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  • Interview LPR

    Par manque de place, l'interview d'Isabelle Sylvère pour le Pays roannais a été tronquée. C'était prévisible et ce n'est pas grave, puisque la voici en intégralité. J'ai reformulé les questions, pour ne pas être accusé de reprendre le moins du monde des mots qui ne seraient pas les miens.

    A noter que je serai demain, de 16 heures à 18 heures, à l'Espace Leclerc de Riorges, pour dédicacer Mausolées. Si vous ne venez pas pour moi, vous pouvez venir pour l'ami Didier Guérin, qui présente son dernier livre de recettes gourmandes. En général, il prépare des petites choses à grignoter. Je vous dis ça comme ça.

     

    La première question concernait mon parcours d'écrivain :

    J'écris depuis toujours, et depuis toujours sous des formes diverses. J'ai évoqué la genèse de mon travail dans « J'habitais Roanne » où il ressort que notre ville a construit mon identité d'écrivain (et non de philosophe (?), comme certains l'ont écrit). Je suppose que l'écriture correspond à mon goût pour la solitude, le travail secret et lent. Enfant, j'écrivais de vastes fresques, des récits d'aventure inspirés de mes lectures d'alors. Je lisais beaucoup, sans souci de distinguer des genres ou même des auteurs. Petit à petit, une exigence s'est faite, mon goût s'est formé. J'ai appréhendé avec plus de pertinence ce qui caractérise un style, un engagement. J'ai pris conscience que raconter des histoires n'était pas une motivation suffisante, qu'il fallait un enjeu d'ordre littéraire. Mes premières nouvelles ont été primées dans divers concours, mais j'avais en tête des récits plus amples. J'ai écrit plusieurs romans sans songer à m'auto-publier, je voulais absolument que mon travail passe le filtre professionnel d'un éditeur. Cela s'est produit tardivement, en 2008, après des années d'écriture secrète, avec « Le Baiser de la Nourrice ». Depuis, les publications s'enchaînent et j'en suis à renoncer à certaines propositions, faute de temps. Une situation que je n'osais même pas rêver il y a seulement un an.
     

    La seconde question concernait mes influences :

    Je reconnais toutes les influences, mais ceux qui me lisent savent combien il est difficile de m'attribuer une ligne, une « école ». On a évoqué certain courant de la littérature espagnole pour situer mon univers. S'il fallait trouver une lignée, elle serait particulièrement tortueuse, mais elle intégrerait certainement les influences d'auteurs aussi différents que Proust, Michon, Homère, Chevillard, Hugo, Céline, King, Brussolo, Roth, Lobo Antunes, Delhaume, Rabelais, Borgès, Flaubert, etc, etc. Nous sommes tous des métis culturels.
     

    La troisième concernait mes méthodes d'écriture

    Je rumine un projet pendant des années, jusqu'au jour où je suis prêt à entrer dans l'histoire (c'est une notion importante, être prêt, parce que vous allez devoir vivre avec ce livre pendant dix ans ou plus, si l'on cumule les temps d'écriture, de publication, les rencontres autour du livre. Il faut que vous soyez certain que ça vaut la peine d'y consacrer tant d'années de votre vie). J'ouvre un dossier, écris une note d'intention avec une date de clôture à laquelle je me tiens, et je commence. Après, il suffit de travailler sans relâche. Une bonne pratique est de laisser un roman achevé dans un tiroir et de l'oublier pendant qu'on en écrit un autre, de ne le ressortir qu'après six mois ou un an, voir comment il supporte une lecture plus distanciée, et le reprendre s'il a passé honorablement cette épreuve. J'en ai ainsi plusieurs qui n'y sont pas parvenus et resteront dans leur boîte, à jamais. Ne surtout pas considérer que tout ce qu'on écrit vaut la peine d'être publié.
     
     
    Ensuite, il s'agissait de dire si la noirceur de Mausolées correspondait à mon point de vue sur le monde actuel.

    Nous sommes dans la description d'un futur, une sorte de Moyen âge où un monde chancelant doit se relever d'une période de conflits terribles. Tout est à reconstruire et à repenser. Une période qui ressemble à ce qui nous attend après les grandes dévastations économiques et environnementales qui s'annoncent. Je n'ai pas modifié les hypothèses de la première version de ce roman, pensées il y a quinze ans. Si je n'avais pas perçu alors l'importance que prendraient le fait religieux ou la puissance des multinationales, je vois bien qu'on s'achemine vers un chaos similaire à celui que je décris dans Mausolées. En même temps, je suis optimiste : les bactéries survivront.


    La question suivante prolongeait la précédente et insistait sur cette notion de noirceur. Il y était question aussi de la désintégration de la société, initiée par celle de la culture.

    J'ai des écrits plus lumineux, mais Mausolées entre dans ma veine « noire », c’est vrai. « Il se peut que l’humanité se fatigue d’elle-même, s’ennuie de porter son grand projet. Son vaste corps n’en peut plus d’œuvrer sans cesse. Elle cherche à en finir. Mais elle n’a qu’elle-même pour réaliser ce désir de mort. » dit un des personnages. La destruction est à l’œuvre dans notre goût absurde pour l'agitation, le mouvement inconséquent. La perte de la culture qui est la grande angoisse de ce roman, ou du moins le mépris dans lequel on la tient sous prétexte que c’est l'affaire d'une élite, est l'amorce de tous les désastres. Haine, folie destructrice, le malheur découle du peu de temps qu'on laisse pour se poser, pour réfléchir. Il y a peu, j'étais censuré par ce journal pour avoir contesté un propos selon lequel on doit servir aux lecteurs ce qu'ils sont censés désirer lire. Le fait qu'on me laisse m'exprimer librement ici aujourd'hui est peut-être le signe que, finalement, comme dans mon roman, certains s'interrogent, comprennent qu'il y a de la place pour les idées abstraites, et qu'elles ne sont pas nécessairement des « prises de tête » d'intello. Cela dit, « anticipation » ne signifie par forcément « goût pour le désespoir », mais il est difficile de voir l'avenir en rose. Récemment, Mnémos m'a commandé une nouvelle pour une anthologie sur les utopies qui marchent. C'était une gageure. J'ai dû ruser pour y parvenir. Je suis affreusement lucide.
     

    Autre question, sur le choix du genre. La Science-fiction.

    Le genre s'est imposé de lui-même, effectivement dans le prolongement des thèmes qui inspiraient le récit. Je voulais décrire la perte de l'identité consécutive à la perte de la mémoire, à la maladie et au vieillissement, à la fois au niveau de l'individu et au niveau d'une société. Imaginer un futur dépourvu de livres et où les documents numériques ont presque intégralement disparu, permettait d'explorer ces notions. Mais de nombreux lecteurs, pas du tout amateurs de SF, m'ont dit avoir pénétré dans cet univers sans problème. Ce n'est pas, malgré toutes les apparences, un roman « de genre ».



     (là, une question et une réponse laissées intégralement dans le journal. Je ne la reproduis donc pas)
     

    Enfin, la question habituelle sur les projets.


    Un autre roman est pratiquement achevé. Il fait partie de ceux qui sont restés six mois « en réserve ». Il a bien tenu le choc d'une nouvelle lecture, mais il y a encore trois ou quatre mois de travail dessus pour en faire un livre digne d'être présenté au public. Je crois que je le proposerai, je ne sais pas encore à quel éditeur. On verra. En début d'année 2014 sortira une nouvelle illustrée par Winfried Veit au Réalgar, puis un recueil de poésie chez Sang d'encre, illustré par Corie Bizouard, ensuite ce sera la rentrée littéraire en septembre avec « L'Affaire des Vivants », chez Phébus, puis il y aura ma pièce de théâtre, « Pasiphaé », puis une trilogie chez Mnémos, une autre pièce, « Minotaure », la préquelle de « Mausolées » et ainsi de suite. J'ai minimum cinq ans de chantiers d'écriture assurés. Entre-temps, j'écris les billets quotidiens de mon blog et des scénarios de BD pour les copains, ça me détend.

  • Mausolées vu par Cachard

    C'est travaillé, ça, monsieur, c'est du Cachard, oui, j'ai de la chance, hein ?

    A lire sur son blog, sa critique de Mausolées.

  • L'Eternel retour

    Ulysse revient à Ithaque, dépenaillé, vieilli, au point d’être invisible aux yeux de son épouse, mais reconnu de son seul chien, dont la vie a été extraordinairement prolongée dans ce seul but. Que veut en réalité Odysseus ? Il pourrait très bien paraître avant l’arrivée des prétendants de Pénélope, lasse de résister depuis 20 ans. Il prouverait  son identité de la même façon que dans le chant final : son arc à lui seul obéissant. Pourquoi ne le fait-il pas ? Parce qu’il réalise un fantasme partagé par beaucoup : assister à ce qui se passera après notre mort. Observer l’affliction de ceux qui nous ont aimés, le cynisme des autres, découvrir l’affection que des inconnus peut-être nous ont portée, voir tomber quelques masques… A peine au large d’Ilion, peut-être imagine-t-il d’abord de surgir, en histrion, trop heureux d’arriver : « C’est moi ! Enfin ! Pénélope, dans mes bras ! » et puis, tandis que les sirènes s’époumonent, tandis que Circé tente de lui faire goûter la fadeur de l’oubli, qu’Eole cherche à le noyer, que Polyphème le maudit, finalement, peut-être se met-il à ruminer une vengeance, parce que les années s’additionnent et qu’il sait que, là-bas, dans son petit royaume, la roue tourne. A force, dans sa solitude, il doute aussi de son épouse. Qui aurait résisté si longtemps ? Il prend lentement cette résolution, dans le temps des épreuves : débarquer incognito et observer. Savoir. Connaître le monde après sa disparition. Et il découvre, avec la mort de son chien, que le monde va sans lui. Les récoltes sont faites, Pénélope va se marier. A Ithaque, le règne d’Ulysse est inscrit dans le passé, dans la déjà fabuleuse légende troyenne. Ce que fait Ulysse en révélant son identité ? Il remet les pendules à son heure, soit vingt ans en arrière. Il gomme la guerre, les compagnons disparus, les enfers et les délires. Il est arrivé dans son fief, sa jeunesse accrochée aux semelles, et il en redistribue la manne autour de lui, comme on plie le monde à ses désirs, dans les rêves. Enfin, quand tout est achevé, rejoignant Pénélope dans sa couche, peut-être la mère de Télémaque, soudain contaminée par ce souple regain qui vient de gorger le palais de sang jeune, revit-elle aussi ? Et son époux, sec et noueux, tanné et hâlé, retrouve une beauté sidérante, épargnée par le temps, plus jeune que lui et prête à revivre un amour recommencé.

  • Le vent qui ne se lève pas (encore)

    Dans le car qui me ramène à la maison, les conversations de très jeunes adultes. Elle et lui sont assis comme toujours côte à côte. En général, ils parlent musique et sorties. Ce soir, on dirait qu'elle boude. Peut-être pour écarter le malaise qui s'installe, le garçon est plus volubile qu'à l'accoutumée, il parle de sa journée, raconte des choses sans grand intérêt. Dans un silence, la fille place : « Sinon moi, ça va, j'avais mon rendez-vous à l'ANPE, je me suis bien fait pourrir, merci de prendre des nouvelles. » Je ne le vois pas, mais j'imagine le garçon se mordant les lèvres. « Ah oui, et comment ça s'est passé au fait ? » « Ça t'intéresse pas de toute façon, tu t'en souvenais même pas. » Il grogne, se défend, ne s'excuse pas par orgueil mais on sent le type embarrassé de sa gaffe. Ils sont un moment silencieux, puis il insiste et elle finit par raconter. « Il a vu que j'étais au chômage depuis plus de trois mois, il m'a dit qu'il fallait que je me bouge. Je lui ai dit que, oui, je me bougeais, que je cherchais. Il m'a demandée où j'avais cherché, si j'avais demandé à telle boîte, là ou là, j'ai dit oui, mais que j'avais pas de réponses. Il m'a dit « Mais vous savez, il faut pas rechigner, prendre tout ce qui passe, pas hésiter » j'ai dit faut pas croire, je rechigne pas (le garçon râle : qu'est-ce qu'y croit, lui ?), j'ai dit je cherche hein, je prendrais ce qui se trouve, mais y'a rien. Il m'a énervée, comme si je voulais pas bosser. Et puis il me fait la leçon comme quoi il faut bien présenter, bien s'habiller, être poli. Je lui ai dit que je savais (le garçon répète « qu'est-ce qu'y croit ? ») Que j'étais polie, que je parlais correctement pour me présenter, pour faire bonne impression, tout ça. » j'écoute et je suis bouleversé par cette jeune fille que j'imagine se débattant avec les difficultés de son milieu, obligée de s'excuser devant un type bien installé, de ne pas trouver assez vite du travail, dans une région où la pauvreté est galopante, où le chômage grimpe à 13%. J'ai honte de cette société qu'on leur a fabriquée, qui non seulement exclut, mais culpabilise ceux qu'elle exclut. Je les trouve bien gentils, bien patients, ces jeunes, qui devraient foutre le feu partout, une fois pour toutes.

  • Le fauve d'en face

    Certains éthologues estiment que les fauves sont en général déroutés par la position bizarre de l'homme, debout sur ses deux jambes, et que cette originalité lui vaut d'avoir survécu aux âges farouches. De son côté, l'homme -que rien n'étonne- lançait épieux et silex meurtriers.

  • Prophétie

    Quand le Nunavut s'éveillera, le monde sera bien étonné.

  • Chez Verdurin

    Ces bourgeois qui avaient invité par erreur un voisin nommé Jacques Chancel, avant de découvrir, en le voyant débarquer une bouteille de rosé à la main, qu'il s'agissait d'un représentant en tissu imprimé, piqué de poésie de surcroît. L'horreur pour ces braves gens qui avaient aussi invité leurs amis en lançant, comme un détail : « Et puis, il y aura Jacques... »

  • En tapinois

    La loi ne punit pas encore les clients des librairies. Vous pouvez entrer à visage découvert, exiger de l'auteur présent la dédicace la plus vicieuse, la plus perverse, personne ne vous en tiendra rigueur.
    Je traîne du côté de chez Mayol, rue Charles de Gaulle à Roanne, aujourd'hui à partir de 15 heures. Ma spécialité : la langue.

  • Pince-moi

    Interview pour l'hebdo local qui avait censuré "J'habitais Roanne" lors de sa sortie. Non ? Si ! J'ai accepté, parce que la journaliste était gentille et sincèrement intéressée, et que j'y voyais le moyen de glisser ceci :
    "Il y a peu, j'étais censuré par ce journal pour avoir contesté un propos selon lequel on doit servir aux lecteurs ce qu'ils sont censés désirer lire. Le fait qu'on me laisse m'exprimer librement ici aujourd'hui est peut-être le signe que, finalement, comme dans mon roman, certains s'interrogent, comprennent qu'il y a de la place pour les idées abstraites, et qu'elles ne sont pas nécessairement des « prises de tête » d'intello."

    A votre avis ? ça va rester ? (oui, peut-être après tout, mais alors avec un commentaire assassin, j'imagine. Mais ça m'étonnerait)

    Ce qui est le plus surprenant dans cette affaire, c'est que la direction, en suspendant un boycott qui aura duré deux ans, estime donc que je n'ai pas eu vraiment tort de moquer les saillies affligeantes d'un de ses journalistes, ou alors faut-il en conclure que la solidarité dans la rédaction est périssable, sinon, pourquoi me contacter ? Personnellement, je n'ai rien demandé et je me fiche pas mal d'apparaître dans cet hebdo.

    Je vous tiens au courant (d'autant plus qu'une bonne âme va sans doute les alerter sur l'existence de ce petit mot). Ah oui : contrairement à eux, s'ils ont quelque chose à dire, l'espace de mon blog leur est ouvert.

    Une hypothèse de dernière minute : le journal a été racheté par un titre auvergnat. La direction de là-bas a peut-être fait taire les réticences du responsable roannais. Ce qui signifierait que la rédaction locale n'a plus vraiment son mot à dire. Si c'est le cas, je ne suis pas sûr de devoir m'en réjouir.

  • Mauvaise herbe

    Le professeur Coolidge s'acharna à démontrer que les réverbères étaient des sortes de mauvaises herbes géantes qui faisaient le désespoir des chèvres, empêchées à cause de cela de se métamorphoser en vaches, comme l'évolution darwinienne le leur imposait. Il fit nombre de conférences et déclarations pour en convaincre un public toujours plus incrédule. Aujourd'hui, force est de constater le génie visionnaire de ce malheureux, dont la dernière entreprise était de découvrir un herbicide efficace contre l'envahissement de cette étrange végétation. Et nous voici, faute de l'avoir écouté, obligés de contourner sans cesse ces grandes herbes grises qui crèvent nos trottoirs.

  • C'était comme ça, sur le dessin ?

    Pharaon, jaugeant sa pyramide achevée, s'est dit que, finalement, elle n'était pas si grande que ça et surtout un peu lourde du cul, malgré les dénégations véhémentes de son architecte, vociférant de rage et de douleur, depuis le bassin aux crocodiles où la déception du prince l'avait précipité.

  • La ri rette

    Ma communion solennelle. Je suis en aube (photos détruites aujourd'hui), une petite croix en bois sur le torse, la famille fête le rituel autour d'un bon repas. On m'enjoint de pousser la chansonnette. Je n'en connais qu'une, malheureusement, dont j'ignore les sous-entendus. Je commence "Janeton prend sa faucille..." Il y a une ou deux voix de mon âge pour entonner le refrain "La rirette, lariré-éteu !", mais je sens bien qu'il y a comme un manque d'entrain du côté des seniors.

  • Un des aspects de l'absence

    Un envoi de mail groupé et voilà : il y a cette adresse que plus personne n'ira visiter. Alors, avec des remords énormes, m'interrogeant simultanément sur la trahison que, peut-être, le geste recèle, je la supprime.