Dans le miroir du coiffeur, elle eut le temps de le voir empoigner les ciseaux et les plonger à la verticale au sommet de son crâne.
Contes horrifiques - Page 2
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Il avait bien perçu, dans la voix de sa mère, une intonation étrange, comme si elle s'adressait à quelqu'un d'autre. Puis elle lui fit une remarque sur une femme qu'il ne connaissait pas, à propos d'une ville qu'il aurait traversée avec cette femme-là, alors qu'il n'y avait jamais mis les pieds. Quand le téléphone sonna, il crut trouver une diversion à son malaise grandissant, mais à l'autre bout du fil, une voix masculine inconnue lui souhaita un joyeux anniversaire en l'appelant Terrence. Ce n'était ni son nom, ni son anniversaire. Et là, il réalisa qu'il discutait dans une langue mystérieuse qu'il semblait soudain maîtriser parfaitement. Il y eut un énorme bruit de déflagration dehors et sa mère en tremblant s'exclama dans cette langue inconnue : « Mon dieu, qu'allons-nous devenir ?»
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Elle est dans une cabine d'ascenseur à l'arrêt, dont les portes refusent de se refermer. Elle tape sur le clavier en vain. L'ascenseur reste ouvert sur un couloir dont on ne voit -la caméra étant en hauteur- qu'un trapèze lumineux. La vidéo muette déroule froidement ces cinq minutes de la vie de la jeune femme. Cinq minutes pendant lesquelles elle s'agite, passe une tête dans le couloir, rentre, n'ose sortir, tente de se cacher dans un angle, essaye encore de faire repartir l'ascenseur. Manifestement, il y a quelqu'un dans le couloir, que la caméra ne peut pas voir. Enfin, elle tente une sortie, on la voit debout dans le couloir, s'adressant à une personne, hors-champ. Elle est, buste en avant, à faire des gestes dont on pourrait penser qu'ils sont de négociation. Et puis, ses mains en s'agitant, prennent un angle bizarre, comme si elles étaient montées à l'envers sur les poignets. Les portes de l'ascenseur se referment sur cette image dérangeante.
On a retrouvé son corps nu dans un réservoir, au sommet de l'hôtel. Parce que tout le monde se plaignait du goût ignoble de l'eau.
L'affaire date de quelques années, reste inexpliquée, et la vidéo est visible quelque part sur le net, pour ceux qui n'ont pas peur des insomnies. -
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Insensiblement, la couleur du ciel changea. Le bleu presque blanc de la canicule vira à l'outremer et à l'indigo, par place. Chaque aube trouvait le jour plus dilué, et le fond de la nuit rongeait sa voûte comme une lèpre. Un jour -mais était-ce encore un jour ?- le soleil déroula sa course sur une étoffe de nuit éclaboussée d'étoiles minuscules. Ses rayons ne réchauffaient plus rien. Le crépuscule fut d'un noir mat et sans astres. Le soleil ne reparut pas. Il se fit un froid sidéral. Ne restait plus qu'à compter les minutes qui nous séparaient de la pétrification. Nous nous serrâmes dans les bras les uns des autres, sans prendre garde à qui nous embrassions ainsi. Il n'y eut plus de bien ni de mal. Nos regards échangés se muèrent en vitrail.
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Dire qu'au début, il avait été réticent ! Maintenant, être aussi bien payé pour appeler un nom sur une liste et harceler son interlocuteur jusqu'à le pousser au suicide lui causait une telle jubilation qu'il se demandait bien quel autre métier il aurait pu faire.
Un jour, son téléphone sonna. -
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Il s'était adapté à la lente transformation sans y prendre garde. C’est le regard effaré d'un voisin venu le saluer qui lui fit réaliser combien il était anormal que ses auriculaires fussent devenus les doigts opposables de ses mains.
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Là où je travaillais, le salon XVIIIe expose deux beaux portraits au pastel d'époque, du jeune couple qui avait fait construire cet hôtel particulier, transformé en musée. Je faisais alors des visites pour les scolaires. Dans une classe un peu bruyante, je remarquai un petit garçon qui suivait mes explications avec attention mais restait collé aux jupes d'une des accompagnatrices. Arrivé au salon, il avait lâché la main de la dame pour s'arrêter au seuil de la pièce. L'accompagnatrice s'était penchée sur lui pour qu'il s'explique, il avait murmuré à son oreille et elle s'était relevée, bouche béante, hochant la tête. La visite s'achevait, j'étais intrigué par le manège du gamin et allais demander ce qui se passait. L'enfant était vite reparti et la dame m'expliqua : « Il m'a dit que les gens sur les portraits n'étaient pas contents. Je lui ai demandé pourquoi. Il m'a répondu qu'ils n'étaient pas contents parce qu'ils n'avaient jamais pu habiter leur maison et que de voir tant de personnes chez eux, ça les énervait ». Je sentis un frisson involontaire le long de mon échine : en effet, Claude Valence de Minardière et son épouse ont émigré, sans avoir pu s'installer dans leur hôtel, juste achevé... en 1789.
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Vérification faite, ce n'était pas un problème d'accrochage. Le câble qui tenait le lustre, penchait. De plus en plus. En même temps que le locataire ressentait un malaise plus fort à déambuler dans la maison. Il constata aussi que l'eau dans son verre était inclinée. Il prit son niveau à bulle qui lui confirma que le sol avait une pente légère, d'où sa bizarre impression de déséquilibre quand il allait d'une pièce à l'autre. Depuis l'extérieur, tout semblait pourtant normal. Il tendit un fil à plomb dans la rue. Le fil présenta le même angle léger par rapport au sol. Les verticales du paysage étaient donc faussées. Que faire ? Car il semblait être le seul à avoir découvert que le monde entier basculait.
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Dans la forêt, son chien avait été attaqué par une bête. Le chasseur s'était rendu à la ferme la plus proche. Une femme l'avait accueilli. « Il les aime pas », avait-elle dit simplement, en découvrant le chien blessé qu'il portait. Pendant qu'ils pansaient les morsures, la femme jetait des coups d'œil inquiets par la fenêtre de la cuisine. Il y eut un bruit dehors, vers une remise. « Vaudrait mieux que vous restiez là pour cette nuit », dit-elle au chasseur, tandis que s'élevait dans le soir une longue plainte inhumaine, faite de pleurs et de cris de gorge de bête.
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Ils sont plusieurs gamins qui, comme à l'habitude, crachent à leurs pieds. Les longs jets de salive sont éjectés au rythme de leur échange : une phrase/un crachat ; un silence prolongé/un crachat plus réduit ; une exclamation/une expectoration glaireuse. Je ne les observe pas vraiment, mais les raclements de gorge, reniflements, éjections diverses perturbent ma lecture. Je m'apprête à partir quand j'entends soudain un cri. Je lève le regard. Le cercle s'est élargi autour d'un des gamins, paralysé. Un arc épais et luisant relie sa bouche à la terre. Anormalement épais, l'arc. Ce n'est pas de la salive, c'est un mucus dégénéré, rosâtre, qui paraît s'épaissir de seconde en seconde, comme aspirant sa matière depuis la bouche ouverte de son géniteur. Le gamin est livide, comme s'il venait d'accoucher par en haut d'une partie de ses viscères. C'est l'effet que le spectacle produit aussi sur ses camarades, effarés, déjà deux pas en retrait. Aucun n'est tenté de rire. Moi non plus. Je cherche du regard quelque secours, mais il n'y a personne dans le petit square où nous sommes. Le gamin fait un geste malhabile pour tenter de détacher la déjection qui maintenant enfle et déforme ses lèvres dans un O d'étonnement. La sécrétion, comme animée, ne cède pas, semble au contraire attirer le garçon vers le sol, vers le bulbe grumeleux qui l'enracine. Les doigts du malheureux s'empêtrent dans la viscosité des glaires, étirent pour s'en défaire cette matière écœurante, mais ne font qu'en augmenter le volume et l'épaisseur. Il veut crier mais la déjection maladive l'étouffe, sursaute dans l'effort comme une larve. Il vomit, la larve s'empiffre de cette nouvelle abondance et se colore maintenant d'orange, grossit encore, fait fléchir le jeune corps et le met à genoux. Enfin, la victime bascule vers l'avant et tombe, la face dans la fange palpitante qui entreprend de le dévorer. Les autres s'enfuient en hurlant. Sur le trottoir, la flaque huileuse achève de dissoudre le garçon et prend bientôt une teinte grise et mate, durcit finalement au point de ressembler tout-à-fait au ciment des trottoirs. Après quelques minutes de soleil caniculaire, il n'y paraît plus. Je reviens à ma lecture dans le silence retrouvé, ravalant une furieuse envie de cracher par terre, à mon tour.
(Bon d'accord, c'est une redite, mais en plus de cinq ans, vous avez pu l'oublier...)
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J'étais petit, on me demanda de descendre chercher des pommes de terre à la cave. L'escalier qui y menait s'ouvrait au fond de la cour, protégé par un mur. C'était la nuit. La lumière n'éclairait que les premières marches, et il fallait descendre dans le noir pour actionner l'interrupteur de la cave proprement dite. Je m'approchai de l'escalier. En contrebas, face à moi, dans l'obscurité totale, deux petits yeux rouges me défiaient. Je remontai pour dire que je n'avais pas trouvé les pommes de terre, en essayant de cacher ma panique. Je n'ai jamais su ce que c'était, mais c'était bel et bien là.
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Le travail de mon père allait m'obliger à le suivre et à changer de lycée à la rentrée. Pour mon meilleur pote et moi, c'était le dernier été ; on devrait se séparer. Alors on a décidé, cet été-là, de camper au bord du lac. Une nuit, Ju sort pour aller pisser. Il n'est pas revenu. Je l'ai cherché dans l'obscurité, le matin pareil, j'ai fini par aller chercher mes parents qui ont appelé les siens, qui ont appelé la police, etc. Ju avait disparu. J'ai vécu avec la disparition mystérieuse de mon meilleur pote pendant des années. L'an dernier, un ami me dit qu'il a croisé Ju à Paris ! Il a un bon job, une famille, tout va bien. 25 ans sont passés. Incroyable. Il me donne son numéro. J'appelle. Joie de nous retrouver et stupéfaction. Il me raconte sa version : « Cette nuit-là, quand je suis revenu d'aller pisser, tu n'étais plus sous la tente. Je t'ai cherché, j'ai appelé, jusqu'au matin, et je suis allé prévenir la police, les parents, tout le monde... C'est toi qui avais disparu.»
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Soirée arrosée chez des amis collectionneurs dont un avait présenté une boîte en écaille du XIXe, supposée être maléfique. Il avait haussé les épaules et accepté le défi idiot qui consistait à placer sa main à l'intérieur. Il l'avait retirée sans dommage et on avait bu à son cour age. Après une semaine, sa main commença à enfler. La douleur fut telle qu'il s'évanouit. A son réveil, il constata que la peau de sa main avait été comme crevée de l'intérieur. On le soigna. Il récupéra, sa main fut guérie et reprit son aspect normal. Mais depuis, sa maison est infestée d'insectes bizarres et tenaces.
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Elle connut ce jour-là en déféquant un soulagement inédit, tellement intense qu'il l'effraya. Elle n'osa pas regarder en s'essuyant et ferma l'abattant prestement en tirant la chasse. Elle le fit plusieurs fois car il y avait au fond de l'eau comme un gargouillis qui résistait. Après, elle dut se faire violence pour retourner aux toilettes, car elle entendait des bruits de raclement et des chocs dans la canalisation. Elle déversa des produits, de la soude, de la javel, tira frénétiquement la chasse. Enfin, après trois jours, le silence était revenu.
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Depuis l'enfance, elle détestait monter l'escalier qui mène au grenier. A chaque fois, son pied trouvait une marche (jamais la même) qui semblait comme s'absenter, s'abaisser sous elle et disparaître, lui procurant une sensation perturbante. C'était tellement bizarre et inexplicable qu'elle n'avait jamais osé en parler aux autres membres de sa famille. Elle eut une révélation quand elle eut un enfant et qu'il fut assez grand, lors d'une visite à ses parents, pour vouloir emprunter seul l'escalier. Elle bondit tandis que, dans le même élan, ses parents et ses deux frères s'étaient précipités pour retenir l'enfant. Ils se regardèrent ; tous connaissaient depuis toujours cette sensation odieuse de la marche qui s'efface. Personne n'osa avouer la raison de cette panique et la famille reprit son quotidien.
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En été, je vois chaque matin un cycliste emprunter la route en bas de chez moi. Il est vêtu d'un ciré jaune, malgré la chaleur. La première fois, intrigué par ce détail, je me suis penché à la fenêtre pour le regarder poursuivre sa route. Je ne le voyais plus. J'ai cru que la haie me l'avait caché ou qu'il avait fait demi-tour, ou bifurqué, et je n'ai pas insisté. J'ai récidivé le lendemain et, encore une fois, je n'ai pas pu le suivre des yeux. Je suis allé à l'endroit où je le perds de vue : il n'y a ni habitation, ni issue possible et s'il faisait demi-tour, je le verrais assurément. Et ça ne se produit jamais avec les autres cyclistes. Seulement avec lui, qui passe en ciré jaune chaque matin.
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La joggeuse s'était perdue dans la forêt. Le jour déclinait. Et elle était bien certaine que le rocher, là, venait de changer de place.
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L'infirmière pénétra dans le salon décoré de trophées mités. Le grand homme sec qui lui avait ouvert lui désigna le vieillard dans son lit médicalisé. Nerveuse, elle s'empressa de faire sa prise de sang. Quand elle retira l'aiguille, un gaz puant jaillit de la veine ouverte, et le vieillard ouvrit la bouche sur un ululement inhumain.
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Dans le bus qui l'emmenait en colonie de vacances, les paires de sièges étaient toutes occupées. Toutes par des jumeaux. Il alla donc s'asseoir au fond. A l'arrêt suivant, un enfant monta, qui lui ressemblait parfaitement. Tous les visages se tournèrent vers lui.
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Chaque nuit, il écoutait une respiration mêlée à la sienne. Mais il était veuf, et seul depuis trois ans.