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choses vues - Page 8

  • 3374

    Me voici de retour, après un parcours d'une semaine en Franche-Comté, guidé par les salariés et bénévoles du Centre Régional du Livre. C'étaient donc les Petites Fugues. Toute une équipe dévouée à la cause de la littérature emmène plus de vingt auteurs à la rencontre de leurs lecteurs, pendant deux semaines éprouvantes pour elle (l'équipe). Je pense à ces belles personnes qui se sont données tant de mal. Pour qui il n'y a pas de routine et qui font comme si leur exceptionnelle disponibilité était normale et simple. Au XXIe siècle, au milieu de nos carnages et de nos désolations, non, ce n'est ni simple ni normal. C'est un combat essentiel.
    Je ne vais pas citer chacun, chaque lieu, chaque accompagnant, me livrer à une énumération qui serait stérile pour qui n'était pas là. Permettez-moi seulement de dire ma reconnaissance à l'équipe du CRL, aux bibliothécaires et professeurs qui m'ont invité, aux curieux qui sont venus, aux élèves qui m'ont interrogé, aux bénévoles qui se sont démenés pour que tout soit impeccable. Huit rencontres sur cinq jours, et autant de fois un public conséquent, et autant de fois des efforts particuliers pour travailler les livres en amont, faire vivre leur lecture. Pas seulement le dernier, et c'est cela qui fait une différence. On m'a ainsi permis, ce qui est rare, de parler de mon travail, au-delà d'un seul roman et, si cela m'inspire parfois de longues digressions, d'aller au-delà du texte le plus récent pour mettre en perspective ce qui commence, aujourd'hui, à ressembler à une œuvre (et, par conséquent, me fait réaliser que quelque chose se met en place, qui vient de moi et pourtant me dépasse).
    Je reviens chez moi en conservant le souvenir de tant de sourires, de tant de pertinence, de tant de lieux, de tant de bienveillance. Ces quelques mots ne sont pas un bilan, juste une manière de fixer la joie vécue. Il faudra du temps pour que j'assimile tous les bienfaits traversés, concentrés en quelques jours. Finalement, ces quelques phrases tentent de dire merci. Parce que, vraiment, merci.

  • 3368

    Encore ! Croiser celui-là, qui se plaint tout le temps, tellement qu'il n'écoute pas mes problèmes, autrement plus importants.

  • 3361

    Ces jours-ci, ma douce classe et répertorie de vieilles publications trouvées dans la maison. Un régal car l'opération met au jour des raretés, comme un exemplaire des fables de Fong Siue-Fong illustrées de superbes gravures sur bois, des livres pour enfants d'après guerre et des revues pour la jeunesse du même tonneau. En 1954, l'hebdomadaire Mireille aidait les parents de jeunes filles à les préparer à la vie future. C'était chaque semaine des patrons de couture ou de tricots, des conseils culinaires, des jeux, des concours de photos de bébés, des petites chroniques historiques, des récits édifiants, comme Mademoiselle ci-devant, qui racontait en bandes-dessinées (de bonne qualité) les mésaventures de la fille du vendéen Henri de La Rochejaquelein, aux prises avec les barbares révolutionnaires. Chaque semaine, Les conseils de Tante Chiffon, toujours en bandes-dessinées, apportaient leurs bienfaits à leurs jeunes lectrices : se tenir bien, être ponctuelles, propres, etc. Je note, dans le numéro 41 du 11 novembre 1954, un épisode donnant l'attitude à avoir avec son institutrice « tout à fait digne d'intérêt ». On y trouve ce conseil savoureux : « Vous devez veiller à ce que les domestiques considèrent votre institutrice comme une amie, voire un membre de votre famille. » Ce qui donne une idée du public concerné par la publication (sauf qu'en l'occurrence, la revue était reçue dans une maison d'ouvriers, même pas chrétiens, donc assez laxistes sur les lectures de leur fille unique – la maman de ma douce – ou bien s'agissait-il seulement d'acheter un joli patron de robe). Dans ce même numéro, une rubrique « cinéma », fait connaître l'avis d'un(e) certain(e) Marijac sur le film Les Temps modernes de Chaplin. Je ne résiste pas à l'envie de la reproduire in extenso :
    « Charlot nous revient, mais je crois que ses films sont maintenant un peu dépassés. Tant que le mime reste l'amuseur bon enfant, le film est drôle ; lorsqu'il veut être philosophe, le film devient puéril. Le fait de représenter le directeur de l'usine sous les traits d'un monsieur qui ne sait dire que « plus vite » en se contentant de lire les dernières aventures de Tarzan, est d'une vérité et d'un goût un peu simplistes. Le mystère du génie de Charlot est un peu comme celui de Picasso. Il faut d'abord y croire. »

  • 3359

    Vincent et son épouse cherchaient un appartement dans la ville qui allait les accueillir. Vincent ayant plus de temps, c'est lui qui s'occupait des démarches. Cette fois, c'était une maison intéressante. De plus, la voix de la propriétaire au téléphone avait paru tonique et claire à Vincent. Ils se rendirent sur place, le jour dit. La porte s'ouvrit sur une quadragénaire surprise, au regard écarquillé. Elle était en nuisette ouverte sur des dessous affriolants, coiffée et maquillée, et s'attendait manifestement à ne recevoir la visite que de monsieur. Vincent conserva son sérieux et présenta sa femme, qui retenait un fou-rire. Commença une visite assez hallucinante, le couple de futurs acquéreurs suivant pas à pas une propriétaire dénudée et peut-être un peu rougissante, chacun faisant comme si tout ça était normal, y compris l'aperçu de la chambre avec sa lumière tamisée et les pétales de rose répandues sur le couvre-lit. Quand le moment vint de parler argent, « je vais me changer » souffla prudemment la jeune femme avant de s'éclipser, laissant le couple dans le salon, plus hilare que décontenancé. Je ne sais plus s'ils ont fait affaire.

  • 3340

    Elle me parle mais je ne comprends rien, à cause de son décolleté assourdissant.

  • 3338

    La marche dominicale à travers les bois n'était pas négociable, hiver compris. Qu'importaient nos lamentations d'enfants que le désir de voir enfin tel téléfilm ou émission suscitait, il fallait aller se promener le dimanche, marcher sur les sentiers en poussière ou les sous-bois humides, c'était au-delà de la question de la santé, inscrit dans le marbre comme une tradition. Dimanche, c'était marche, point final.

    L'exercice se transformait parfois en émerveillement. Les paysages solitaires sur le plateau de la Verrerie, les cascades moussues dignes d'Excalibur au fond des gorges de La Pisserotte, et les fûts immenses des Bois noirs offraient des ambiances que ma petite cinéphilie d'enfant reconnaissait.

    Un jour, nous trouvâmes une chouette blessée. J'étais petit, les détails de la capture m'échappent. Je vois un remuement incertain, mon père qui s'approche... le reste est très flou, peut-être jamais vécu, en fait. Par contre, je me souviens clairement de la chouette, figée comme une petite déesse au dessus d'un placard extérieur, sur le balcon qui menait chez nous. Mon père l'avait installée là et elle patientait ainsi la journée entière. Mes parents la nourrirent d'abord je ne sais comment, et nous la saluions mon frère et moi à chacun de nos passages, partant ou revenant de l'école. Elle tournait vers nous son regard incessamment étonné, sa face plane de dessin animé. On ne la dérangeait pas, on la regardait à peine après un temps. Une voisine comme les autres.

    Bientôt, mon père s'aperçut que notre invitée s'envolait pour ses chasses nocturnes. Elle était guérie.

    Je n'ai pas souvenir non plus de sa restitution à la forêt que nos soins lui avaient fait quitter, mais je retrouve facilement l'image de cette compagne muette, de son expression de sérieux et d'attention quand nous lui parlions, de la bonté que je lui prêtais.

  • 3334

    Hors la voix de son égoïsme, tout en lui était muet depuis si longtemps que sa conscience n’émit aucune protestation quand il déclencha le feu nucléaire.

  • 3333


    « Chérie, j'ai acheté des moules pour midi ! » Et c'est ainsi que le quotidien entra (à cause de moi) dans notre vie.

  • 3330

    Par la lecture d'écrivains blogueurs chez qui je rends de fréquentes visites, (Paola Pigani ; Christophe Sanchez) j'apprends la disparition de Philippe Rahmy. De lui, j'avais lu et aimé "Béton armé", à l'occasion d'une rencontre des "Mille-Feuilles" où nos livres avaient été les coups de cœur de libraires invitées (à l'époque où je m'évertuais à lire les livres des auteurs avec lesquels j'étais invité*). Ce court récit m'avait fait découvrir un auteur notoirement et physiquement fragile (en verre et pas contre tout), au regard aussi acéré que bienveillant.

    C'est un hommage trop banal de dire que ses livres désormais, sont là pour le prolonger en quelque sorte, mais c'est assez vrai pour le rappeler.

     

    * Ce n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui. Question de temps.

  • 3329

    Arrêtons de nous ébahir au spectacle de la voie lactée, ça fait des millions d'années qu'elle est comme ça. Maintenant, c'est bon.

  • 3327

    "Tu auras deviné que la lumière d'octobre, incertaine, a des atouts pour me séduire. Mais toutes les lumières de toutes les saisons -même la brutale radiation estivale- me réjouissent ou me stimulent, pour peu que mon humeur leur soit complémentaire. C'est-à-dire qu'une brume hivernale se savoure mieux avec le cœur soulevé d'enthousiasme solaire, et la brûlure de l'été se goûte mieux lorsqu'une nostalgie grise nous saisit.
    En cela, octobre, avec sa météo erratique, ses pluies halées par des nuages distraits, ses lumières mouillées, traversières et sa chaleur providentielle parfois, comble tout l'éventail des sentiments qu'on peut éprouver dans une journée. Oui, octobre est doux et m'inspire."

     

    En souvenir d'une correspondance ancienne.

  • 3324

    On vient de m'interroger sur la clavette de Donnersberg. J'avoue que c'est une donnée assez lointaine pour moi, mais elle nous a permis dix bonnes minutes de discussion sur la notion de lacune.

  • 3322

    Je ne l’ai pas vu depuis de nombreuses années. Je le salue avec chaleur, il me dit bonjour du bout des lèvres et se retourne ostensiblement. Je suis indigné par une telle attitude. Qui a pu me trahir, et lui répéter tout le mal que je disais de lui ?

  • 3321

    Mon film préféré : l'étirable Netto de 30 mètres.

  • 3313

    Les lapins détalent dans la campagne. Ils sont pourvus d’un petit derrière blanc, excellent point de repère pour les chasseurs. Ce que la nature est bien faite, tout de même !

  • 3308

    On le dit en tremblant : « Ça me touche, c'est terrible, je pense beaucoup à elle, tu lui diras bien... » parce que ça ressemble tellement au pire des cauchemars d'un père ou d'une mère. Nous apprenons le suicide du fils d'une amie, ami lui-même, qu'on peut voir dans les films que notre bande réalisait, il y a vingt ans. On riait, on s'amusait, de la simple et futile déconnade. Son visage est encore là, sous un képi emprunté je ne sais où, dans le rôle d'un flic renseignant ses collègues. Il joue avec l'application des amateurs. Comment ça peut se transformer en pleurs, avec les années, les rires de nos jeux ? Quelque chose se pétrifie en nous.
    Je ne sais pas si un homme qui se tue « décide » de partir, ou quelle force mystérieuse le pousse vers la sortie. Et cette énigme insoluble durcit dans les entrailles pour former une peur, et la peur devient une balle de fronde. Lancée avec force par le geste désespéré, elle blesse tous ceux qu'elle a touchés.

  • 3305

    Dans le car, les conversations de très jeunes adultes. Elle et lui sont assis comme toujours côte à côte. En général, ils parlent musique et sorties. Ce soir, on dirait qu'elle boude. Peut-être pour écarter le malaise qui s'installe, le garçon est plus volubile qu'à l'accoutumée, il parle de sa journée, raconte des choses sans grand intérêt. Dans un silence, la fille place : « Sinon moi, ça va, j'avais mon rendez-vous à l'ANPE, je me suis bien fait pourrir, merci de prendre des nouvelles. » Je ne le vois pas, mais j'imagine le garçon se mordant les lèvres. « Ah oui, et comment ça s'est passé au fait ? » « Ça t'intéresse pas de toute façon, tu t'en souvenais même pas. » Il grogne, se défend, ne s'excuse pas par orgueil mais on sent le type embarrassé de sa gaffe. Ils sont un moment silencieux, puis il insiste et elle finit par raconter. « Il a vu que j'étais au chômage depuis plus de trois mois, il m'a dit qu'il fallait que je me bouge. Je lui ai dit que, oui, je me bougeais, que je cherchais. Il m'a demandée où j'avais cherché, si j'avais demandé à telle boîte, là ou là, j'ai dit oui, mais que j'avais pas de réponses. Il m'a dit « Mais vous savez, il faut pas rechigner, prendre tout ce qui passe, pas hésiter » j'ai dit faut pas croire, je rechigne pas (le garçon râle : qu'est-ce qu'y croit, lui ?), j'ai dit je cherche hein, je prendrais ce qui se trouve, mais y'a rien. Il m'a énervée, comme si je voulais pas bosser. Et puis il me fait la leçon comme quoi il faut bien présenter, bien s'habiller, être poli. Je lui ai dit que je savais (le garçon répète « qu'est-ce qu'y croit ? ») Que j'étais polie, que je parlais correctement pour me présenter, pour faire bonne impression, tout ça. » j'écoute et je suis bouleversé par cette jeune fille que j'imagine se débattant avec les difficultés de son milieu, obligée de s'excuser devant un type bien installé, de ne pas trouver assez vite du travail, dans une région où la pauvreté est galopante, où le chômage grimpe à 13%. J'ai honte de cette société qu'on leur a fabriquée, qui non seulement exclut, mais culpabilise ceux qu'elle exclut. Je les trouve bien gentils, bien patients, ces jeunes, qui devraient foutre le feu partout, une fois pour toutes.

  • 3303

    Pardon pour la redite (c'est un billet de 2010, quand je devais prendre le bus pour me rendre à mon travail) :

    Dans le car qui me ramène à la maison, les conversations des adolescents entre eux. Le lait de la tendresse humaine. Souvent, leurs paroles me traversent. J'abandonne ma lecture, j'écoute, ému. Il y a eu ce garçon, expliquant à une copine le mauvais sort qu'une petite bande a voulu lui faire, quelques jours plus tôt. « Il me dit Viens, je veux te parler, j'avais pas envie mais j'y vais, dans une petite rue comme ça. » « Mais tu y es allé ? C'était un piège et tu y es allé ? » « Ouais, c'était un piège mais j'étais coincé, j'y suis allé. Au fond de la petite rue. Ils étaient tous là. Cinq-six. Ils commencent à me prendre la tête, que j'ai dit des trucs sur eux, tout ça. Il fait venir sa copine. Elle dit : « Je sais plus ce qu'il a dit mais il m'a insultée de pute » « C'est vrai, tu lui as dit ça ? » « Ouais, peut-être, j'en sais rien, de toute façon c'est une pute. Ouais, je l'ai peut-être dit » (la fille à côté de lui pouffe, approuve le verdict) « Alors, l'autre il me donne des baffes. Je l'ai laissé faire. » « Tu l'as laissé faire ? » « Oui » « T'as raison. » « De toute façon, ils étaient six, si je me battais, ils me cassaient la tête. » « T'as raison. Qu'est-ce que t'as fait ? » « Ben je me suis mis à courir, j'ai couru, j'ai foutu le camp. Ils m'ont suivi. On a couru dans toute la ville. J'avais peur. » « Ils t'ont pas rattrapé ? » « Non. Ils ont dû me prendre pour une vraie fiotte. » (La fille pouffe à nouveau. Je sens dans sa réaction, un large sourire, une bienveillance. Aucun jugement. Elle est seulement heureuse que le garçon s'en soit tiré indemne). Je souris aussi. L'honnêteté de ce gamin, le tranquille détachement de son récit et son humour, me font apprécier ce que je crois lire comme une évolution de mentalité. A son âge, peut-être aurais-je fui, ce qui n'est pas sûr (il m'est arrivé de ces petits événements où je me découvrais un héroïsme imprévisible), mais en tout cas, jamais je n'aurais avoué ma fuite à une fille. Orgueil des petits mâles d'une époque révolue. Ou bien ai-je écouté le récit d'une exception.

  • 3301

    Elle comprit qu’elle était en train de devenir amoureuse, encore une fois, et en ressentit une forme de tristesse et d'angoisse dont elle se serait bien passée.

  • 3289

    La dame, jupe droite bleu marine, barrette dans les cheveux, cherche un livre, ne parvient pas à se décider.

    La libraire : "Tenez, il y a Le lièvre de Patagonie, de Lanzmann"

    La dame : "Trop juif."

    A part ça, tout va bien. Je vous souhaite une bonne journée.