Mais personne ne prend donc la peine de guider les chiens aveugles ?
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L'ultime complot
Au cours de son enquête, il avait vu s'étendre le complot qui visait à lui pourrir la vie, à l'ensemble de l'humanité. Bientôt 7 milliards d'emmerdeurs. Il s'arma de courage.
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La complainte de Noé
Je picole
Je picole
Bien sûr
Vous en feriez autant
Je picole parce que
Les enfants emportés
Les voisins noyés
Les filles que je croisais le matin
A l’heure des champs
Mortes, disparues, gonflées bleues au fond des eaux
Et moi,
Vieillard sans mérite
Sans autre mérite que la peur de Lui déplaire,
Moi,
Vieille racine,
Je suis encore là
Inutile.
Alors, oui
Je picole. -
"Petit"
Le conservateur d'un musée de province fait l'acquisition d'un tableau du méconnu Bernard Lépicié (1735 - 1784). L'œuvre est de taille très modeste (environ 30X45 cm.) mais complète judicieusement le fonds muséographique. Atout supplémentaire, il eut la chance d'être apprécié de Diderot lui-même qui écrivit à son propos : "Ce petit tableau ne manque pas d'allure (…), etc.". Un carton d'invitation, qui fait évidemment mention de la phrase de Diderot, est proposé à l'avis du maire de la ville.
Et le maire biffe le mot "petit".
"Ce tableau ne manque pas d'allure…" etc. -
Lucide
L'autre jour, un titre de magazine accroche mon regard : "12 000 lucides par an".
Surpris, je relis : "12 000 suicides par an." Quelle manipulation a commis mon cerveau pour interpréter ainsi le mot "suicide" ? Je continue ma promenade en mâchouillant les deux mots, leurs possibles connexions. Je sais que l'expression "se suicider" est un pléonasme étymologique, que le mot lucide vient de lux, la lumière, que Lucifer est le "porteur de lumière" (je revois Prométhée – sûrement le modèle de Lucifer – sur son rocher), je questionne sans arrêt le paradoxe de la lumière du lucide et des ténèbres du suicide. Un bref éclair de conscience vous projette dans la nuit. Je repense à la phrase de Beckett dans "en attendant Godot" (de mémoire) : Les femmes accouchent à cheval au-dessus des tombes, il y a un bref éclat de lumière et puis ce sont les ténèbres *…
Je me dis que les lucides passent par le suicide pour retrouver leur pote Lucifer, le premier lucide. Cela me donne de quoi ruminer pendant deux bonnes heures de marche ininterrompue.
Penser, c'est faire du sport.
* Vérification faite : " Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c'est la nuit à nouveau." -
Ne nous fâchons pas
Las de ces querelles permanentes, il prit sur lui pour inviter un soir un collègue particulièrement antipathique et tenter, par un repas visiblement opulent, d'établir enfin un début de relations correctes. Le soir dit, son collègue sonna, tout sourire. Il avait même apporté une bouteille. De vinaigre.
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fast and not furious
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ça va me revenir
J'ai croisé, vous savez, ah zut, voyons, ce garçon tellement doué, peintre excellent, un ami de, comment déjà ? ce grand échalas un peu froid ? Enfin, ce n'est pas grave, je croise donc ce charmant jeune homme l'autre jour, ce devait être mardi, ou peut-être mercredi qu'importe. Et comme nous regardions la perspective de la rue du, du, allons, un maréchal, un général enfin un militaire vainqueur de la bataille, d'une bataille en Afrique, ou en Asie enfin loin de chez nous, vous voyez de qui je veux parler, bref ce n'est pas la question. Comme nous regardions cette rue, nous vîmes approcher un couple assez étrange. J'ai cru d'abord qu'il s'agissait de ces personnes si bien mises, les, les. Vous voyez ? ce couple de vieille noblesse germanique ou Finlandaise ou norvégienne, que nous avions connu à l'anniversaire de votre amie, cette chère madame truc ou machin et bien voilà que j'ai perdu son nom, mais vous l'aurez reconnue, n'est-ce pas ? Alors que pas du tout, nous avions devant nous, arrivant tout souriant ce bon De, Du quelque chose, j'ai oublié, avec sa femme -ou sa compagne je ne sais plus s'ils sont mariés- nous les saluons bien agréablement et je vois ce monsieur pâlir au moment de me présenter à sa dame : figurez-vous qu'il ne me remettait pas !
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Forfanterie chez l'objet
La désillusion guette l'aquariophile : le modèle Dubaï 90 est un bête parallélépipède de verre, sans rapport avec la démesure architecturale du riche émirat. De même, la maison Khéops est un modeste pavillon de banlieue, plutôt même plus modeste que les modestes villas qui attristent les bordures de rocades. Et ne parlons pas du stylo Napoléon et de la ventouse Polyphème, du raccord de tuyau Alexandre, du téléphérique Appolo et de la poêle à frire Brillat-Savarin. Tous objets déprimants, par l'effet-retour de l'émerveillement annoncé en regard de la simple matérialité du machin, aussi terne que ses pairs.
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Tectonique (ta mère)
Et le tout jeune disciple du géographe, soudain, remarque que les côtes d'Afrique et d'Amérique s'emboîtent impeccablement. Et si ces terres avaient été dans le passé, confondues en une? Et si quelque force mystérieuse les avaient, d'un seul coup ou sur des périodes impensabes, séparées et éloignées ensuite comme des papiers déchirés et désolidarisés ?
Mais non, c'est idiot se dit-il, et ainsi l'élève ne va même pas s'en ouvrir à son maître. Son maître qui l'a déjà traité d'imbécile quand il lui a confié cette idée amusante que, si la nuit est noire, c'est peut-être que les lumières de certaines étoiles ne nous sont pas encore parvenues, sans quoi la voûte céleste ne serait qu'un immense miroitement argenté. Heureusement que son vénéré maître était là pour lui rappeler que la science n'est pas faite pour les rêveurs. -
Contre-poison
Tout ce café avalé au lever, ces trois bols d'un demi-litre, sans compter les petits noirs pris dans la journée, au bureau ou après le repas. Ce poison dans mes veines, mon estomac, et l'excitation malsaine qu'il provoque. Il faut compenser. Vite, un whisky.
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Camouflet
Le documentaire animalier nous vante la sophistication des rayures du zèbre qui imitent les alternances d'ombre et de soleil de son habitat, mimétisme censé le sauver. Or, ne voyons-nous pas ces pauvres bêtes, promenant leurs robes incongrues sur l'écran d'une savane jaune et rase, à la grande satisfaction de leurs prédateurs ?
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Résister aux addictions
Pour enfin me contraindre à travailler, à travailler efficacement, il m'a fallu agir contre moi-même. Me discipliner. J'ai donc résolu la coupure d'internet et la suppression des logiciels de jeux sur ma bécane. (principales sources de dispersion pendant le temps de l'écriture. Une véritable addiction, très dommageable). La moindre pause dans l'inspiration et hop, j'ouvrais presque inconsciemment un « spider » ou une partie de mah-jong (complot des Chinois), j'allais sur mes mails ou pire : me retrouvais sur Facebook. C'est terminé. Concentration. Ma seule évasion à présent est l'ouverture du fichier « Kronix » où j'ajoute un petit billet comme celui-là à la suite des autres. Il faut savoir ce qu'on veut à la fin. Premier résultat : dimanche matin, la première scène de Pasiphaé est bouclée. Non, mais.
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Hommage à Jean-Pierre Huguet
La prochaine rencontre Lettres-frontière se déroulera à Annemasse le samedi 5 novembre. Je n'y serai pas -je n'y serais pas allé même si je ne m'étais pas engagé à soutenir Laurent Cachard qui dédicace à Tarare ce jour-là- mais je voulais saluer l'hommage rendu dans cette manifestation à l'éditeur Jean-Pierre Huguet, qui se trouve être mon éditeur. Cette mise à l'honneur intègrera aussi celle de Jean-Patrick Péju qui, grâce à sa collection « Les Soeurs océanes » a permis à JP Huguet d'être présent deux fois dans la sélection (avec « Cyclope » de Catherine Dessales et avec mon « Baiser de la Nourrice »). Son autre collection « Noirceurs océanes » n'aura probablement pas cette chance, compte tenu du mépris dans lequel on tient habituellement le genre policier. Même si, je le clame, « Le Psychopompe » n'est pas un polar, mais un livre sur la puissance rédemptrice de la fiction. Mais ça...
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La Seine était rouge
Il semble que le temps est venu pour les hommes de bonne volonté d'évoquer ce sinistre anniversaire. La France qui s'autoflagelle, vomie par notre futur ex-Kayser, est juste celle qui l'aime dans sa droiture et sa générosité, mais la déteste quand elle tue et et se couvre de honte.
Le site Mediapart rappelle qu'au lendemain de la tragédie du 17 octobre 1961, Kateb Yacine (1929-1989), immense poète algérien, s'adressait à nous tous, le peuple français :
Peuple français, tu as tout vu
Oui, tout vu de tes propres yeux.
Tu as vu notre sang couler
Tu as vu la police
Assommer les manifestants
Et les jeter dans la Seine.
La Seine rougissante
N'a pas cessé les jours suivants
De vomir à la face
Du peuple de la Commune
Ces corps martyrisés
Qui rappelaient aux Parisiens
Leurs propres révolutions
Leur propre résistance.
Peuple français, tu as tout vu,
Oui, tout vu de tes propres yeux,
Et maintenant vas-tu parler ?
Et maintenant vas-tu te taire ?A lire aussi, le livre de Leïla Sebbar : La Seine était rouge, Paris Octobre 1961 (Thierry Magnier, 1999 ; Babel, Actes Sud, 2009),
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Ils tournèrent leur carabine
Je voulais te dire enfin, toi que j'ai chahuté, que je n'avais pas compris ton courage. Ton projet. Nous étions des gamins ineptes, obtus, aveugles, nous étions abrutis par un ordre poussiéreux qui confinait l'étincelle jaillie sous notre enfance. Et toi, prof de musique, intrus dans cette institution religieuse, tandis que le cours de catéchisme tout près résonnait d'alléluias, tu nous apprenais Jean Ferrat. Et on beuglait « Potemkiiineuu » de l'autre côté de la cloison. Je voulais te dire qu'il a fallu du temps, que le polisson, le cancre, le revêche, était devenu autre et qu'enfin, enfin, il avait compris. Je voulais te dire que tu nous fus utile.
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Les fous du volant
Sur l'autoroute, nous avons échappé mille fois à la mort, les automobilistes se sont concertés dans le projet de nous nuire et ont convergé vers nous, depuis la France entière sans doute. Et que dire du complot des routiers ? ces fous violents dans leurs drôles de machines, manoeuvrant de toutes les manières pour causer notre fin, que dire de l'incurie des pouvoirs publics qui laissent en vie des furieux capables de doubler ! Au moins, qu'on leur coupe les mains, qu'on leur crève les pneus, enfin quelque chose !
Je vous déconseille d'avoir ma douce comme passagère pendant 8 heures de trajet.
Moi, j'essayais d'écouter une conférence de Comte-Sponville sur le bonheur. Entre deux invectives de ma douce lancées aux bolides homicides qui nous cernaient, je captais une référence à Spinoza, une allusion à Sénèque. C'était bien, mais clignotant. -
Chinois
Tiens, je vais manger chinois aujourd'hui (et soudain, je réalise que j'appartiens à une génération qui peut se lancer cette injonction, in petto, sans avoir à mobiliser des armées, des navires, les moyens extravagants d'une expédition, soudoyer des mandarins, enchaîner un cuisinier innocent et le faire revenir, après moult dangers et péripéties, pour me donner satisfaction ; mais simplement traverser la rue. Et puis m'apparais, à la suite de cette première révélation, que tout cela a été fait par des chefs d'entreprise sans que j'en sois alerté, mais bel et bien fait, et j'en éprouve d'inquiétants remords.)
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Comme en flânant
Revenir sous cet arbre, dans cet été où tu me souriais, ou bien, sans plus de nostalgie, attendre le suivant.
Ma vie présente est une patience entre deux périodes heureuses. Et dans ce laps de temps, dans ce creux, je réfléchis à ce que je vais écrire. On annonce de sombres perspectives, notamment économiques (censées conditionner l'essence de nos vies), et finalement, si je suis inquiet pour mes enfants, je dois dire qu'en ce qui me concerne -puisque la vie m'est bonne entre la tendresse de ma douce et un peu de papier, un stylo, les milliers de bouquins qui nous entourent et qui n'intéressent personne- et bien on ne pourra pas me prendre grand chose. Alors...
A la maison, les plus intolérants, les plus égoïstes et malpolis sont les oiseaux, le poney, les chats et la chienne. Au milieu de cette famille à poils et à plumes, les humains font ce qu'ils peuvent pour satisfaire les uns et les autres. Ma douce notamment, qui court, achète, nourrit, s'empresse, panse et abreuve, n'omet pas de caresser et de flatter, de discuter un peu même. Quand je vois l'air blasé de nos chats, repus sur la banquette que nous désirions mais qu'ils ont investie, quand j'écoute dehors le hennissement du poney et son sabot qui frappe le sol dans l'impatience d'être servi et que je tente de manipuler la énième télécommande que la chienne a mordue, je me demande tout de même si nous méritons une telle expiation divine, ainsi donnée par l'entremise familière des bêtes qui voient les humains s'activer pour leur complaire. C'est en cela qu'on peut croire en un pacte secret conclu depuis les temps immémoriaux entre les animaux pour venger l'un des leurs : le serpent. -
A titre de comparaison
Une bonne initiative du site "LeMonde.fr", pour se donner une idée de la dette grecque, comparer sa masse avec d'autres vastes enjeux financiers : guerre en Irak, revenus pétroliers de l'OPEP, etc.
Juste nous permettre de jauger (cliquer ICI), c'est pédagogique, quoi. j'aime assez.