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  • Emotainement

    Je ne peux pas vous donner la source : l'article de presse m'a été transmis, découpé, par un ami. Il s'agit d'une interview de Laurent Fontaine, complice du nommé Bataille dans l'émission de TF1 "Y'a que la vérité qui compte". Laurent Fontaine s'est vu récemment confier la production de l'émission "L'île de la tentation". Jusque là... Vous me direz qu'on s'en fout et vous aurez bien raison. Au passage, j'apprends le mot "Emotainement", mot-valise qui désigne ce spectacle de l'émotion, typique de la télé Trash. Pour le reste, la fin est vertigineuse. L'interview se conclut par les propos de Fontaine recueillis ainsi : "Tu réfléchis beaucoup plus chez toi devant le poste avec ce type d'émissions qu'en lisant un bouquin pendant deux heures."

    Vertigineux.

  • On a tous en nous...

    La découverte de l'institut Max-Planck de Leipsiz vient bouleverser le credo d'une espèce ancienne (les néandertal), disparue à la suite de sa confrontation (pacifique ou pas, la question était ouverte) avec l'homme moderne, c'est-à-dire nous. Le séquençage du génome néandertalien mené par les chercheurs a permis de démontrer, après d'énormes difficultés et des années de travail, que nous sommes en partie issus des croisements de Crô-Magnon avec Néandertal. Il y a du néandertalien en nous. Pour des raisons que je suis incapable d'expliquer clairement, une émotion intransmissible m'étreint. Et il se trouve que je suis heureux de cette nouvelle.

  • Et la dette privée, alors?

    Juste pour info. A lire, vraiment, très instructif, cet article de Rue 89.

     

     

  • Zombies land

    Le jour était encore haut. Rien ne menaçait cet agréable bout de France, entre bois et champs de blé vert. Le premier sujet d'étonnement fut cette voiture dans le fossé, entourée de gendarmes et de passants. Banal accident, rien de particulier sinon l'agitation toujours un peu stressante qu'un accident frais génère. Nous passons. Plus loin, après que le route en lacets se fut aventurée entre des haies de mélèzes noirs, nouvelle surprise : un tracteur croise notre route, chargée d'hommes et de femmes maquillés. Une fête sans doute. Nous abordons un village. Aucune voiture, nous sommes seuls. La rue centrale est jonchée de détritus et de papiers, dans une telle épaisseur que je sens les roues patiner par places. Encore quelques mètres et soudain, le passage est encombré de silhouettes qui surgissent des maisons et des rares magasins. Des hommes et des femmes se précipitent sur notre voiture en hurlant. Je ne peux pas foncer de peur de blesser quelqu'un. Ils sont plus nombreux à chaque minute, s'accrochent maladroitement à nos portières, tentent de nous barrer le passage, il y en a partout, devant derrière sur les côtés, ils surgissent en marchant raides et cassés, le pas lourd, bras tendus, vociférant des malédictions incompréhensibles. Loin devant, la sortie du village me paraît inaccessible. Enfin, l'étreinte des créatures se relâche. Les silhouettes se détournent vers une proie sans doute plus facile. Je ne demande pas mon reste, je fonce, la sortie du village enfin, je sors, la campagne recouvre son calme. Décidément, je déteste les kermesses et les fêtes aux conscrits !

     

  • Des oiseaux / 3

    Le martinet

    Au sortir du travail, on les discernait dans leur course folle, rayant le ciel loin au dessus de nos têtes. Un soir, un de leurs petits était tombé, minuscule et laid, sorte d'araignée couverte de duvet, ouverte sur un énorme bec. Enfin pas encore. Lors de sa découverte, à mes pieds, il était assommé, quasi mort. Le saisissant, je me suis aperçu qu'il vivait, ses moignons d'aile remuaient. « Un petit coup de déprime, ça va aller mon gars. Tiens bon jusqu'à la maison. » Une vingtaine de minutes à pied, le martinet ramassé dans ma main fermée à demi. Pendant le trajet, celui que je décide immédiatement de nommer Gibus (cette habitude humaine de nommer les êtres et les choses, depuis la Genèse, notre indestructible propension à s'approprier par le verbe...) et de croire masculin, va savoir pourquoi, commence à recouvrer son énergie et à s'agiter au risque qu'il échappe à la cage improvisée de mes doigts.

    A la maison, Gibus découvre l'attitude qu'il aura pendant tout son séjour : s'agripper à mes vêtements, sur la poitrine, grimper grimper et se coller dans le refuge de mon cou. Je lui prépare du jaune d'œuf, pris au bout d'une allumette, qu'il avale goulûment (maintenant oui, il n'est plus qu'un grand bec entouré de duvet). En quelques jours, nous voyons les plumes apparaître et notre bébé se métamorphoser en oiseau digne de ce nom, et de voler bientôt. Plusieurs essais dans la maison, sous le regard ébloui des enfants, précipitent Gibus au sol malgré l'élan que nos lui donnons. Pourtant, il devient vigoureux, il donne de la voix, grimpe plus vite jusqu'à mon cou.

    Un soir, je décide de reproduire l'essai. Nous sortons dans le jardin, nous plaçons face à face à quelques mètres de distance. J'envoie le martinet, il bat des ailes, tête enfoncée dans les épaules à la manière d'un sprinter, il frôle ma femme, et disparaît. Nous restons stupides plusieurs secondes à contempler le ciel où Gibus s'est évanoui. On se dit que, l'instinct aidant, l'an prochain il reviendra saluer ses parents adoptifs. On n'y croit pas mais on se le dit. Il ne reviendra pas.

  • Des oiseaux /2

    Le gypaète

    Immense un instant. Je l'ai vu comme ça : immense, tant ses ailes encombraient l'espace. Notre petit salon s'était animé d'un coup sous l'effet de son affolement. Ma femme l'avait récupéré dans le jardin. Elle avait vu le rapace -car c'était un rapace, tout l'indiquait : ses fortes serres dont nous nous gardions, son bec crochu menaçant, ses magnifiques yeux jaunes- se briser contre un câble et tomber en désordre dans notre terrain. Elle avait surmonté sa peur, s'était équipée de gants de jardin et d'une couverture, avait ainsi maîtrisé ses soubresauts de bête prise au piège. Elle l'avait capturé. L'oiseau était là, effrayé, menaçant, bec grand ouvert, yeux écarquillés par la certitude de sa dernière heure venue. Ce n'était pas une buse, oiseau de proie courant chez nous, c'était plus grand, un plumage clair, une gueule qui tenait plus de l'aigle que du faucon. Le vétérinaire au téléphone conclut qu'il s'agissait d'un busard. Que faisait-il ici, en pleine ville ? Nous n'habitions pas loin du fleuve et de ses zones inondables laissées à la nature. L'environnement urbain était donc tout relatif.

    Enroulé dans la couverture, serré comme en langes, le busard fut emmené et remis au vétérinaire. L'aile cassée, impossible à réparer, le spécialiste résolut de le piquer. Bon sang, un fauve pareil, une telle majesté, anesthésiée et exécutée comme un vieux chien, quelle pitié !

    De ces irruptions de la sauvagerie dans notre univers policé, qui font réaliser, par le pouvoir de mort qu'on s'octroie sur elle, combien nous phagocytons tout le vivant qui n'est pas nous, combien nous le réduisons promptement à la domesticité, et la prétention que nous avons à être charitables, tandis que nous tentons de ne pas avouer notre cruel statut de maîtres.

  • Des oiseaux /1

    La chouette

    La marche dominicale à travers les bois n'était pas négociable, hiver compris. Qu'importaient nos lamentations d'enfants que le désir de voir enfin tel téléfilm ou émission suscitaient, il fallait aller se promener le dimanche, marcher sur les sentiers en poussière ou les sous-bois humides, c'était au-delà de la question de la santé, inscrit dans le marbre comme une tradition. Dimanche, c'était marche, point final.

    L'exercice se transformait parfois en émerveillement. Les paysages solitaires sur le plateau de la Verrerie, les cascades moussues dignes d'Excalibur au fond des gorges du Désert, et les fûts immenses des Bois noirs offraient des ambiances que ma petite cinéphilie d'enfant reconnaissait.

    Un jour, nous trouvâmes une chouette blessée. J'étais petit, les détails de la capture m'échappent. Je vois un remuement incertain, mon père qui s'approche... le reste est très flou, peut-être jamais vécu, en fait. Par contre, je me souviens clairement de la chouette, figée comme une petite déesse au dessus d'un placard extérieur, sur le balcon qui menait chez nous. Mon père l'avait installée là et elle patientait ainsi la journée entière. Mes parents la nourrirent d'abord je ne sais comment, et nous la saluions mon frère et moi à chacun de nos passages, partant ou revenant de l'école. Elle tournait vers nous son regard incessamment étonné, sa face plane de dessin animé. On ne la dérangeait pas, on la regardait à peine après un temps. Une voisine comme les autres.

    Bientôt, mon père s'aperçut que notre invitée s'envolait pour ses chasses nocturnes. Elle était guérie.

    Je n'ai pas souvenir non plus de sa restitution à la forêt que nos soins lui avaient fait quitter, mais je retrouve facilement l'image de cette compagne muette, de son expression de sérieux et d'attention quand nous lui parlions, de la bonté que je lui prêtais.

  • L'envol de la taupe

    Le rat-taupe de Nouvelle-Zélande est l'animal le plus laid de la création. Convaincu de son aspect rebutant, il se terre dans des galeries trop étroites qui, par la force de l'utilisation, accentue sa forme de cylindre mou et par là-même, sa laideur. Cette histoire n'aurait que peu d'intérêt si nous ne nous étions pas avisés un jour, que la taupe commune ressentait pour elle-même une aversion semblable qui la pousse à un pareil désir de se cacher. Alors qu'elle est une des plus belles réussites de la nature. Je suggère donc qu'une cellule psychologique soit constituée, parcoure les plaines et les champs, et essaye de raisonner l'animal, dans l'espoir qu'un jour, comme autrefois, les taupes se remettent à voler au grand jour.

  • Les misérables

    Il m'arrive d'insulter mes chats quand ils réclament leur pitance de façon indécente : « Vous êtes misérables de pleurer ainsi comme les mendiants les plus démunis ! vos supplications pitoyables, vos prières pathétiques ! Vous devriez avoir honte, vous devriez dédaigner fièrement cette pâtée moulinée et vouloir chasser de la viande rouge, palpitante, comme les grands fauves que vous fûtes. Je vous méprise ! » et comme j'ouvre la boîte, pressé par leurs cris, je me demande si, peut-être, leurs miaulements ne seraient pas plutôt des ordres.

  • Que serais-je sans elle

    Nous sommes sur une petite route en lacets qui nous mènera à notre rendez-vous. Une amie expose dans un village perdu de la campagne et la route  escalade  en douceur un paysage qui ressemble à la Comté de Tolkien. Nous n'avons pas mis la radio. Je chante comme à mon habitude, ma douce chantonne en sourdine et puis, encouragée, elle se met à chanter à son tour. « Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre », elle hésite, se trompe, s'arrête, cherche les mots de Ferrat qu'elle adore. Me confie dans cette pose que ce texte dit exactement ce qu'elle ressent, tout ce que je suis pour elle, tout ce que je lui ai apporté. Elle s'excuse de chanter faux. Ce n'est pas vrai. Elle chante très joliment. Elle reprend, les mots reviennent « J'ai tout appris de toi sur les choses humaines... » Et moi, à qui ce message s'adresse, moi, insignifiant humain aimé comme personne ne le fut, je sens la bénédiction de toute cette bonté m'inonder de tendresse jusqu'aux yeux.

  • Nos futurs

    Désolé, cher lecteur. J'ai supprimé le texte de ce billet qui devrait prochainement (j'écris cette modification en octobre  2013) connaître une belle existence éditoriale.

  • Après Michon, Rumine

    Selon le fameux principe de Cachard, il y a peu de monde au palais Rumine pour assister à la lecture du « Baiser de la Nourrice » suivie d'un débat animé par Geneviève Bridel, journaliste de Radio Suisse Romande. Alexandra, qui a organisé la rencontre est un peu déçue, mais je lui assure que ce n'est en tout cas pas grave pour moi. Elle m'apprend que, quelques temps avant, la bibliothèque a reçu Pierre Michon, rencontre évidemment passionnante et riche, marquante, mais ne dit rien du nombre d'auditeurs. Je ne demande rien non plus. Pudeurs.

    Lausanne me semble une ville agréable, vivante, les belles architectures XIXème ouvrent sur des murs de miroirs contemporains et, vers mon hôtel, un énorme viaduc enjambe un boulevard et couve un pont de métro aérien. La vision est digne de Metropolis ou des Cités obscures de Schuiten. Le palais Rumine où je dois me rendre est une merveille à flons-flons et marbres monumentaux qui abrite un musée de Beaux-Arts, des collections de géologie, de paléontologie (avec un grand mammouth que je n'aurai pas le temps de saluer) et la Bibliothèque Universitaire de Lausanne où m'accueille Alexandra.

    Je suis arrivé tôt, la journaliste et moi prenons un café une heure avant le début de la séance, pour discuter à bâtons rompus. Elle ne souhaite pas vraiment préparer l'entretien en me donnant ses questions (je préfère aussi, nous sommes d'accord sur l'effet de spontanéité ainsi recherché).

    A 19 heures, peu de monde donc, une dizaine de personnes (mais de qualité : Emmanuelle Pirerd, poétesse, est dans le public), et la lecture commence. Une jeune femme est installée sous le halo d'une lampe de bureau rouge, une musique bien étudiée pose l'ambiance. « La brosse raya la surface de cirage noir... » ce sont mes mots, bien eux, mais qui les a écrits ? Ce n'est pas la première lecture de mon texte à laquelle j'assiste, mais la première exécutée par une voix féminine (hors des lectures de courts extraits, je précise). Une nouvelle approche. L'interprète lira ainsi 40 minutes, s'amusant parfois à donner vie aux colères d'Alceste Badin créant un effet comique et glaçant tout à fait approprié. Le montage du texte, élaboré par la compagnie Marielle Pinsard est très intelligent. Les scènes de torture sont évitées par l'utilisation d'un passage qui est une suite de verbes « étripé, écorché, énucléé » etc. qui synthétise toutes les saloperies perpétrées par Azert. C'est une approche axée sur le personnage de Gilda qui a été choisie pour concentrer le récit sur un temps si court (relativement). Ce montage, cette lecture de femme, me révèlent que Gilda est le seul personnage par lequel je décris de véritables émotions intimes, plus élaborées que la peur et la haine. Comme quoi, même après tout ce temps, le regard des autres m'apprend encore des choses sur ce que j'ai produit.

    Ensuite, le débat s'établit, mené par Geneviève, parfaite. L'occasion de rappeler les conditions de création du livre, mes obsessions, la construction du récit, son improvisation parfois. Le temps passe vite, je me suis perdu dans mes démonstrations comme d'habitude et je me suis peut-être trop attardé sur celui qui motive mes agacements les plus fréquents, ici, sur Kronix. Geneviève a bien lu mon blog et elle conclut par une note optimiste, une phrase écrite un jour sans doute où je me suis mis à espérer. Il fallait la trouver : il y en a si peu. Il est bientôt l'heure de se quitter et je salue Geneviève qui doit partir. Une passante de plus parmi ses heureuses rencontres permises par Lettres-frontière, mais nous resterons en contact, elle recevra bientôt « le Psychopompe » et j'attendrai son jugement. De la même façon, je garde les coordonnées d'une auditrice qui, miracle, connaît Roanne où elle peut être hébergée et ainsi, venir assister aux 24 heures de lecture organisées en juin par « Demain dès l'aube ». (Cette année, les Confessions de Rousseau). Et aussi, plus tard le soir, autour d'une table dans un bar bruyant mais sympathique, j'apprends d'Emmanuelle Pirerd, qu'elle devait passer à Roanne en avril, rendez-vous manqué, mais qu'elle sera sans doute de retour dans ma vile en septembre. Cette fois, nous aurons du temps pour discuter (et puis, d'ici là, j'aurai lu son travail, que je lui avoue ne pas connaître). Roanne, vortex littéraire ?

     

  • Lausanne

    Il faut bien encore évoquer "le Baiser de la Nourrice". Grâce à la bibliothèque de Lausanne (Suisse) et à son personnel, ce soir à 19 heures, dans le cadre d'une année entière consacrée aux débats et réflexions autour du thème de l'Utopie (et donc, de la contre-utopie ou de l'anti utopie), nous évoquerons ces aspects, imbriqués dans le projet littéraire qu'est "Le Baiser".

    Merci à Alexandra Weber, que j'ai hâte de découvrir là-bas, ainsi que toute l'équipe. Cerise sur le gâteau : une lecture de 40 minutes (si j'ai bien compris) du baiser, soit une sorte de montage j'imagine. Je suis évidemment très heureux.

    Il s'agit de l'avant-dernière rencontre organisée avec le soutien de "Lettres-frontière".

  • Faits pour s'entendre

    Les cartes postales de Godot & Benjamin Fincher sont des moments de pensées incarnées. Ou plutôt, elles forment de brefs voyages inédits, inouïs au sens propre du terme. Allez faire un tour chez ces voyagistes-là, et entrez en méditation.

    Les magnifiques images, ces mouvements englués dans le songe, sont de Clément Fessy.

  • Notre nature

    "Nous sommes tout entiers dans l'artifice. On peut toujours débattre et se créer l'illusion que la nature est à l'imitation de l'art,  ce n'est qu'une manière encore, l'humain étant dépouillé de tant de magies, de donner refuge à notre prétention."

    Voilà, j'ai écrit ça il y a un mois et je ne sais absolument plus ce que je voulais dire par là. Incroyable. Je me souviens avoir peaufiné cette phrase pendant toute la durée de mon attente du car qui allait m'emener au travail, ce matin-là. Je me souviens avoir trouvé l'idée, que j'ai senti monter en moi doucement, de la précise évaluation de ce que je voulais transmettre ainsi, et de la maturation de sa formulation. A présent j'ai beau relire, je ne comprends rien, ou bien n'ai plus qu'une vague idée du propos.

    C'est pas à Sartre que ce serait arrivé (si, c'est arrivé ? Ah.)

  • Le sujet

    Complexe question du sujet. Quand est-ce qu’une étincelle vous fait penser : « C’est ça ! » ? Je crois que c’est lié d’abord à l’écho que le sujet provoque chez l’auteur. Qu’il prenne naissance dans un fait divers, une rencontre, une sensation ou une histoire célèbre, le récit initial ne mobilise assez d’énergie pour tenir deux ans, voire trois ou cinq, que s’il fait écho à des préoccupations profondes, charnelles, mobilisatrices depuis toujours. Ce qui motive l’écriture doit être un brasier qui couve, et le sujet n’est là que pour souffler sur les braises. Tout est déjà en place.

    Il arrive de se tromper. J’en ai parlé plusieurs fois ici. Non pas que le sujet soit mauvais, il n’y a pas de mauvais points de départ, mais l’angle choisi peut ne pas être le bon. L’histoire rejoint alors les autres inspirations remisées, jamais oubliées, intégrées parfois dans de plus vastes récits, condamnées sinon à de très longs endormissements. On n’en finit jamais vraiment avec les idées qui vous sont apparues un jour assez puissantes pour vous lancer dans un récit. Parce que l’évidence avec laquelle elles se sont imposées a un sens. Elles disaient quelque chose dans quoi on se reconnaît. Elles parlent d’un mystère qu’on fouille sans cesse.

    S’il y a un gisement, une source susceptible de tarir, il faut admettre que l’épuisement peut survenir. Mais ce n’est pas forcément un mal, une fin. Ce peut être une libération, un soulagement. En fait, c’est quand les braises ont refroidi, peut-être, que la question du sujet se pose vraiment. Quand l’auteur dépassé et stérile a fait place à l’écrivain qui connaît son métier.