il se plante la lame dans le pied de toutes ses forces et il se met à hurler : « Si, si : coupe pieds, coupe bien pieds ! ». On a vraiment des problèmes.
(Je n'accepterai aucune protestation contre les blagues débiles. Vous êtes assez grands pour savoir ce que vous faites en fréquentant ce blog de plus en plus dilettante et imprécis).
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Déjà paru 10
Ne négocions pas avec les chats ! Obéissons-leur sans discuter, nous gagnerons du temps et de l'énergie.
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Déjà paru 9
Nous ne sommes à ce point grégaires, que parce qu'il est vital d'avoir tout près quelqu'un, disposé à nous gratter le dos.
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Terraformation
On prolonge le monde et l'humanité telle qu'elle se découvre aujourd'hui : assez puissante pour transformer le monde. On pousse les curseurs de l'artifice au bout. Que voit-on ? Une sorte de terraformation négative. La planète n'est peut-être pas une forme aboutie et acceptable en l'état. On peut en finir avec toute la vie, hors les bactéries décidément trop résistantes. Ne garder que nous, entre nous, supportables à condition d'être rares. Une aristocratie de survivants. Sauf qu'on va s'emmerder, mais s'emmerder !
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Yoyo
On déplore qu'Hillary, vainqueur de l'Everest, ait si peu rendu hommage à ses compagnons, aussi méritants que lui. Certes, mais il faut se souvenir que le sherpa Tersing avait malicieusement remplacé le drapeau néo-zélandais par celui du Tibet et que, furieux, Hillary a été obligé de descendre pour remonter avec sa bannière, sous les regards hilares et peu charitables des autochtones.
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Déjà paru 8
Aujourd'hui amusons-nous à sourire à toutes les personnes que nous croisons, et essayons de ne pas nous faire tabasser par la police, pour provocation
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Déjà paru 7
Sur le calendrier, des jours biffés, des semaines barrées, grillagées de feutre. Rendez-vous effectués, anniversaires fêtés, voyages dont nous sommes revenus. Des souvenirs enfoncés sous les ratures, comme des vestiges sous les pelletées de terre. Et puis, là-bas, dans la prochaine colonne, les espaces surlignés de bleu ou d'orange, les vacances à venir, les gens à rencontrer, les fêtes, les repas, les cinoches, les dédicaces des copains, les petits bonheurs en prévision.
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Phrases de schiste
Sous ces fortes chaleurs, les taupes s'enfoncent instinctivement dans la terre. De plus en plus profondément. Ce faisant, elles tracent la voie aux futurs forages de gaz de schiste, inconscientes complices d'un drame écologique majeur. Parfois, la nature joue contre elle-même.
Et je n'imaginais pas sortir une vanne pareille quand j'ai commencé cette phrase. Sous ces fortes chaleurs, le blogueur s'enfonce instinctivement. De plus en plus profondément.
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Déjà paru 6
Si j'en suis arrivé là où j'en suis aujourd'hui, c'est grâce à toi, dit-il à sa femme. Elle considéra autour d'eux la vieille caravane et le terrain vague où ils habitaient et se demanda s'il n'y avait pas dans les propos de son mari un reproche voilé.
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Déjà paru 5
Au pied de l'escabeau où elle était grimpée, l'homme était selon elle, en très bonne position pour regarder sous ses jupes. Et même, elle avait remarqué le léger déplacement de son collègue pour mieux voir. Amusée, elle ne protesta pas. Mais elle se trompait : l'homme s'était un peu décalé de façon à ne pas risquer de voir. C'est ce mouvement qu'elle avait perçu et mal interprété. Dans la journée et dans les jours qui suivirent, ils ne pouvaient s'empêcher d'échanger un sourire complice quand ils se croisaient. Lui, persuadé qu'elle lui savait gré de son tact ; elle, délicieusement troublée par l'idée qu'elle avait pu, sans s'humilier, montrer son entrejambe à un homme qui désormais, vivrait dans le feu de la tentation.