En France, grâce au Covid-19, la nature souffle un peu. Les musulmans aussi. Un peu.
choses vues - Page 2
-
3785
-
3769
De retour des courses, ma douce me rapporte le constat étrange qu'elle a pu faire : dans le supermarché, pas de musique, les gens vont lentement, parlent doucement, sont extrêmement polis. Comme si l'apnée générale avait la vertu de nous faire reconsidérer l'efficience de nos activités, nos bruits, nos gesticulations d'antan, et révélait leur vanité. Tant d'effets inattendus qu'il faudrait commencer à les lister. Trop paresseux pour me charger de l'exercice, j'en appelle à la bonne volonté des autres confinés.
Lien permanent Catégories : actu, choses vues, Matières à penser, Nouvelles/textes courts 1 commentaire -
3762
Passeront les camions sans pilote. Qu'y perdrons-nous ? Certaines anecdotes liées à l'humain : ce routier d'un lointain pays de l'est, perdu dans nos campagnes, parce qu'il avait entré dans son GPS le bon nom de village, mais pas la bonne région. Expliquer ça en letton...
-
3755
Adèle se barre, Virginie enrage, Natacha réplique, Stéphanie tente de faire la part des choses. Pendant ce temps, les mecs se taisent, mains dans le dos, en regardant leurs chaussures.
-
3753
Pas plus que le charcutier du billet de l'autre jour, celui-là ne s'est inquiété du mal qu'il fait. Les circonstances sont à peu près les mêmes : je suis au service militaire, et les confidences, les histoires d'amour, les souvenirs évoqués, atténuent notre ennui. Je suppose qu'écrire des lettres d'amour pour certains camarades a dû contribuer à ma réputation de type à qui on peut tout dire. L'un m'a confié son homosexualité, un autre m'a parlé du ménage à trois dont son exil menace l'équilibre, je suis aussi le réceptacle de pas mal de fantasmes... poubelle ou psy ou curé, je ne sais pas comment définir mon rôle, alors. En tout cas, le type qui me raconte comment il a couché avec une « petite négresse », n'a besoin ni de mon absolution, ni de mon analyse. Mon oreille lui suffit, je pense. J'avoue, je n'écoute qu'à moitié ses approches, leur rencontre dans une chambre. Mon intérêt s'éveille soudain quand le gars raconte, mâchoires serrées sur le souvenir de l'action : « Elle était là, j'étais déjà sur elle, je la déshabillais, elle se plaignait comme ça (il l'imite à petits gestes de comédie, en exagérant un ton geignard), non non je veux pas. P'tain, je lui ai donné un coup de poing dans la gueule. Merde, tout le monde lui était passé dessus, alors Oh ! » J'ai mis un temps à réaliser que l'on venait de me décrire un viol. Je vous assure, la connexion entre le mot et la scène racontée ne s'est pas opérée de suite et c'est cela, le vrai mystère de ce souvenir.
Quant à toi, ordure, je me souviens de ton nom et de ta tête, parfaitement. Et de ton odieux sourire satisfait. -
3751
C'était un grand connard. Authentique. Il aurait pu laisser deviner une fêlure, une faille où se serait nichée un peu de doute ou de questionnement. Non. Il était un bloc compact de bêtise auto-satisfaite, de fierté virile, de bon-sens franchouillard. Dans le grand dortoir, il raconta comment, dans la boucherie-charcuterie où il travaillait, lui et ses collègues, avec la participation enjouée du patron, avaient piégé la vendeuse la plus jeune et la plus accorte du magasin. Celle qui souriait aux clients, avait toujours un mot gentil, promenait sous leurs yeux ses formes appétissantes. Le patron lui avait dit de rester un peu pour finir un travail, ce soir-là. Elle était rentrée dans la réserve en demandant ce qu'elle pouvait faire. A quatre, ils l'ont maîtrisée, l'ont déculottée et lui ont fourré un gros saucisson dans le sexe. La bonne blague ! il en riait encore, le grand connard, quand il la racontait aux autres troufions que nous étions. Je vous le jure, nous n'étions ni sensibles ni pudiques, mais je ne me souviens pas qu'aucun d'entre nous aie partagé l'hilarité du narrateur. Nous étions sidérés (l'indignation ne viendrait que beaucoup plus tard). « Et après, elle est partie ? » a dit l'un de nous. « Ben après, non. Le lendemain matin, elle est revenue travailler, comme d'habitude. Elle nous faisait la gueule. » Et ça aussi, ça le faisait rire.
Une nature joviale, quoi. -
3750
« Le sort dans la bouteille » est une commande, une pièce écrite à l'origine pour être interprétée par un seul comédien : François Frapier (qui fut naguère, un exceptionnel Dédale, dans « Pasiphaé »). J'avais imaginé pour lui un personnage, mauvais et impatient, houspillant le public qui ne s'installe pas assez vite, et presque pressé d'en finir. François aurait interprété tous les rôles, commentant les faits et les actes, et sommant le public d'approuver ou de protester.
L'histoire qui inspire ce spectacle est bien connue des romorantinais. C'est un fait-divers de la fin du XIXe siècle, en Sologne : l'assassinat d'une pauvre vieille par sa fille et son gendre, paysans convaincus de se débarrasser du sort qui s'acharne sur eux, en la faisant brûler vive comme une sorcière. Les deux finiront décapités, sur la guillotine installée devant l'hôtel de ville de Romorantin.
La très belle idée de François a été de chambouler le parti pris initial. Il a confié « Le sort dans la bouteille » aux élèves de son « atelier 360 degrés ». Deux poignées de personnalités, un concentré de jubilation et de curiosité, qu'il a emmené dans ce projet pendant plus d'un an. D'abord, il les a invités à considérer le texte comme une matière à creuser, à malaxer, à domestiquer, à s'en servir aussi de malle au trésor : allez y chercher des pépites, des colliers, des masques, y fouiller les intentions, les mots, les cris, les éclats et les ombres. Une démarche déstabilisante pour qui aborderait le théâtre de façon conventionnelle : distribution des rôles, apprentissage, exploration des personnages, costumes et décors... Là, les comédiens, tous amateurs, ont d’abord dû errer dans l'épaisseur du verbe, comme s'y baignant, s'y égarant parfois. Période difficile, m'ont-ils confié. Difficulté voulue par le metteur en scène. Et puis, lentement, la pièce a émergé, récit choral, voix dépliées, reprises, personnages échangés, prières, colères, peurs, haines, cocasseries et drames… les comédiens se sont appropriés les mots.
J'étais récemment invité à la première représentation du texte, une forme hybride entre interprétation et lecture, une forme vivante, en voie d'achèvement. Expérience passionnante. On ne voit plus tel ou tel, tous les personnages sont comme fragmentés et se reconstituent sous nos yeux, par la magie de l'incarnation à plusieurs.
La salle de la MJC était pleine, la chaleur vite étouffante. L'idée de faire brûler une mèche de cheveux dans un des rares moments « mis-en-scène » de la pièce (un rituel de sorcellerie dans la pénombre), a coloré le moment d'une âpreté bienvenue, tout à fait cohérente avec le propos.
Pour le reste, la troupe s'est démenée, s'est amusée, a capté l'attention et suscité les réactions espérées, rires déployés ou gorge nouée. C'était bien. Et prometteur, car ce n'est qu'une étape : l'expérience sera poursuivie jusqu'à effacement du texte, appropriation et incarnation. Au delà d'une simple interprétation, grâce au travail en profondeur entrepris par François et sa troupe.
Vous pensez bien que, pour un auteur, assister à cette ré-génération, ressemble à une déclaration d'amour. Et comme chaque fois qu'on a dit m'aimer, j'ai d'abord été incrédule, avant d'être soulevé de reconnaissance.
Merci François, merci les amis. -
3749
Résumons : nous n'étions pas destinés à apparaître, mais constatant que nous sommes là, impossible de ne pas essayer de savoir pourquoi. Dire que les religions sont le produit de cette irrémédiable démangeaison du cerveau !
-
3747
Au détour de la lecture d'un article, il peut arriver qu'on tombe sur une information dont on ne voudrait pas s'encombrer mais qu'une mémoire docile inscrit en nous pour des années. Par exemple, j'apprends un jour que, sur les conseils de Carla, Nicolas Sarkozy s'est entraîné à déféquer sans uriner pour muscler son périnée. Voilà, c'est fait, cette anecdote dont je me contrefous est gravée à jamais en moi. Et en toi, désormais, infortuné lecteur.
-
3744
La tension insoluble entre la personne spéciale que tu es censée être, et le mouton consumériste que l'on veut que tu sois. Et le système te vend les deux options à égalité, comme s'il n'y avait entre elles aucune divergence.
-
3741
J'apprends dans l'excellent documentaire en deux parties « Musulmans de France » qu'un moment marquant dans l'histoire des musulmans vivant dans notre pays, est celui où, pour toute réponse à la Marche pour l'égalité et contre le racisme dans les années 80, s'est créé le mouvement « Touche pas à mon pote ». Un camouflet, selon les témoins du documentaire. Pourquoi ? Parce que les marcheurs voulaient une réponse d’État, pas un câlin de militants de gauche ou de sympathisants à leur cause, parce que les relais de « Touche pas à mon pote » étaient considérés par les jeunes musulmans comme un club de privilégiés, condescendant envers les petits beurs de banlieue et se voyant comme des protecteurs. De plus, le détournement (supposé) de la main de fatma en pin's « Touche pas à mon pote », a été très mal vécu. Je l'avoue : j'ai porté le pin's en question. J'avais 23 ans. L'arborer m'a d'ailleurs permis, par les réactions suscitées, de savoir à qui j'avais à faire dans mon entourage, notamment professionnel. Mais je n'aurais jamais imaginé que ceux que je voulais « défendre », voyaient mon engagement et celui de mes pairs, comme une insulte. Décidément, l'enfer est bel et bien pavé de bonnes intentions. Comment ne pas récidiver ?
-
3739
D'accord, je ferais mieux d'écrire, mais si je passe pas mal de temps sur Youtube, c'est au contact de chaînes que j'estime d'utilité publique, ou sinon, au moins, passionnantes. J'ai décidé de vous faire un petit florilège.
D'abord, il y a les youtubeurs zététiciens qui s'évertuent à nous offrir les outils critiques pour trier le bon grain de l'ivraie au milieu du déferlement d'informations auquel nous sommes confrontés quotidiennement. Toutes ces chaînes sont soigneusement réalisées, elles suivent une déontologie claire (liens vers les articles et les sources en description, prises en compte des critiques...)
Le premier de tous, reconnu par ses pairs : Hygiène mentale. Dissection des biais de confirmation, des mille-feuilles argumentatifs, explications sur la charge de la preuve, les graphes bayésiens, l'argument d'autorité, etc. Une véritable leçon d'éveil pour tout citoyen.
Défékator (on défèque sur les fakes), n'est pas le plus élégant, il utilise parfois un humour pénible, mais son auteur s'empare de fakes, de vidéos, de rumeurs, de légendes urbaines, et surtout décrit les techniques qui lui permettent point par point, de remonter aux sources, de situer, de dater, et démonte ainsi les mèmes les plus sophistiqués. Au passage, on apprend toutes les possibilités d'utilisation de la puissance de Google. Si ces techniques étaient apprises dès le collège, le complotisme n'aurait pas la même capacité de nuisance.
La Tronche en biais. Vled Tapas et Acermandax coopèrent pour déconstruire les propos pseudo-scientifiques qui polluent la toile. Leurs émissions sont parfois très longues, densité et sérieux du travail obligent. On peut prolonger le plaisir de se sentir moins bêtes en lisant leurs ouvrages, nombreux.
Il y a pas mal de Belges intéressants, sur Youtube comme ailleurs. A l'écouter, Mr Sam. est l'un d'eux. Ses "Points d'interrogation" sont toujours bien écrits, rigoureux, comme tous ceux que j'évoque ici.
Max est là aborde des rivages de Youtube qui, sans lui, me seraient restés inconnus : des enfants jetés en pâture par leurs parents, des crétins incultes qui donnent des leçons de magouille, des arnaqueurs, des influenceurs inconséquents, vantant les vertus de contrefaçons, etc. Le travail de ce type-là devrait être suivi par les pouvoirs publics, je vous le dis.
Toute cette communauté qui a pour but de ne pas s'en laisser compter et de décortiquer les méthodes des charlatans et profiteurs de la crédulité des autres, viennent parfois au secours d'un de ces vaillants combattants de la bêtise. En l'occurrence, récemment, Clément Freze, mentaliste de métier, avait piégé un médium célèbre : Bruno (qu'il ne se permet jamais de traiter de tricheur, mais la démonstration est éclatante). Le médium a fait "striker" sa vidéo, aussitôt reprise et relayée par les zététiciens du web, dans une magnifique illustration de l'effet Streisand.
Les émissions scientifiques de qualité se font rare sur les chaînes de la TNT (il y en a encore, mais on peut s'estimer trop peu nourri). Je vous livre ici quelques unes de mes adresses favorites. Vous pouvez y aller, c'est vraiment du tout bon.
Dirty Biology qui vous amène parfois à nous interroger sur les limites de notre identité (jusqu'à quel point, biologiquement, sommes-nous nous-mêmes ?), Le Vortex (plusieurs Youtubeurs, dont certains cités plus haut, cohabitent et combinent leur savoir pour compléter, enrichir, argumenter, préciser un sujet. C'est drôle, c'est vif, c'est passionnant), Micmaths (de Mickaël Launay, c'est assez pointu, pour de la vulgarsiation, mais ça reste accessible, même pour un incapable comme moi), e-penser, Science étonnante (bon, je ne suis pas souvent au niveau, mais pendant quelques minutes, j'ai l'impression de comprendre et je me dis qu'il en reste toujours quelque chose...) Nota Bene (célèbre chaîne d'histoire aujourd'hui, mais que je suis depuis ses débuts). Axolot explore l'étrange mais refuse le sensationnalisme, il voyage parfois et ses "escales" sont de véritables guides des chemins de traverse. Astronogeek est un dur à cuire et un fort en gueule, il peut facilement s'énerver contre les journalistes approximatifs aux articles putassiers, et il choisit souvent les titres de ses vidéos pour piéger les complotistes (la terre est plate, on n'est jamais allé sur la lune, etc.), pour démontrer exactement l'inverse de ce que les visiteurs ont cru trouver chez lui. Mais démonstrations rigoureuses, sourcées, réalisation sans effets. Comme tous les zététiciens évoqués ici : du beau travail.
Il y en a beaucoup d'autres, tout aussi riches et passionnants, mais ils sont en général en lien avec ceux qui précèdent. Une véritable communauté de la pensée critique, vitale en ce moment.
Je finis avec deux chaînes littéraires des plus pertinentes, l'une est orientée vers le public enseignant et les élèves : Mediaclasse. Les livres des différents programmes, leur résumé, des méthodes pour les analyser, même la voix de l'auteur et l'iconographie pour accompagner le propos... la perfection est de ce monde. On pourra aussi se régaler avec L'alchimie d'un roman, chaîne d'un certain JP Depotte, qui décortique les œuvres, classiques surtout mais pas que, en s'appuyant sur une théorie des quatre éléments. Ça fonctionne, c'est vivant, pertinent, intelligent, une excellente initiation à l'analyse littéraire.
Voilà, c'était un post un peu particulier aujourd'hui. Depuis le temps que je suis ces auteurs, je trouvais dommage de ne pas faire partager mon plaisir. Partout, décidément, il y a des gens qui œuvrent pour le bien commun.
-
3737
Beaucoup d'écrivains, à cette mondanité. Comme souvent, je ne connais personne et on m'ignore assez logiquement. Je m’accommode de cette situation, en général. Pourtant, ce jour-là, ma solitude me déplaît. J'erre, coupe de champagne à la main, jusqu'à trouver un autre médiocre, un primo-romancier déjà âgé, que j'ai écouté parler de son roman tout à l'heure, pendant un débat. Je l'aborde par surprise au moment où, désespéré qu'on lui adresse la parole, il s'est décidé à mâcher un petit four. Il est visiblement soulagé qu'un type s'intéresse à lui. Je l'interroge sur son livre que je ne lirai pas. Il m'explique tout le bien qu'il en pense. Ça nous désennuie quelques minutes. Finalement, on se met à boire et à manger pour éviter de se parler et de se regarder. Je comprends d'un coup l'intérêt des buffets. Visez les gens qui se bâfrent et picolent : Sûr que ce sont les perdants, les relégués… Tiens, bonjour monsieur Matzneff, un petit creux ?
-
3726
Je retrouve un beau stylo-plume, cadeau qu'on me fit à l'époque où je couvrais des pages d'annotations quotidiennes. Je le nettoie longuement, il est grippé, encroûté de vieille encre noire. J'insère une cartouche neuve. Une cartouche d'encre bleue. Coups de griffes, traits pointillés, sinuosités hésitantes, marques vides… Enfin, le stylo veut bien rendre avec régularité ce que j'ai à exprimer. C'est de l'inquiétude, d'abord, pour mes enfants, pour ma douce, pour les miens. Les mots s'alignent, noircis par la cartouche précédente, enténébrés par les souvenirs du temps du journal manuscrit. Le bleu n'ose pas, ne se manifeste pas tout de suite car le noir est fort, il l'emporte sur des pages et des pages. Et puis, tandis que progresse l'effet apaisant de l'écriture sur les tourments de la vie, l'encre s'éclaircit, le noir s'adoucit, s'atténue, laisse la place. L'opération clarifie, et l'humeur, et les signes. Voici à présent l'encre bleue sans scorie, débarrassée de ses noirceurs. Et moi, de même, gagné par la souplesse de l'azur révélé.
-
3722
La poste a inventé un nouveau truc, ça s'appelle « service facteur » et ça se passe comme ça : Le facteur sonne à ta porte. Tu sors (enfin moi en général, quand le facteur sonne, je sors). Vous vous saluez. Il a une lettre dans une main et son portable dans l'autre. Embarrassé et fatigué par la connerie de ce monde, espérant tacitement ta sympathie, il t'explique le principe du « Service Facteur », d'ailleurs certifié par une étiquette qui reprend l'expression, sur l'enveloppe qu'il tient. « Je vous donne ce pli en personne et je dois vous lire le texte qui s'affiche sur mon écran. » Déjà ricanant, je l'encourage à officier. Le pauvre me lit alors quelques lignes insignifiantes, immédiatement oubliées, où il devait être question, je crois, de l'importance du contenu de la lettre. J'éclate de rire devant l’innocuité d'une telle opération, pensée quelque part par des pros du marketing, bien aware, bien start-up nation. Je signe sur l'écran pour confirmer que le héraut a bien délivré son message essentiel. Le facteur reçoit en sus l'expression de toute ma compassion pour cette mission débile. Il approuve, remercie de ma compréhension, nous ricanons tous les deux. Il repart, soulagé d'avoir dépassé le ridicule de l'épreuve. La lettre est restée sur la table quelques jours avant d'être jetée.
-
3720
Un mois pour réagir à un décès et rédiger le brouillon d'une lettre de condoléances acceptable. Sa sincérité n'est pas atténuée pourtant. J'hésite encore un temps. L'inquiétude de se croire indécent, impoli. Un long temps : un mois supplémentaire. S'ajoute alors la possible indélicatesse du retard. Et puis le partage du chagrin emporte la décision et t'oblige. Quelques minutes tendues pour coucher noir sur blanc tes mots, être sûr qu'ils conviennent. C’est fait. La lettre existe, pèse sur son papier. Nouvelle étape, pas moindre : oser la poster.
-
3717
Ce soir-là, ils avaient appris que Donald Trump viendrait dans la région pour inaugurer l'extension du golf voulu par le président de l'agglomération. Celui-là même qui, descendant du curé d'Ars, avait une parenté avec le chanteur Vianey. Ils s'engageaient solennellement à déféquer nuitamment dans les trous dudit golf. Il avait été aussi question de location de manteau de fourrure, viatique nécessaire à dépasser les files d'attente d'un fameux pâtissier. Et de pas mal d'autres choses compliquées à cerner. Enfin, le réveil du lendemain matin avait été un peu difficile.
-
3711
« Et le prix Maurice Chamois de Boïeldieu est attribué à… (suspense, silence attentif de l'assemblée) Josiane Chamois de Boïeldieu ! » (Brouhaha, applaudissements clairsemés).
-
3707
Je demande à la pharmacienne des suppositoires contre la chute des météorites. Elle s'étonne : « Des suppositoires ? La chute des météorites ?
- Oui.
- Qu'est-ce que vous me chantez ? » ricane-t-elle.
Je lui désigne alors la publicité qui nous surplombe et vante l'efficacité d'un anneau qu'on enfile à je ne sais quel doigt et est censé anéantir les ronflements. Je lui retourne sa protestation : « Qu'est-ce que vous me chantez ? » -
3705
La colère nous épuise. La nôtre et celle des autres. On aspire à une paix qu'on se refuse soi-même, qu'on n'obtiendra que par extrême lassitude, au bout de nos révoltes. Il s'agira donc d'un abandon, d'une défaite, et voilà qui nous met encore en rage. Vivants ?