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  • D'un geste singulier

    Hier -ou bien avant-hier, mais vous pardonnerez cette imprécision- tandis que ma compagne volait à mon secours en rapportant au bureau l'agenda oublié à la maison et sans lequel je suis perdu (plus de rendez-vous, plus de notes, plus de multiples détails qui ornent le découpage horizontal des heures, chaque jour), il s'est produit un de ces petits faits qui font notre délectation. Voici : ma chérie regagnait sa voiture garée devant mon travail, sa mission accomplie. Elle s'est penchée un instant pour récupérer je ne sais quel objet rebelle qui s'était dérobé sous un fauteuil, quand son oeil a capté le geste d'une silhouette sur le trottoir d'en face. Je dis bien le geste, pas la silhouette précise : une impression en somme. Et elle a instantanément su que c'était JM*. Relevée tout-à-fait dans la seconde qui a suivi, sa vue dégagée vraiment lui a permis d'en être sûre. JM sortait de chez la coiffeuse en face de mon bureau (un point commun supplémentaire entre nous) et il fit sur le seuil un mouvement qui l'identifia, aussi vite et absolument qu'aurait pu le faire un portrait détaillé. A mes questions enthousiastes (la synthèse d'une identité par la singularité d'un geste, imaginez : de quoi allécher mon goût pour les développements abstraits), ma chérie décrivit une attitude, un pas, peut-être une manière de plier aussi le bras en laissant flotter la main, un mouvement de la tête, mais il ne lui en restait que l'impression fugace qui subsiste des images rêvées. Ainsi sommes-nous -rires distincts, tics verbaux, attitudes caractéristiques, timbres uniques, gestes particuliers- loin du regard, de la présence, fantômes de nous-mêmes, un composé de sensations dont on retiendra tout, après notre départ, et qui restitueront l'essentiel de notre apparence aux amis pensifs.

    *(adpaté d'une lettre à un ami, qu'on nommera ici JM)

  • Le distrait

    Je la croise. C'est une ancienne journaliste qui travaille dans l'enseignement aujourd'hui. Elle vient dans ma direction, les bras chargés de sacs lourds. Elle s'arrête à ma hauteur, s'approche de moi très près en disant "bonjour". Un peu surpris, parce que nous ne sommes pas à ce point intimes, je m'arrête également, lui fais la bise et j'entame la conversation "alooors, qu'est-ce que tu deviens ?" "ben, toujours au lycée machin, j'essaie de passer des concours... Et toi ? " "Ohbenmoi... "

    Dix bonnes minutes de discussion médiocre sur le temps qu'il fait et le travail qui blabla. Bientôt, on ne sait plus trop quoi se dire et je mets fin à notre conversation. On se salue et... elle peut enfin entrer chez elle !

    Je m'étais arrêté sur le pas de sa porte. Son approche, que j'avais analysée comme un désir de lier conversation, était juste le dernier mètre qui la séparait de son appartement. Son appartement que mon insistance à bavarder de tout et de rien lui interdisait.

  • Le secret de Zyon

    Vu sur le gravier de cette place que je traverse chaque jour, le tracé d'une marelle où le mot « Terre » est remplacé par « ZYON ». Non loin, une inscription : « ZYON, saucisse d'amour ». Le nombre de mystères qui naissent sous la semelle, au hasard d'une maussade matinée de retour au travail...

  • La confession

    Dans le car qui me ramène à la maison, les conversations des adolescents entre eux. Le lait de la tendresse humaine. Souvent, leurs paroles me traversent. J'abandonne ma lecture, j'écoute, ému. Il y a eu ce garçon, expliquant à une copine le mauvais sort qu'une petite bande a voulu lui faire, quelques jours plus tôt. « Il me dit Viens, je veux te parler , j'avais pas envie mais j'y vais, dans une petite rue comme ça. » « Mais tu y es allé ? C'était un piège et tu y es allé ? » « Ouais, c'était un piège mais j'étais coincé, j'y suis allé. Au fond de la petite rue. Ils étaient tous là. Cinq-six. Ils commencent à me prendre la tête, que j'ai dit des trucs sur eux, tout ça. Il fait venir sa copine. Elle dit : « Je sais plus ce qu'il a dit mais il m'a insultée de pute » « C'est vrai, tu lui as dit ça ? » « Ouais, peut-être, j'en sais rien, de toute façon c'est une pute. Ouais, je l'ai peut-être dit » (la fille à côté de lui pouffe, approuve le verdict) « Alors, l'autre il me donne des baffes. Je l'ai laissé faire. » « Tu l'as laissé faire ? » « Oui » « T'as raison. » « De toute façon, ils étaient six, si je me battais, ils me cassaient la tête. » « T'as raison. Qu'est-ce que t'as fait ? » « Ben je me suis mis à courir, j'ai couru, j'ai foutu le camp. Ils m'ont suivi. On a couru dans toute la ville. J'avais peur. » « Ils t'ont pas rattrapé ? » « Non. Ils ont dû me prendre pour une vraie fiotte. » (La fille pouffe à nouveau. Je sens dans sa réaction, un large sourire, une bienveillance. Aucun jugement. Elle est seulement heureuse que le garçon s'en soit tiré indemne). Je souris aussi. L'honnêteté de ce gamin, le tranquille détachement de son récit et son humour, me font apprécier ce que je crois lire comme une évolution de mentalité. A son âge, peut-être aurais-je fui, ce qui n'est pas sûr (il m'est arrivé de ces petits événements où je me découvrais un héroïsme imprévisible), mais en tout cas, jamais je n'aurais avoué ma fuite à une fille. Orgueil des petits mâles d'une époque révolue. Ou bien ai-je écouté le récit d'une exception.

  • Zombies land

    Le jour était encore haut. Rien ne menaçait cet agréable bout de France, entre bois et champs de blé vert. Le premier sujet d'étonnement fut cette voiture dans le fossé, entourée de gendarmes et de passants. Rien de particulier sinon l'agitation toujours un peu stressante qu'un accident frais génère. Nous passons. Plus loin, après que la route en lacets se fut aventurée entre des haies de mélèzes noirs, nouvelle surprise : un tracteur croise notre route, chargée d'hommes et de femmes maquillés. Une fête sans doute. Nous abordons un village. Aucune voiture, nous sommes seuls. La rue centrale est jonchée de détritus et de papiers, dans une telle épaisseur que je sens les roues patiner par places. Encore quelques mètres et soudain, le passage est encombré de silhouettes qui surgissent des maisons et des rares magasins. Des hommes et des femmes se précipitent sur notre voiture en hurlant. Je ne peux pas foncer de peur de blesser quelqu'un. Ils sont plus nombreux à chaque minute, s'accrochent maladroitement à nos portières, tentent de nous barrer le passage, il y en a partout, devant derrière sur les côtés, ils surgissent en marchant raides et cassés, le pas lourd, bras tendus, vociférant des malédictions incompréhensibles. Loin devant, la sortie du village me paraît inaccessible. Enfin, l'étreinte des créatures se relâche. Les silhouettes se détournent vers une proie sans doute plus facile. Je ne demande pas mon reste, je fonce, la sortie du village enfin, je sors, la campagne recouvre son calme.

    Décidément, je déteste les kermesses et les fêtes de conscrits !

  • Premières rencontres

    Ce vendredi 29 novembre, à 19 h 30 (et non à 19 h, comme je l'annonçais sur RWTV), à la brasserie le Saint-PHilibert, à Charlieu, j'aurai le plaisir de dévoiler quelques secrets de ce livre particulier : Mausolées, paru chez Mnémos cette année. Cette rencontre-débat organisée par la librairie Le Carnet à Spirales, possibilité de se restaurer ensuite.


    Également le programme complet des dédicaces qui vient de se confirmer:

    Samedi 16 et dimanche 17 novembre après-midi, Espace Congrès (derrière l'Hôtel de Ville) à Roanne, dans le cadre du Festival de Science Fiction  de Roanne.

    Samedi 30 novembre, de 10 h à 12 h ; dédicace à la librairie Le Carnet à Spirales, rue Chanteloup, à Charlieu.

    Samedi 7 décembre, de 15 h à 18 h, dédicace à la librairie Mayol, rue Charles-de-Gaulle, à Roanne.

    Samedi 14 décembre, l'après-midi, dédicace à l'Espace Culture Leclerc en compagnie de Didier Guérin, à Riorges.

  • La Bonne Maison

    L'attitude paresseuse du poney dans son pré inquiétait ma douce. De même, l'excroissance abdominale d'un des chatons récemment accueillis et aussi la mère de ce dernier, dont le ventre rond pouvait indiquer une nouvelle grossesse, mathématiquement improbable pourtant. Le vétérinaire, appelé en urgence, ausculte ce petit monde et son verdict tombe : Tout va très bien, sauf qu'ils sont gras comme des gorets, vos animaux !

    Nous redoutons maintenant l'avis du médecin de famille, quand je serai passé sur sa balance.

  • La dent dure

    On s'installe, le menu a l'air tout à fait correct. Un couple de vieux est assis à la table voisine. Je vais aux toilettes, je reviens. On discute. Soudain, la patronne sort de sa cuisine et s'adresse au monsieur du couple. Un vieil homme assez élégant, apparemment en pleine possession de ses facultés physiques et intellectuelles.

    La patronne : "Monsieur, je peux vous assurer que ma viande, c'est du charolais, achetée chez un très bon boucher, et que je fais attention. C'est de la meilleure qualité"

    Le client: "Elle était nerveuse, votre viande."

    (Mon copain m'explique que, pendant que j'étais aux toilettes, le vieux a fait retourner le plat en disant que c'était du surgelé industriel et que c'était mal cuisiné)

    La patronne : "Monsieur, c'était de la meilleure qualité, j'y tiens." (le ton monte, la patronne est offusquée, indignée par cette attaque)

    Le client: "Vous ne savez pas cuisiner, et puis c'est tout. C'était du surgelé." (voix plus forte, tout le monde se retourne)

    La patronne (bras tendu): "Sortez monsieur !"

    Le client: "Attention, hein, m'énervez pas. Vous êtes nulle, vous ne savez pas cuisiner. C'était dégueulasse !"

    La patronne: "Monsieur, quand on n'a pas de dents, on ne prend pas d'entrecôte !"

    Le client se lève, va pour empoigner la cuisinière. Le patron (un type plutôt jeune, silencieux), tente de s'interposer. Les belligérants se toisent. Elle: "Sortez !" Lui : "je vais vous en coller une, moi!" Elle : "Vous voulez me frapper? Ah ben c'est la meilleure !"

    Tout le monde est consterné, sauf moi, j'admets que je me bidonne comme au cirque. La patronne répète plusieurs fois "sortez" jusqu'à ce que l'ordre soit suivi d'effet. La petite dame du couple ne dit rien, elle, d'ailleurs la patronne la plaint de vivre avec "un mari aussi con". La petite troupe, tout en s'agitant beaucoup, se trouve vers la porte, le couple est mis dehors (là, ça se bouscule un peu. Je crois que le patron a carrément poussé le type sur le trottoir). J'entends quelque chose qui ressemble à une calotte. La patronne : "Je connais le truc, c'est pour pas payer!" Le vieux : "J'ai de l'argent, je peux payer!" Elle referme la porte, on l'entend encore gueuler dehors : "J'ai de l'argent, je peux payer!"  Et il disparaît.

    La patronne vient s'excuser pour ce spectacle lamentable. Je me marre comme un bienheureux. Le patron approche pour s'excuser lui aussi et apporter la commande. Soudain, un bruit énorme. Le patron se précipite. Dehors, le vieux est en train de piquer une rage monumentale et vide la terrasse de ses chaises et de ses tables. Il balance les chaises contre la baie vitrée du restaurant.

    Là, on ne voit pas, mais sûrement, le patron et le vieux décidément en pleine forme, s'affrontent grotesquement l'un évitant les chaises que l'autre lui balance à la tête. La patronne appelle les flics.

    Eh, franchement, on est pas bien à Roanne ?

  • Extrait

    "Il se peut que l’humanité se fatigue d’elle-même, s’ennuie de porter son grand projet, tu vois ? Son vaste corps n’en peut plus d’œuvrer sans cesse. Ses névroses l’emportent. Elle cherche à en finir. Le problème est qu’elle n’a qu’elle-même pour réaliser ce désir de mort."

    Pavel Khan, à Léo. Mausolées.

  • 0,1 %

    Mnémos est un des rares éditeurs de littérature de l'imaginaire à permettre à de nouveaux auteurs français de publier dans ce genre, généralement dominé par la culture anglo-saxonne. C'est risqué, c’est compliqué, c'est courageux. Les éditions Mnémos reçoivent chaque année environ 2000 manuscrits de langue française. Vous avez bien lu : 2000. Travail titanesque de sélection. Bien sûr, on s'en doute, plus de la moitié de ces fichiers (l'éditeur propose l'envoi par mail, ce qui est fort commode), est éliminé à la lecture de la première page ou de la note d'intention style « J'ai 15 ans et je suis fan du Seigneur des Anneaux que jai fai dans se roman un homage ». Il en reste cependant environ 1000. Pour ceux-là, un sondage plus consciencieux permet de faire un nouveau tri : thème rebattu, absence de style, dynamique de l'écriture. Un professionnel a vite fait de repérer s'il a à faire à un écrivain ou pas (l'éditeur d'ailleurs éliminera également les manuscrits d'auteurs paranoïaques assortis de l'avertissement : « Ce texte est protégé sous les N°s --- et --- de la SACD, ne vous avisez pas de le publier sans mon accord ou même de reprendre les idées qui y sont car je n'hésiterai pas à vous intenter un procès. » Il en reste donc encore 500 qu'une équipe d'une dizaine de lecteurs bénévoles vont se partager et pour lesquels une fiche de lecture argumentée est demandée. Là-dessus, les derniers choix sont effectués. Cette année, Mnémos publie deux nouveaux auteurs français dans ce genre de littérature. Si vous m'avez suivi jusque là, vous conclurez que Mausolées avait 0,1 % de chance d'émerger de la masse. Un survivant.

  • Pasiphaé - Extrait

    Minos : Vous faites un pari, et croyez-moi : je m'en fous. Vous pariez que ce qui sortira de cette union bestiale va paraître comme un symbole des temps qui changent, comme un signal donné au peuple, c'est ça ?

    Dédale : Monsieur...

    Minos : Et oui, Dédale : pour rester au pouvoir, bien connaître la nature humaine, bien connaître les hommes. Je vous observe, Dédale, je vous ai vu changer. Vous me détestez, n'est-ce pas ? Aha. Vous ne me comprenez pas, hein ? Moi, j'ai compris, je sais ce que vous manigancez.

    Dédale : Monsieur !

    Minos : Quoi ? Ah, quel héros, regardez-moi ça ! Vous avez peur, Dédale ? D'un coup, la mémoire des cachots vous revient ? Les cris, les fers, les exécutions ? Vous devriez être plus courageux, vous qui espérez le grand changement.

    Dédale : Je ne manigance rien.

    Minos : Non, bien sûr. Ne vous inquiétez pas. Vous restez à mon service.

    Dédale : Merci, monsieur.

    Minos : Merci monsieur. Bon garçon. Bon petit élève. Intelligent comme vous êtes, quelle torture se doit être de travailler sous les ordres d'une brute comme moi. Vous m'amusez, Dédale. Vous allez rester avec moi jusqu'au bout, au moins pour une raison : savoir comment cette histoire va finir. Je le veux, et vous le voulez, je vous connais. Et puis, je n'ignore pas que vous souhaitez rester auprès de ma femme. N'est-ce pas ?

  • On connaît la chanson

    Trois jours épatants. Pendant lesquels Aurore Pourteyron, Philippe Noël et François Podetti ont répété les chansons de la prochaine pièce de la NU compagnie : Pasiphaé. Aux manettes, Jérôme Bodon-Clair, jovial, enthousiaste, précis, corrigeant une intention, un souffle. Et grâce à cette exigence de tous, des progrès tangibles au terme de cette courte période. Des ajustements de texte aussi, normal, et même une chanson supplémentaire. Lundi après-midi : découverte un peu contrite que Dédale n'a pas « sa » chanson. Mardi matin, écriture du texte sur un coin de table (mais vraiment un coin de table) ; mercredi matin, création de la mélodie par Jérôme et enregistrement de la musique. Le pire, c’est que le résultat est bon. On est vraiment des bêtes.

  • Grave E.T.

    En dehors de l'exploit technique, j'ai aimé dans Gravity, une notion induite simple : nous sommes des terriens, et nos racines sont là. On peut toujours délirer sur les voyages intersidéraux, les exoplanètes et autres terraformations, n'empêche qu'on est de là, et que c’est là, sur notre grain de sable, que nous sommes condamnés à vivre, et pas ailleurs. Faut se faire à l'idée. Et en assumer les conséquences : prendre grand soin de la maison, parce qu'on n'a nulle part où aller.