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Nouvelles/textes courts - Page 14

  • 3539

    "Saupoudrez délicatement votre gâteau avec un char équipé que vous aurez préalablement réduit en poudre".

    (Et c'est là que, il faut bien l'admettre, la traduction des recettes de Mésopotamie d'après les tablettes de Ninive, montre ses faiblesses et, oserais-je ajouter, ses limites).

  • 3538

    La première apparition de la Vierge est très lointaine. Un peu précoce, même, si l'on se réfère aux représentations qui ont célébré l’événement, au paléolithique. De deux choses l'une : soit les vénus périgourdines ne rendent pas justice à l'apparition, soit les statuettes restituaient trop scrupuleusement la morphologie de Marie, et on comprend que, fâchée, elle ait mis du temps à revenir.

  • 3537

    Petit-fils posé sur ta poitrine, ce poids de fleur dormant. Aussitôt, te voici tout fondu de calme, tout amolli de paix, tu te découvres de vieilles bontés, là où tu te croyais sec.  

  • 3536

    Ce billet est publié avec l'accord de Laurent Cachard, auteur que j'aime et admire, frère d'armes au pays de la littérature. Il a eu l'élégance d'approuver la mise en ligne de ce ressenti (je préfère "ressenti" à « critique » car je ne suis pas critique littéraire), qu'il faut prendre avec toutes les précautions d'usage. Ressenti, car il s'agit d'une réaction personnelle, subjective (voire épidermique, comme on pourra le voir) : nombre de lecteurs de Girafe Lymphatique ont fait un retour exactement inverse. Beaucoup ont été émus, bouleversés, travaillés profondément et durablement par le texte de Laurent.
    Ce billet sera l'occasion d'un échange. Sur son blog ou ici-même, Laurent aura toute latitude pour s'exprimer, contrer mes arguments ou les réduire à un contre-sens éventuel*. Et, quoi que j'en dise, je vous engage à vous faire votre propre opinion sur le dernier livre de Laurent.


    Couv-Girafe.JPGPour être lymphatique, elle l'est, Clara Ville ! On a de ses envies de la secouer ! de la sortir de ses brumes océanes, où son père l'a laissée pendant trente ans… Et comme on a envie de prendre son père par le col à la fin, pour lui régler son compte ! Bon. Qu'est-ce que le dernier texte de Laurent Cachard, paru au Réalgar : une longue nouvelle, un court roman ? Allons-y pour roman, puisque le terme est revendiqué par l'auteur et son éditeur, en quatrième de couverture. L'histoire d'une femme dont le père a disparu pendant trente ans, la laissant avec sa mère dès l'âge de six ans, pour la retrouver (sans beaucoup d'efforts et pour des raisons obscures, une vague envie, peut-être, comme celle qui le décida à s'en aller) à celui de trente-six.
        Les nombreux personnages créés par Laurent Cachard, au fil de ses récits, sont parfois incarnés et aimables (je pense au Robert de La jouissance..., aux enfants de La partie de cache-cache, à l'homme qui patiente de Valse, Claudel ou au Gérard de Tébessa), parfois tellement hors sol et désincarnés que leur psychologie frise, à mes yeux de lourd terrien en tout cas, l'extraterrestorialité (et voici que se profile l'agaçant Paul Herfray de Le poignet d'Alain Larrouquis). Mon admiration fidèle pour le travail de Laurent Cachard a produit assez de preuves lisibles sur ce blog, pour que, exceptionnellement, je me permette de dire, très subjectivement, que je suis passé à côté de ce roman. Cette modeste recension est donc inspirée par un questionnement : qu'est-ce qui m'a échappé, que d'autres ont aimé, manifestement, si j'en crois les nombreuses réactions enthousiastes des premiers lecteurs ? Qu'est-ce qui m'a arrêté ?
    D'abord, un paradoxe. Clara ville, l'héroïne, nous est donnée, dès le portrait-préambule, comme « consciente de ses choix. » Or, attente, amours, désir d'enfant, départs, retours, ses choix m'ont semblé davantage dus au hasard ou à la volonté de l'auteur, qu'à celle de l'héroïne. Généralement, ils me sont restés absolument incompréhensibles, je dois l'avouer, l'absence du père n'étant le déclencheur spécifique d'aucun (un même profil, dans d'autres circonstances, aurait tout aussi bien pu traverser les mêmes épreuves, emporter les mêmes succès, prendre les mêmes décisions). Attention, qu'on me lise bien : cela ne m'est apparu qu'après réflexion, au terme de plusieurs jours passés à échanger avec ma douce sur nos lectures respectives, à laisser précipiter les effets du texte en moi. Je veux dire que cela ne nuit pas au plaisir de la lecture, car c’est un beau texte, soutenu par une tension permanente, traversé de nombreux moments de grâce, de vrais passages littéraires comme j'aime en trouver chez cet auteur. Simplement, je dois avouer mon incrédulité devant l'exposition de deux psychologies : celles du père et celle de sa fille, Clara. Leurs motivations, surtout. Un homme quitte île et foyer. Île (les îles sont les points d'ancrage dans l'errance des personnages, mais elles ne sont pas ou peu définies, on suppose Ouessant, on suppose un ou des Territoires d'Outre-mer...) et foyer (femme et fille qu'il semble aimer, en tout cas, rien de désastreux dans leurs relations), pour — si j'ai bien compris — travailler le Clair de Lune de Debussy. C'est limite suspect, mais pourquoi pas, l'auteur y croit, alors on le suit. On se figure alors un pianiste passionné à la Glenn Gould, abandonnant tout, concerts, famille et amis, pour s'exiler, et tenter d'atteindre, dans une ascèse absolue, la perfection de ses Variations Goldberg à lui : le joli poème musical de Claude Debussy (devenu, hélas, si mainstream, qu'il est aujourd'hui resservi avec chorale pour la bande-annonce du prochain Godzilla). L'art serait une cause d'abandon assez classe. Contestable mais supportable. Sauf que. Au lieu de cela, cet enfoiré fonde une nouvelle famille, pas plus brillante que celle qu'il a quittée sans explications, ne recontacte jamais sa fille, ne sait d'elle que les photos et informations transmises par son frère jumeau, pendant trente ans ! (Putain, mais : 30 ans ! trois fois dix ans, trois-cent soixante mois !) Et tout ça pour, enfin, quand père et fille se retrouvent, interpréter à son intention le fameux Clair de lune… en n'y mettant « aucune impression personnelle » en laissant « les thèmes s'imposer d'eux mêmes ». Trente ans à répéter ce machin, trente ans d'absence, un abandon familial caractérisé, sans pension alimentaire ni quoi, sans nouvelles, tranquille, tout ça pour ne même pas apporter le moindre remuement intime dans ce foutu morceau, pour le jouer exactement comme on l'écoute dans les ascenseurs et dans les magasins ? Hein ? Ah, pour être lymphatique, elle est lymphatique, la Clara ! « C'est pour ça que tu es parti, alors, brûle-t-elle de lui demander », mais je t'en foutrais, moi, de 'brûler de demander' ! Clara, qualifiée d'orgueilleuse, va s'installer et écouter bravement une interprétation terne, sans âme, et tout va bien, « comme si près de trente années passées n'avaient eu aucune incidence ». Ah ben merde ! Putain, mais Clara, va t'acheter un merlin, une tronçonneuse, une cognée ou une masse au Bricorama du coin et pulvérise-moi ce putain de piano, à défaut de défoncer le crâne de ce paternel de mes deux, d'écrabouiller à la pince rougie au feu ses petits doigts de virtuose de supermarché ! Je vois que ça, moi. Mais je suis un sanguin. Sûrement. Oui, je suis. En tout cas, je me suis coltiné physiquement à des types qui en avait fait beaucoup moins.
        Laurent Cachard avoue depuis longtemps son amour pour le cinéma de Rohmer et, pour un lecteur comme votre serviteur, sa Clara a des airs de Marie Rivière espérant l'apparition du Rayon Vert, évanescente si on veut être gentil ; charisme aussi épais que ses lèvres, si on l'est moins (j'avais écrit : « si on veut être juste », mais ce serait injuste). Il faut donc s'arrimer coûte que coûte au qualificatif qui l'accompagne, dès le titre : lymphatique. L'orgueilleuse que l'on nous a présentée explique peut-être qu'elle n'a pas cherché à retrouver son père (activement, je veux dire, et à cet égard, sa mère accepte son sort de femme reniée, sans regimber davantage, mais quel est ce monde de spectres ?). Lymphatique, donc. Soit, nous précise par exemple l'ami Robert : « apathique, lent, indolent, mou » de quoi, déjà, exciter l'agacement, par réaction. La Girafe présente des personnages, père, femme, fille, oncle, etc. en délicatesse avec la réalité des autres. D'île en île, ils sont eux-mêmes des îles, complexes à aborder, récifs décourageants, terres stériles auxquelles on pourrait facilement renoncer. Une panoplie d'êtres qui se satisfont du désamour - et de l'absence, y compris à eux-mêmes. Malgré ses actes, et l'acte fondateur de son départ, il n'est pas évident que le père soit un monstre égotique ; il est plutôt apprécié de son entourage et il est probable qu'il ne se déteste pas. Quel regard ont les personnages sur leur propre identité ? On ne le saura pas. Seul le regard des autres pèse et influe. C'est étrange. Les seuls à s'aventurer hors des rives de leur île, hors d'une zone repérée (personnages secondaires, ils ne sont pas exploités), sont les fils surfeurs du père (d'un second lit, comme on dit si mal), capables, eux, de prendre la mer et de se confronter aux éléments et donc, à la vie vraie. Ou encore le second compagnon de Clara, colérique et alcoolique, un mauvais, dont la fonction sera de féconder notre héroïne. Lui, par ses failles, sa cruauté, ses limites, fait relief. Les autres personnages sont confinés dans leurs atermoiements insolubles, négligeables, cérébraux... rohmériens, quoi. On a le sentiment de rencontrer, l'un après l'autre, des condamnés que leur peine ne révolte pas.
        Rappelons que, lymphatique ou pas, la girafe (l'animal) a deux cœurs. Notre Clara bénéficie peut-être, allégoriquement, de ce petit prodige de la nature. Un cœur pour elle, mystérieux, inaccessible, et un cœur pour les autres, qui battrait sans affolement. Un cœur en hiver, pour se référer à un autre cinéaste. Ou bien, l'entreprise est-elle de s'interroger sur la difficulté d'un romancier à cerner son héroïne, et les interventions d'un peintre (personnage fictif où l'on est tenté de deviner la présence bien réelle de Franck Gervaise, somptueux interprète des paysages de Ouessant, qui illustre au trait ce récit), sont là pour rappeler cette difficulté, voire cette impossibilité. Et c'est peut-être cela, la clé : une vie, même observée à la loupe, même créée de toute pièce, est une affaire trop vaste pour être pensée, y compris par le pouvoir de la littérature. J'y vois un constat, infligé par l'auteur à lui-même comme un défi personnel. Celui qu'il s'évertue à relever dans son prochain opus, son roman russe monumental dans lequel une certaine Aurelia a longtemps résisté à son auteur, défi dont nous savons bien qu'il triomphera.

    Girafe lymphatique, Laurent Cachard, accompagné de dessins de Frank Gervaise. Editions Le Réalgar. 82 pages. 11 euros.

     

    * La réponse de Laurent Cachard est à lire sur son blog. Le lien ICI :

    http://laurentcachard.hautetfort.com/archive/2018/09/14/reponse-a-un-forcene-6084622.html

  • 3535

    Cette année, nous désespérions de voir arriver les hirondelles. Elles ont enfin pointé le bout de leur bec une dizaine de jours après que je me sois un peu hâtivement désolé de leur absence, sur ce blog. Mais quelle récompense : deux nichées, cette année ! Nous avons constaté, d'ailleurs, que ce printemps-été 2018 est exceptionnel sur plusieurs points. Tous liés, je suppose. Une année « à fruits » : cerises par tonnes, prunes en veux-tu en-voilà, pommes, pêches, poires, fraises, etc. Le jardin n'a jamais été aussi généreux. Au point que, malgré confitures et conserves, nous n'avons pas pu tout utiliser. Une année « à insectes » : plus de papillons que d'habitude, et d'espèces différentes, et puis des sauterelles, des grillons (je n'en avais plus vu depuis des années), des guêpes, des abeilles… Il serait assez logique de relier cette provende aux deux nichées successives de nos hirondelles. Ça pourrait laisser croire que tout n'est pas fichu ; on s'accroche à ce signe. Ce qu'on est bête !

  • 3530

    Le petit oursin à la foire du trône, bien triste qu'on lui refuse un ballon (et tout empêtré dans la barbe à papa qu'on lui a achetée en compensation).

  • 3529

    La maison est ouverte largement sur la campagne environnante, qui s'invite par de franches coulées de lumière. À l'intérieur, pourtant, il fait assez sombre. Sur la table, couverte d'une toile cirée fuchsia, je commence un rituel d'exorcisme, car une présence sinistre hante les lieux. Tandis que je pose sur la toile cirée une racine de gingembre qui ressemble fichtrement à une mandragore, je profère des incantations que j'improvise. Et je sens bien que ce galimatias, ces litanies grotesques ne vont pas fonctionner. La présence hostile ne semble guère impressionnée par mon jeu. Il me semble d'ailleurs que plus je poursuis mon absurde logorrhée, plus je renforce la présence maléfique. Effaré par cet échec prévisible (et imminent), je suis projeté hors de mon cauchemar. Incapable de retrouver le sommeil, il me faut longtemps pour me débarrasser de la sensation affreuse d'avoir entraîné dans mon monde, et précisément à côté de moi dans le lit, l'odieuse présence que je combattais dans le monde des rêves.

  • 3527

    Elle avait été agressée sexuellement par trois hommes masqués qui avaient filmé la scène. En toute logique, elle avait porté plainte contre XXX.

     

    (Kronix est donc de retour et vous prie de l'excuser pour cette si longue absence, motivée par une formidable flemme. Vous allez me dire que, si c'est pour écrire des trucs pareils, il pouvait aussi bien rester couché, ce qui fait qu'il y retourne, à sa paresse.)

  • 3526

    C'est en cherchant les œufs de Pâques que les enfants étaient tombés sur la réserve de grenades de Papy. Heureusement, comme elles n'étaient pas décorées, ils les avaient jetées dans le jardin du voisin.
     

  • 3514

    Si les frères Lumière ne s'étaient pas mariés avec les sœurs Satourne, le cinéma n'aurait jamais vu le jour.

  • 3512

    Une présentation de rentrée littéraire, à Lyon. Avec un autre écrivain (du genre excellent et qui ne la ramène pas) et l'organisateur de la journée, nous nous retrouvons à la gare et attendons une jeune auteure d'origine locale mais venant de Paris où la promotion de son premier livre a commencé. Notre ami organisateur tremble : c'est que la primo-romancière est précédée (déjà) d'une bonne réputation de caprice et d'autorité. Le Figaro l'a surnommée « la Houellebecquienne », ce qui en impose. L'auteur du genre excellent et qui ne la ramène pas et moi, nous amusons de l'angoisse de notre guide et tentons de le calmer avec force plaisanteries. Ah, la voilà. Bon, petit bout de femme énergique, comme on le supposait, elle sourit suffisamment pour que notre ami organisateur se détende. Dans la voiture, elle commente sa rencontre de la veille, dans une librairie où la responsable du rayon littérature lui a avoué d'emblée qu'elle n'avait pas aimé son livre. L'auteure grince et vitupère. Je fais alors le portrait possible d'une libraire qui, bien qu'elle n'ait pas aimé, a compris l'intérêt d'un texte et décidé de le proposer à ses lecteurs, ce qui me semble noble et professionnel. La jeune auteure veut bien croire à cette hypothèse, et se tourne vers sa vitre pour ne pas m'imposer sa moue dubitative. Cent mètres plus loin, elle émet des nuances sur la façon dont elle est traitée, chez son éditeur, Gallimard. L'auteur excellent et modeste soupire que, souvent, on est mieux traité chez des éditeurs moindres. Elle réfute l'argument : attendez, dès son premier roman, publiée dans la collection Blanche (autrement dit : d'où tu me parles, toi ?), « c'est quand même le Graal des écrivains ». L'excellent auteur et moi ne pouvons échanger un regard (je suis à l'arrière, à côté de la jeune houellebecquienne, lui est devant, côté passager, tandis que notre organisateur, revenu à son stress, tremble au volant). Tiens, dis-je, c'est vrai, le côté Graal m'avait échappé. L'auteur excellent, et d'expérience, avec une vingtaine de romans derrière lui, échappe : On s'en fout un peu, non ? La jeune auteure géniale serre les lèvres. Son éditeur ne lui aura rien épargné. S'abaisser à fréquenter des écrivains qui se fichent du Graal, ben merde...

  • 3511

    Tarzan et Panoramix, élevant le regard sur la respiration muette des arbres, saisis du même sentiment ineffable. Et un peu surpris de se retrouver côte à côte, il faut l'avouer.

  • 3510

    J'avais relié dans une note précédente, un heureux événement futur avec la joie de voir une hirondelle revenue chez nous. Quelques jours plus tard, l'hirondelle solitaire a disparu et aucune autre ne l'a relayée. Cette fois, les nids partiellement désertés l'an dernier vont rester définitivement vides. Nous ne ressentirons plus ce bonheur d'attendre nos migratrices, de les accueillir, de suivre leurs manèges au dessus du toit, d'écouter les nichées affamées. C'est fini. Voilà, mon futur petit-fils, je ne pourrais pas te les montrer, je ne pourrais pas t'apprendre cette histoire de voyageuses infatigables. Ton monde n'est pas encore né que déjà il s'endeuille. Que te dire  ? Pour toi, nous allons nous efforcer de croire qu'il est encore possible de le sauver. Il le faut bien. Sinon, c'est la sinistre perspective décrite dans 'Mausolées', qui s'ouvre. Un temps où, les hirondelles ayant disparu, le son rendu par l'arc d'Ulysse devient incompréhensible et donc, où toute l'Odyssée à sa suite est menacée d'obsolescence. J'écrivais cela dans les années 95 en imaginant un tel futur dans un siècle. Et nous y sommes déjà. Merde  !

  • 3509

    Il était question de son copain qui s'était énervé brusquement, l'avait fait sortir de sa voiture sur une remarque anodine, avait stoppé le véhicule en plein milieu de la rue, comme ça, et lui avait dit de foutre le camp, qu'il ne voulait plus le voir. Il avait tenté de calmer son copain, mais rien à faire, l'autre avait décidé que c'était fini entre eux, à jamais. Il décrivait la scène à un copain, reconstituait les dialogues, situait les lieux, tout cela était très vivant. Et c'était un peu beaucoup pour moi, assis tout près de lui dans le train, qui tentais de me concentrer sur la lecture de René Fallet. Malgré mes tentatives pour lui demander de parler moins fort au téléphone, il continuait sur le même ton, au même niveau de puissance sonore, évitant de me regarder. Finalement, j'abandonnai ma lecture et me concentrai ostensiblement sur son récit, réagissant à ses précisions, m'intéressant aux rebondissements, approuvant ou méditant. C'est un bon truc, assez paradoxal, pour faire taire ou éloigner le malotru  : soudain pris à son propre jeu, son exhibition gratuite lui semble une grâce indigne d'être abandonnée aux autres. Il réalise alors que l'on pourrait connaître de lui des moments de sa vie qu'il ne veut pas partager. Il se lève et se dirige vers un endroit où, notez bien  : ce n'est pas qu'il n'embêtera plus les autres voyageurs, mais qu'il conservera un secret minimum sur son existence. Tout en gueulant dans son portable. Je ne sais pas si ça marche à tous les coups, mais je vous livre ma petite découverte d'hier.  

  • 3507

    Je rêve que je suis en train de mourir. Il me semble être allongé sur le sol, regard perdu sur la canopée d'une forêt tropicale. Les feuillages sont des taches dentues qui s'imbriquent et menacent d'envahir tout mon champ de vision, moment que je devine signe de la fin. Je m'accroche à l'idée que, tant que j'aurai assez de mots pour dire cette nature, je vivrai encore. Je récite comme un mantra : « colibri, hibiscus, liane, orchidée, robinier, fougère arborescente... » et l'angoisse monte, car je sens le vocabulaire s'épuiser et la mort tirer doucement son linceul sur moi. Je me réveille une seconde avant l'obscurité totale.

  • 3501

    Est-ce qu'un modéré peut se radicaliser ?

    (je veux dire, être d'une modération radicale)

  • 3499

    On s'effraie de la pertinence des algorithmes qui surveillent nos moindres choix sur internet et en déduisent nos psychologies avec une acuité vertigineuse et, conséquemment, influencent nos votes et trient les publicités qui s'affichent sur nos écrans. Un exemple récent me dit qu'il faut relativiser : une publicité ciblée, envoyée sur mon adresse mail, me vante l'incontournable match de je ne sais quelles équipes dans je ne sais quelle discipline. Après plus de vingt ans à traîner mes clics sur le net, une telle méconnaissance de mes intérêts par des ordinateurs extrêmement pointus, est plutôt rassurante. Ils sont nuls, qu'on se le dise.

  • 3495

    Avant-hier, comme nous nous promenions avec ma fille sur la voie spécialement dédiée aux marcheurs et cyclistes, tout près de chez nous, un trait fulgurant a traversé le ciel. La première hirondelle. Elle est allée se poser au faîte du toit, comme une note sur la portée de l’antenne. Ce qu’elle fait chaque fois, celle-là, et criaille en espérant les retardataires. Nous, nous avons le temps. Le printemps n’est pas si vaste, l’été pas si lointain. Que le temps s’attarde et traîne, c’est bien. L’impatience pourtant vient agacer les heures, parce que ma fille, pour la première fois, arrondit devant elle son ventre. Nous marchons côté à côte sur ce chemin. Au bout, méditent tous les printemps impensables encore.

  • 3493

    "D'abord, les librairies n'ont pas été mon lieu de naissance culturelle. La littérature est entrée dans mon monde — que l'imagination rendait hermétique — par les romans d'occasion chinés sur le marché. Vecteurs de récits et de microbes, les livres y étaient confinés dans des caisses comme des légumes, en beaucoup moins frais. La petite bibliothèque de mes parents puis la bibliothèque municipale, complétaient. Avec l'âge, les librairies devinrent un point de repère aussi essentiel que les cinémas et les cimetières où que j'aille, mais ma véritable histoire avec les librairies commence avec ma libraire préférée, qui a cessé aujourd'hui cette activité pour s'occuper exclusivement de moi (chance imméritée et démesurée)." ...

     

    La suite est à lire dans le numéro d'avril du magazine "PAGE (des librairies)", pages 95-96. J'y évoque ma relation aux librairies et notamment au Carnet à Spirales, la librairie de Charlieu que je fréquente, tandis que, de son côté, Jean-Baptiste Hamelin, qui a créé ce superbe espace, décrit son rapport au métier, et me portraiture. La rubrique double s'intitule : "La vie du libraire" / "L'avis de l'auteur".

  • 3487

    On peut être partisan de la sauvegarde des cultures populaires et être pris d'une furieuse envie de piquer tous les sabots d'un groupe folklorique auvergnat pour les remplacer par des charentaises.