kronix - Page 137
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fast and not furious
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ça va me revenir
J'ai croisé, vous savez, ah zut, voyons, ce garçon tellement doué, peintre excellent, un ami de, comment déjà ? ce grand échalas un peu froid ? Enfin, ce n'est pas grave, je croise donc ce charmant jeune homme l'autre jour, ce devait être mardi, ou peut-être mercredi qu'importe. Et comme nous regardions la perspective de la rue du, du, allons, un maréchal, un général enfin un militaire vainqueur de la bataille, d'une bataille en Afrique, ou en Asie enfin loin de chez nous, vous voyez de qui je veux parler, bref ce n'est pas la question. Comme nous regardions cette rue, nous vîmes approcher un couple assez étrange. J'ai cru d'abord qu'il s'agissait de ces personnes si bien mises, les, les. Vous voyez ? ce couple de vieille noblesse germanique ou Finlandaise ou norvégienne, que nous avions connu à l'anniversaire de votre amie, cette chère madame truc ou machin et bien voilà que j'ai perdu son nom, mais vous l'aurez reconnue, n'est-ce pas ? Alors que pas du tout, nous avions devant nous, arrivant tout souriant ce bon De, Du quelque chose, j'ai oublié, avec sa femme -ou sa compagne je ne sais plus s'ils sont mariés- nous les saluons bien agréablement et je vois ce monsieur pâlir au moment de me présenter à sa dame : figurez-vous qu'il ne me remettait pas !
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Forfanterie chez l'objet
La désillusion guette l'aquariophile : le modèle Dubaï 90 est un bête parallélépipède de verre, sans rapport avec la démesure architecturale du riche émirat. De même, la maison Khéops est un modeste pavillon de banlieue, plutôt même plus modeste que les modestes villas qui attristent les bordures de rocades. Et ne parlons pas du stylo Napoléon et de la ventouse Polyphème, du raccord de tuyau Alexandre, du téléphérique Appolo et de la poêle à frire Brillat-Savarin. Tous objets déprimants, par l'effet-retour de l'émerveillement annoncé en regard de la simple matérialité du machin, aussi terne que ses pairs.
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Tectonique (ta mère)
Et le tout jeune disciple du géographe, soudain, remarque que les côtes d'Afrique et d'Amérique s'emboîtent impeccablement. Et si ces terres avaient été dans le passé, confondues en une? Et si quelque force mystérieuse les avaient, d'un seul coup ou sur des périodes impensabes, séparées et éloignées ensuite comme des papiers déchirés et désolidarisés ?
Mais non, c'est idiot se dit-il, et ainsi l'élève ne va même pas s'en ouvrir à son maître. Son maître qui l'a déjà traité d'imbécile quand il lui a confié cette idée amusante que, si la nuit est noire, c'est peut-être que les lumières de certaines étoiles ne nous sont pas encore parvenues, sans quoi la voûte céleste ne serait qu'un immense miroitement argenté. Heureusement que son vénéré maître était là pour lui rappeler que la science n'est pas faite pour les rêveurs. -
Contre-poison
Tout ce café avalé au lever, ces trois bols d'un demi-litre, sans compter les petits noirs pris dans la journée, au bureau ou après le repas. Ce poison dans mes veines, mon estomac, et l'excitation malsaine qu'il provoque. Il faut compenser. Vite, un whisky.
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Camouflet
Le documentaire animalier nous vante la sophistication des rayures du zèbre qui imitent les alternances d'ombre et de soleil de son habitat, mimétisme censé le sauver. Or, ne voyons-nous pas ces pauvres bêtes, promenant leurs robes incongrues sur l'écran d'une savane jaune et rase, à la grande satisfaction de leurs prédateurs ?
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Résister aux addictions
Pour enfin me contraindre à travailler, à travailler efficacement, il m'a fallu agir contre moi-même. Me discipliner. J'ai donc résolu la coupure d'internet et la suppression des logiciels de jeux sur ma bécane. (principales sources de dispersion pendant le temps de l'écriture. Une véritable addiction, très dommageable). La moindre pause dans l'inspiration et hop, j'ouvrais presque inconsciemment un « spider » ou une partie de mah-jong (complot des Chinois), j'allais sur mes mails ou pire : me retrouvais sur Facebook. C'est terminé. Concentration. Ma seule évasion à présent est l'ouverture du fichier « Kronix » où j'ajoute un petit billet comme celui-là à la suite des autres. Il faut savoir ce qu'on veut à la fin. Premier résultat : dimanche matin, la première scène de Pasiphaé est bouclée. Non, mais.
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Hommage à Jean-Pierre Huguet
La prochaine rencontre Lettres-frontière se déroulera à Annemasse le samedi 5 novembre. Je n'y serai pas -je n'y serais pas allé même si je ne m'étais pas engagé à soutenir Laurent Cachard qui dédicace à Tarare ce jour-là- mais je voulais saluer l'hommage rendu dans cette manifestation à l'éditeur Jean-Pierre Huguet, qui se trouve être mon éditeur. Cette mise à l'honneur intègrera aussi celle de Jean-Patrick Péju qui, grâce à sa collection « Les Soeurs océanes » a permis à JP Huguet d'être présent deux fois dans la sélection (avec « Cyclope » de Catherine Dessales et avec mon « Baiser de la Nourrice »). Son autre collection « Noirceurs océanes » n'aura probablement pas cette chance, compte tenu du mépris dans lequel on tient habituellement le genre policier. Même si, je le clame, « Le Psychopompe » n'est pas un polar, mais un livre sur la puissance rédemptrice de la fiction. Mais ça...
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La Seine était rouge
Il semble que le temps est venu pour les hommes de bonne volonté d'évoquer ce sinistre anniversaire. La France qui s'autoflagelle, vomie par notre futur ex-Kayser, est juste celle qui l'aime dans sa droiture et sa générosité, mais la déteste quand elle tue et et se couvre de honte.
Le site Mediapart rappelle qu'au lendemain de la tragédie du 17 octobre 1961, Kateb Yacine (1929-1989), immense poète algérien, s'adressait à nous tous, le peuple français :
Peuple français, tu as tout vu
Oui, tout vu de tes propres yeux.
Tu as vu notre sang couler
Tu as vu la police
Assommer les manifestants
Et les jeter dans la Seine.
La Seine rougissante
N'a pas cessé les jours suivants
De vomir à la face
Du peuple de la Commune
Ces corps martyrisés
Qui rappelaient aux Parisiens
Leurs propres révolutions
Leur propre résistance.
Peuple français, tu as tout vu,
Oui, tout vu de tes propres yeux,
Et maintenant vas-tu parler ?
Et maintenant vas-tu te taire ?A lire aussi, le livre de Leïla Sebbar : La Seine était rouge, Paris Octobre 1961 (Thierry Magnier, 1999 ; Babel, Actes Sud, 2009),
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Ils tournèrent leur carabine
Je voulais te dire enfin, toi que j'ai chahuté, que je n'avais pas compris ton courage. Ton projet. Nous étions des gamins ineptes, obtus, aveugles, nous étions abrutis par un ordre poussiéreux qui confinait l'étincelle jaillie sous notre enfance. Et toi, prof de musique, intrus dans cette institution religieuse, tandis que le cours de catéchisme tout près résonnait d'alléluias, tu nous apprenais Jean Ferrat. Et on beuglait « Potemkiiineuu » de l'autre côté de la cloison. Je voulais te dire qu'il a fallu du temps, que le polisson, le cancre, le revêche, était devenu autre et qu'enfin, enfin, il avait compris. Je voulais te dire que tu nous fus utile.
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Les fous du volant
Sur l'autoroute, nous avons échappé mille fois à la mort, les automobilistes se sont concertés dans le projet de nous nuire et ont convergé vers nous, depuis la France entière sans doute. Et que dire du complot des routiers ? ces fous violents dans leurs drôles de machines, manoeuvrant de toutes les manières pour causer notre fin, que dire de l'incurie des pouvoirs publics qui laissent en vie des furieux capables de doubler ! Au moins, qu'on leur coupe les mains, qu'on leur crève les pneus, enfin quelque chose !
Je vous déconseille d'avoir ma douce comme passagère pendant 8 heures de trajet.
Moi, j'essayais d'écouter une conférence de Comte-Sponville sur le bonheur. Entre deux invectives de ma douce lancées aux bolides homicides qui nous cernaient, je captais une référence à Spinoza, une allusion à Sénèque. C'était bien, mais clignotant. -
Chinois
Tiens, je vais manger chinois aujourd'hui (et soudain, je réalise que j'appartiens à une génération qui peut se lancer cette injonction, in petto, sans avoir à mobiliser des armées, des navires, les moyens extravagants d'une expédition, soudoyer des mandarins, enchaîner un cuisinier innocent et le faire revenir, après moult dangers et péripéties, pour me donner satisfaction ; mais simplement traverser la rue. Et puis m'apparais, à la suite de cette première révélation, que tout cela a été fait par des chefs d'entreprise sans que j'en sois alerté, mais bel et bien fait, et j'en éprouve d'inquiétants remords.)
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Comme en flânant
Revenir sous cet arbre, dans cet été où tu me souriais, ou bien, sans plus de nostalgie, attendre le suivant.
Ma vie présente est une patience entre deux périodes heureuses. Et dans ce laps de temps, dans ce creux, je réfléchis à ce que je vais écrire. On annonce de sombres perspectives, notamment économiques (censées conditionner l'essence de nos vies), et finalement, si je suis inquiet pour mes enfants, je dois dire qu'en ce qui me concerne -puisque la vie m'est bonne entre la tendresse de ma douce et un peu de papier, un stylo, les milliers de bouquins qui nous entourent et qui n'intéressent personne- et bien on ne pourra pas me prendre grand chose. Alors...
A la maison, les plus intolérants, les plus égoïstes et malpolis sont les oiseaux, le poney, les chats et la chienne. Au milieu de cette famille à poils et à plumes, les humains font ce qu'ils peuvent pour satisfaire les uns et les autres. Ma douce notamment, qui court, achète, nourrit, s'empresse, panse et abreuve, n'omet pas de caresser et de flatter, de discuter un peu même. Quand je vois l'air blasé de nos chats, repus sur la banquette que nous désirions mais qu'ils ont investie, quand j'écoute dehors le hennissement du poney et son sabot qui frappe le sol dans l'impatience d'être servi et que je tente de manipuler la énième télécommande que la chienne a mordue, je me demande tout de même si nous méritons une telle expiation divine, ainsi donnée par l'entremise familière des bêtes qui voient les humains s'activer pour leur complaire. C'est en cela qu'on peut croire en un pacte secret conclu depuis les temps immémoriaux entre les animaux pour venger l'un des leurs : le serpent. -
A titre de comparaison
Une bonne initiative du site "LeMonde.fr", pour se donner une idée de la dette grecque, comparer sa masse avec d'autres vastes enjeux financiers : guerre en Irak, revenus pétroliers de l'OPEP, etc.
Juste nous permettre de jauger (cliquer ICI), c'est pédagogique, quoi. j'aime assez.
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Sus aux oisifs
Les autorités commencèrent à trouver très exagéré que les hommes puissent se permettre de ne rien faire pendant tout l'hiver. On mit sur pied une religion qui exigeait qu'on dressât des menhirs. Des gros menhirs, de quoi occuper toutes les périodes d'oisiveté.
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Les autorités commencèrent à trouver très exagéré que les hommes puissent se permettre de ne rien faire pendant que le Nil inondait les champs. On mit sur pied une religion qui exigeait qu'on élevât des pyramides. Des grosses pyramides, de quoi occuper toutes les périodes d'oisiveté.***
Les autorités commencèrent à trouver très exagéré que les hommes puissent se permettre de ne rien faire pendant leur chômage. On mit sur pied une politique qui exigeait qu'on subisse des emmerdements. Des gros emmerdements, de quoi pourrir toutes les périodes d'oisiveté. -
Dans la nuit
Dans la nuit, une pensée s'est évanouie. Une vie.
C'était quelqu'un de bien.
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Entretien avec Laurent Cachard
Plutôt que de faire une critique littéraire de plus (et de peu de valeur, car j'ai peu de compétences dans le domaine), Kronix a proposé à Laurent Cachard de répondre à quelques questions à propos de son dernier ouvrage : « Le Poignet d'Alain Larrouquis ».
C'est le troisième roman de cet auteur révélé par la sélection Lettres-frontière en 2009, après « Tébessa, 1956 » et « La partie de cache-cache » et selon moi, le plus ambitieux, le plus riche. J'ai voulu le faire parler ici de choses qui hantent son travail depuis le début : Paul Nizan, les étranges relations des hommes et des femmes, la grande Histoire au-dessus des histoires de l'intime et bien sûr, l'écriture.
Un bref rappel : « le Poignet d'Alain Larrouquis » raconte le cheminement d'un journaliste, Paul Herfray, qui « jouait pas mal au basket » dans sa jeunesse, et qui prend pour lui le tir raté du basketteur professionnel Alain Larrouquis. L'image du duel qui a initié ce désastre existentiel, figée encadrée dans sa chambre, revient dans ses souvenirs avec autorité pour lui rappeler que femmes, amitié ou métier, tous les choix de la vie sont suspendus, tout le temps. La vie n'est qu'une incessante suite d'hésitations. Les décisions en sont-elles vraiment ? Il n'y a bien que la grâce, dans l'amour, l'écriture ou le geste du sportif, qui fasse le tri. Pour le reste, croire qu'on a le contrôle est un leurre. On ne choisit pas le ballon qu'on vous passe, on détermine à peine ce qu'on doit en faire ; il n'y a que le ballon arrivé dans le panier qui confirme que vous avez fait le bon choix. A condition de ne pas tirer contre son propre camp.Interview, donc :
Kronix : Dans tous tes romans (l'exception de « la partie de cache-cache » est un leurre, puisqu'initialement l'histoire du pays y était développée je crois, avant que tu fasses le choix de resserrer l'intrigue sur les enfants), il y a un rapport à l'Histoire (et à l'effort documentaire qui en est le corolaire) et je sais que tes projets vont amplifier ce phénomène. Après tout, Paul Herfray aurait pu se contenter, au col de Somosierra, de « déterrer » à sa manière le manuscrit de Paul Nizan, mais il se confronte d'abord à l'histoire des nations. J'y vois une manière de ne pas laisser tes personnages dans un présent où manquent les repères, de les arrimer à une genèse. Sans l'Histoire, ils seraient plus perdus qu'ils ne le sont.
Laurent Cachard : C’est vrai. Peut-être parce que la question de la pertinence d’un livre s’est très vite posée à moi, même si je dois concéder quelques manuscrits inutiles qui m’ont pourtant aidé à savoir ce qu’il ne fallait surtout pas faire. Quand je m’attaque (le mot est juste, quand il s’agit d’un pan de l’Histoire) à ce qui deviendra « Tébessa, 1956 », je sais que je dois faire preuve d’une rigueur morale et documentaire que je ne m’étais encore jamais fixée. C’est une façon, aussi, de libérer le lecteur du simple intérêt (ou pas) de la petite histoire puisqu’il peut l’inscrire dans la Grande. J’imagine que ça détermine les personnages… Quant à Paul Herfray, il n’aurait pas pu déterrer, même métaphoriquement, « la soirée de Somosierra », justement à cause du postulat éthique : puisqu’il n’a jamais été retrouvé, il ne doit pas l’être. C’est un impératif catégorique. Ce qui ne m’a pas empêché d’en écrire une, de « soirée à Somosierra ». Mais elle fait partie de ces manuscrits inutiles dont je parlais. Auxquels on s’attache mais qu’on ne livre pas à la lecture.
Kronix : Sur les conseils de Margot, Paul écrit un livre. Elle sait peut-être une chose : les écrivains ont ce pouvoir -et peut-être est-ce là leur seule force ou leur unique fonction- celle de faire du deuil (des êtres et des illusions) de la littérature. Est-ce que la vie n'est utile, pour un écrivain, que pour servir à produire de la littérature ?
Laurent Cachard : C’est une vraie question problématique : elle appelle davantage de questionnement qu’elle apportera de réponses… Je dirais comme ça que je ne sais pas plus ce que c’est qu’un écrivain que ce que c’est que la vie : ce sont deux trucs qui me sont un peu tombés dessus, à vrai dire. Paul écrit un livre par accident, au sens phénoménologique : il ne l’aurait pas fait s’il ne s’était pas passé cet enchaînement de circonstances. Il n’éprouve pas la nécessité que j’éprouve moi de le faire. Quant aux deuils auxquels la vie nous confronte, aux renoncements, je dois prendre ma revanche sur eux en suspendant le temps, en conscience, le temps d’un livre. Je sais qu’il va gagner, au final, mais c’est ma revanche, oui. Une vanité parmi d’autres, mais qui ne manque pas de panache.
Kronix : Je note le surgissement de l'érotisme dans "le Poignet...". D'ailleurs, je trouve ton héros, Paul, singulièrement vivant quand il raconte la chair. Le reste de sa vie, les échecs (qui ne sont pas si patents à mon sens) ou les réussites me le font paraître autrement dans une sorte d'engourdissement, de cocon.
Laurent Cachard : Ça a été un vrai point d’achoppement avec mon éditeur. Dans sa première version manuscrite, écrite – il faut le savoir – alors que j’avais arrêté, irrévocablement, l’écriture de « la partie de cache-cache », les scènes érotiques avaient marqué les premiers lecteurs, dont un m’avait dit, à l’époque, qu’elles étaient encore trop cérébrales. Je les ai donc densifiées : après tout, je lis des scènes de ce genre un peu partout, et le PAL était prévu, initialement, pour que j’écrive autrement que comme j’avais déjà écrit. A la relecture de travail, l’éditeur m’a demandé de les « euphémiser » - c’était son mot. Mais il fallait bien que le lecteur sache quelle bête de sexe était Solène, et quelle amoureuse était Margot, qu’il les distingue. On a retravaillé, jusqu’à l’équilibre. Pour ce qui est de Paul, cet engourdissement, le mot est juste, cette espèce d’abandon de soi, de nausée, vient de ce qu’il pense être une damnation. Le fil rouge de mes romans. Est-il un raté ? Pas tant que ça, effectivement. Il est comme Larrouquis, en fait, puisque c’est l’idée : un perdant magnifique qu’on destine à l’oubli.
Kronix : Que penses-tu de Paul, en tant qu'homme ? Moi, je le vois se complaire dans un échec tout relatif, chercher des réponses auprès d'un psy fuyant, se laisser aller au désir d'une Solène et laisser à une autre, Margot, la démarche de l'édition et même la décision d'écrire. Est-ce que tu me comprends si je te dis qu'il m'agace ?
Laurent cachard : La complaisance est un mot fort, auquel j’ai été confronté dans ma vie d’homme et que j’ai souvent récusé. Comme je suis pugnace, j’ai montré que l’état que je voulais restituer est un état au-delà de la complaisance, là où on n’aurait pas idée d’aller reprocher à Baudelaire d’avoir écrit « le Voyage ». C’est immodeste mais c’est l’idée. Même récemment, quelqu’un m’a écrit que les écrits sur mon blog la troublaient jusqu’à ce qu’elle en saisisse la clé, enfin une des clés. Que Paul t’agace, oui, je le comprends : de bonnes âmes diront qu’il tergiverse et qu’il s’écoute parler. Mais ces bonnes âmes ne sont pas toujours, et même rarement, à la hauteur des engagements qu’elles prennent. Comme le psy, à qui j’ai donné le nom du cinéaste qui a le mieux, pour moi, restitué l’univers de la bourgeoisie, Michel Deville. Dans les adaptations des romans de Belletto, notamment. Pour moi, Paul est au-delà, encore une fois. Sauf que c’est Margot qui lui permet de se sortir de sa condition. Il lui fallait un tuteur pour la vraie vie, après avoir soumis la sienne, très jeune, au tir et à l’image de Larrouquis. Et pour arriver jusqu’à Margot, il lui fallait passer par Solène, au risque de perdre Margot : de l’initiation simple. Bon, pour continuer dans le ciné, Melvil Poupaud qui joue au volley-ball en se tenant le menton dans « Conte d’été », ça doit t’agacer aussi. Autant que Jean-Pierre Léaud*** ?
Kronix : C'est l'indécision (au basket ou dans les choix intimes) qui prépare les défaites ?
Laurent Cachard : Je suis à la fois l’acteur de ma vie et son spectateur, parfois effaré. Les défaites, j’en ai connu, j’en vois d’autres arriver : dans l’édition, la reconnaissance de mon travail. Pourtant, je ne pense pas être indécis, en tout cas, je le suis beaucoup moins qu’avant. Mais j’ai le travers des vrais sceptiques : toute direction pour moi se prend dans la conscience de son contraire, c’est pour ça que j’avance lentement. Au basket-ball, les grands joueurs ne doutent jamais, c’est un cliché qu’on entend tout le temps. Le sport collectif est un bon miroir de la place qu’on aura dans une société, « le fils du père » dans le roman en est un meilleur exemple encore que Paul. Je sais juste qu’au basket comme dans ma vie, si j’ai réussi quelque chose, c’est sur un plan esthétique, encore une fois. Et à mon âge, on commence à se dire que c’est déjà pas mal.
Kronix : Est-ce que tu as renoncé, un jour, à écrire « Les Amours de septembre » ? Et cette frustration n'est-elle pas la source de tes récits (mon côté romantique) ?
Laurent Cachard : J’adore ouvrir ce roman et voir que j’y ai accolé pour ma propre éternité le nom de Paul Nizan et de cette partie disparue de son œuvre. Je suis un post-romantique dépité, selon mon éditeur, qui a pourtant édité « Ouessant », mon poème en huit tableaux. Septembre est un bon mois pour les amours d’auteur, par ailleurs, nous à qui la plage convient peu, il faut le dire. J’ai bien peur que la vie me réserve bien plus de frustrations à l’avenir que je n’en ai connu jusque là. J’ai vécu, j’ai aimé, en être si imparfait et si affreux. J’ai des facilités dans certains domaines qui m’ont fait briller un peu, jusqu’à ce que je me rende compte, heureusement, qu’il fallait que je les fuisse. Alors oui, dans le PAL, (abréviatioj pratique de "Le Poignet d'Alain Larrouquis" -note de Kronix) il y a des histoires que j’aurais voulu vivre dans la vraie vie, mais j’ai appris, par terreur autofictionnelle, à distinguer les deux, ou à en jouer sur le mode de la fausse piste. Je n’écrirai jamais les amours de septembre nizaniennes, j’ai déjà dit que je ne m’en sentais pas le droit. Mais je ne renonce pas à vivre les miennes : après tout, septembre, c’est le début de l’automne, c’est à peu près là où j’en suis dans ma vie. Quand j’aurai fini « Aurélia* » et que ma « Camille** » sera éditée, je pourrai affronter mon hiver. Un peu moins frustré, alors ?
* « Aurelia Kreit », histoire de l’exil d’une famille ukrainienne en 1905, sa traversée de l’Europe en ébullition.
** « Valse-Claudel », une nouvelle doublée d’un morceau éléctro-poétique.*** Laurent fait ici référence à mon agacement viscéral pour Jean-Pierre Léaud, qui a inspiré ce billet, ainsi que son commentaire, à lire.
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N'habite plus à l'adresse indiquée
Le facteur de Tchernobyl met au feu, la mort dans l'âme, toutes ces lettres angoissées qui n'ont plus de destinataires.
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Les bienfaits du cartilage de requin*
Dans la revue de "la boutique du bien-vivre", Marcel Amont témoigne : « Tous les jours, je ressens des améliorations depuis que je prends votre cartilage de requin... » et Jean-Paul Rouland renchérit : « Quand j'ai reçu le Biopiezo, je souffrais, après quelques applications, mes douleurs ont commencé à s'atténuer, jusqu'à disparaître complètement ! », affirmations assorties de leurs trombines et des photos des machins, bien sûr. Je veux vivre encore assez pour connaître les produits que nous conseilleront Claire Chazal ou Benjamin Biolay.
* ce titre putassier n'a pour seule ambition que de faire grimper le nombre de pages lues de ce blog.
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J'y lis
C'est à Gilly, Gilly sur Isère, qu'une équipe formidable, menée avec bonne humeur par Marielle Gillard, s'efforce de démontrer que la lecture est non seulement un bienfait (comme la thérapie de groupe, l'acupuncture ou la pilule du lendemain), mais un plaisir.
Saluons la naissance de leur blog, et puis, à l'occasion, allons les voir.
Vous pouvez y aller de ma part.