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Nouvelles/textes courts - Page 16

  • 3459

    Comment aimer une ville, doit-on aimer une ville, qu'est-ce qui est aimable dans une ville ? Roannais, je franchis en voisin les quelque 80 kilomètres qui nous séparent et que les aménagements routiers successifs réduisent à moins d'une heure de trajet. La quasi indifférence des stéphanois pour ma ville, légitime en retour le peu d'influence que la préfecture de la Loire exerce sur la sous-préfecture où je suis né. Nous nous connaissons ; je doute que nous soyons jamais compagnons. Le môle lyonnais qui réoriente Saint-Etienne selon son ancienne nature, de l'ouest vers l'est, aimante les attentions, qu'on le veuille ou non, et distrait les regards que les sœurs ligériennes pourraient mutuellement se porter. Il y a des liens pourtant, beaucoup de Roannais viennent travailler ici, les administrations concentrées les obligent à s'y rendre parfois, la vie culturelle les attire souvent et les enthousiasmes footballistiques sont partagés. Pour ma part, je ne viens pas à Saint-Etienne comme un touriste dans une cité imaginée, j'entre en habitué dans ses rues où sont organisés des souvenirs en parcelles, les traces d'une part de ma vie sans nostalgie, bien que j'y aie vécu de grandes heures amoureuses, les premières véritables et totales, celles qui déterminent tant de traits de l'avenir. J'y ai chanté, oui, fort et comme un crétin, en pleine rue, j'y ai ri sans retenue, adoré sans décence, j'y ai pleuré, j'y ai désespéré comme il se doit pour tout jeune homme pétri de lectures romantiques (encore avais-je les cheveux trop policés pour représenter le type), jeune homme que je dois admettre avoir été, dont je considère les excès avec l'incrédulité d'un père. Je fus ce garçon artiste, glabre et plus que mince : maigre (je parle donc d'un temps très ancien) qui ne pouvait concevoir de tomber amoureux sans démonstration — j'en rougis — qui connut sa première fois dans une soupente que je jugerais sinistre aujourd'hui mais qui fut un nid éblouissant pour nos jeunes corps aux membres trop pâles. La minuscule fenêtre qui ne recevait qu'un quart d'heure de jour quotidien était affublée de barreaux à mi-hauteur pour interdire, je suppose, à un candidat obstiné au suicide, de s'extirper par reptations de l'unique pièce et de se précipiter déjà épuisé dans la rue Michel Servet, cinq étages plus bas. Ce court registre de lumière suffit en tout cas pour ensoleiller les souvenirs inaltérables de cette aube charnelle.

     

    (à propos de Saint-Etienne, écriture en cours)

  • 3458

    Religieux, il espérait avec cynisme les mauvaises nouvelles qui ajouteraient de l'eau à son moulin – à prières.
    Politicien, il espérait avec cynisme les mauvaises nouvelles qui ajouteraient de l'eau à son moulin – à paroles.

  • 3456

    Le coureur cycliste n'en peut plus. Il voudrait tellement laisser tomber. Mais il y a cette magnifique jeune fille dans la foule, qui l'encourage à chacun de ses passages...

  • 3455

    « Je suis hyperactive » dit-elle fièrement. Je me pris à comparer le produit de son hyperactivité avec celui de ma paresse, laquelle me parut soudain diablement efficace.

  • 3454

    Je ne suis pas dupe : je vois bien qu'il y a une conspiration de tous les paranoïaques, ligués pour me nuire !

  • 3453

    Entre eux, les rapports étaient glaciaux, mais ça chauffait souvent.

  • 3452

    Toutes les bonnes nouvelles ne se partagent pas sur le réseau. Mais, pardon, la joie que soulèvent certaines est telle, qu'il est difficile de les contenir. Voilà. Joie. Ou émotion. Ou les deux. Bonne soirée.

  • 3451

    Photographe plein de bonne volonté, il était misérable pourtant. Incapable de faire un portrait ressemblant.

  • 3449

    C'est l'hiver, et nous voici petits dieux créateurs de nuages.

  • 3448

    Le ménage à trois fonctionnait bien mais, Vicky, incessamment sollicitée par ses amants, fatiguait. Elle demanda un temps d'abstinence. Choisit mal son heure pour déclarer la trêve car les garçons étaient prêts tous les deux à l'honorer une fois encore et espéraient la convaincre. Spectacle fascinant : deux gaules s'opposaient au régime de Vicky.

  • 3447

    Il aurait aimé être un séducteur, aller de femme en femme, sans remords, multiplier les conquêtes. Malheureusement, son épouse était magnifique, tendre, attachante, brillante, et il en était éperdument amoureux.

  • 3446

    "Des rencontres sans lendemain" promet l'annonce. Mais alors... Faut se barrer à minuit ?

  • 3445

    Le sage Hong Li vit partir ses nombreux disciples quand il commença, après des années de transmission gracieuse de son savoir, à parler d'une petite rémunération.

  • 3444

    Quand il a parlé de confiance, d'écoute et de respect, les muscles de la confiance, de l'écoute et du respect se sont resserrés autour de mon anus.

  • 3443

    La vraie frustration du cul-de-jatte n'est pas là où l'on croit. Elle n'est pas dans une jalousie supposée envers ceux qui peuvent marcher sur leurs jambes ; mais davantage dans l'impossibilité de gueuler parfois, devant une imbécillité de plus : « Y'a des coups de pieds au cul qui se perdent ! »

  • 3442

    Vous passerez chez le coiffeur, n'est-ce pas ? Vous vous habillerez correctement. Il vaudrait mieux mettre une cravate. Et être bien rasé, aussi, ça compte. Voilà. Vous vous assiérez bien droit. Regardez bien votre interlocuteur dans les yeux. C'est votre futur employeur, il faut que vous lui inspiriez confiance. Un contact franc, direct. Poli, attention. Et puis parlez doucement. Pas trop. Pas trop et pas trop doucement. Juste assez vite. Des mots choisis. Soyez calme, c'est rassurant, quelqu'un de calme. Enfin, surtout, surtout : soyez vous-même.

  • 3441

    La valise a pris en main le voyageur. Elle le conduit, vaguement hébété, dans les couloirs de l'aéroport. Un peu inquiète, elle devra le laisser tout seul sur un fauteuil tandis qu'elle rejoindra ses amis pour faire le trajet dans la soute. Elle songera au débarquement, ennuyée d'avance de tourner en rond longtemps avant de remettre la main sur son porteur, qu'elle s'abstiendra de morigéner pour sa lenteur. Car elle sait combien l'avion le stresse.

  • 3440

    Et voilà, je me suis encore "accroché" avec un membre de la rédaction du Pays Roannais (l'hebdomadaire local). Cette fois, avec le rédacteur en chef (je monte en grade). Je suis encore bon pour des années de disparition dans ce journal, moi. C'est ennuyeux, ils étaient les rares, dans leurs pages, à se faire l'écho de l'actualité littéraire, grâce au concours d'un libraire et ami. Si l'on ajoute que le bulletin municipal de ma ville natale considère qu'avec "le nouveau format du magazine nous réalisons moins d'articles sur des livres" (en fait, plus du tout), la disparition du magazine "La muse" qui relayait autant que possible l'info culturelle, la part donnée de façon générale à la culture devient famélique, et, pour moi, quasiment réduite à néant.

    Pour Pierre-Olivier Vérot, avec qui je viens d'échanger des considérations réciproques sur la notion de mépris, je fais partie de ces maudits intellos que les journaux "du peuple" dégoûteraient. Cette antienne un peu rance, resservie à l'envi par Zemmour et consorts, a donc ses affidés près de chez moi. Comme disait (de mémoire) un auteur qui, par ses prises de position, devraient plaire à ce rédacteur en chef : Renaud Camus, la littérature est un lieu de tranquillité, puisqu'il bénéficie du mépris général. Je savoure assez moyennement cette tranquillité, au niveau local (côté national, pas à me plaindre). Me voici donc relégué parmi les intellectuels ennemis du peuple, dont le rédacteur en chef serait, je suppose, un représentant. Si je ne suis pas "du peuple", que suis-je ? Il doit m'imaginer installé dans ma tour d'ivoire, détaché des réalités, condescendant parfois à me préoccuper d'affaires humaines qui sentent trop la sueur à mon goût. C'est amusant. J'aimerais assez qu'on compare nos revenus, pour voir qui est le plus "peuple" des deux... Si c'est un critère, bien entendu, et j'admets qu'il n'est pas suffisant. C'est, au fond, la même discussion qui m'avait valu une première période de boycott dans ces colonnes : j'avais été révulsé par l'idée, défendue par un journaliste du même journal, que la presse "doit donner à son public ce qu'il veut". Voilà ce que je considère, moi, comme du mépris.

    Et dire que j'ai le pus grand respect pour les journalistes qui y travaillent. Mais je suppose que ça les dépasse, ce genre de nuances.

  • 3439

    Mis au défi de mettre au point une utopie qui fonctionne, les élèves de l'atelier que je suis venu « animer » (l'atelier) trouve de suite la solution : prendre tout l'argent disponible et le redistribuer de façon égale à tout le monde. Je rappelle ma demande : une utopie « qui fonctionne », et on n'a qu'une heure devant nous, pas le temps de rigoler, soyons sérieux. Non mais !

  • 3438

    Je lui adresse une nouvelle récemment publiée et qu'elle a inspirée. Elle m'écrit : « Je ne savais pas que tu avais remarqué tout ce qu'il s'était passé, que tu avais pu ressentir de façon aussi juste ma douleur, ma rage, ma colère contre ma sœur, contre mes parents, contre moi-même, contre ma vie. Si seulement j'avais su cela à ce moment ! J'ai perdu tant d'années à espérer être aimée... Même si cela a ravivé une vieille blessure, ton texte m'a fait du bien. » Nos vieilles batailles, les cicatrices de ces drames moindres et pourtant essentiels... Ma petite maîtrise des mots enfin capable de les soigner. Souviens-toi, je travaillais, ensommeillé, dès l'aube, sur un oreiller de pages, et tu n'y prenais pas garde, tu te moquais, tu négligeais... Tu aurais dû prêter un peu d'attention à l'œuvre au blanc sur quoi j'étais penché, tu aurais dû surveiller les arcanes de mes alchimies. Car le philtre qui vient d'apaiser ton mal, c'est là que je le préparais.