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Ecrire - Page 32

  • Ne pas écrire

    J'ai toujours défendu l'idée que, pour écrire (notamment écrire des romans), il ne faut pas attendre d'avoir du plaisir à le faire. C'est-à-dire qu'une certaine exigence de production nécessite une régularité, un labeur, incompatibles avec l'inspiration, l'envie, le désir. Malgré cela, il faut bien admettre que je suis parfois confronté au manque absolu d'envie d'écire. Plus précisément, dans le récit que j'ai mis en chantier, une scène résiste. Une scène de repas à plusieurs voix, sous le regard d'une jeune femme. Impossible de trouver l'angle intéressant, impossible d'écrire deux lignes intelligentes, originales sur ce thème. Impossible pareillement de passer à une autre scène, contrairement à ce que je fais parfois dans de tels cas de blocage. Mon agacement est multiplié par le fait que, comme je le disais dans un billet récent, je n'ai jamais travaillé dans d'aussi bonnes conditions, dans une pièce rien qu'à moi, entouré de livres par centaines, tandis que les vacances me donnent du temps et protégé par la tendresse de ma douce. C'est extrêmement désagréable de se trouver en panne dans un tel contexte.

    Même Kronix reste sec, comme vous avez dû le remarquer (non ? Ah.), mais, pardon, c'est un peu moins grave, pour moi. Est-ce par compensation ? J'ai beaucoup lu ces derniers temps, notamment les autres livres sélectionnés pour "lettres frontière". je n'ai pas fini (pas tout reçu), mais "Twist", "laisse les hommes pleurer", "La main de Dieu", et les romans de Claudie Gallay (lu plusieurs dans la foulée, dont l'excellent "L'office des vivants" en attendant "les déferlantes"), m'ont beaucoup impressionné. Je lis aussi "La chambre claire" de Roland Barthes, à cause d'une prochaine lecture en public, avec mes précieux amis Jean Mathieu et Dominique Furnon. J'ai aussi lu récemment "La grande Beune" et "les onze" de Michon. Quelles merveilles !

    Je m'occupe, quoi, en attendant que "ça" revienne. Pas facile, des fois...

  • Au suivant

    Mon éditeur vient de me le confirmer : mon prochain roman, "le psychopompe" sortira à la fin de l'année. Quant au "baiser de la nourrice", ma foi, il continue son petit bonhomme de chemin. Je suis invité le 11 septembre à Thonon, pour en parler.

    En attendant, j'ai beaucoup de mal à reprendre l'écriture du dernier. Je n'ai pourtant jamais eu de meilleures conditions pour travailler : du temps, un beau bureau, de la documentation à disposition, et l'admiration infatigable d'une femme aimante.

    Pas de panique, je sais que ça reviendra. Ma hantise par rapport à ce projet, est de baser ce très long chantier (sûrement plus de deux ans d'écriture), sur une forme vieillie. Ma douce a beau me rassurer, je doute.

    La prochaine pièce de théâtre est un projet magnifique dont j'espère avoir l'occasion de vous parler. Car il ne s'agit pas seulement de l'écrire, mais de mêler à son élaboration les comédiens qui vont l'interpréter, et l'expérience de peintres, puisqu'il sera question de l'acte de peindre. Il nous faut un financement minimum, sans lequel rien n'est envisageable. Une récente conversation avec une jeune actrice qui défendait l'idée de la création sans financement, et donc libre, me revient à ce sujet, et j'écris vraiment comme une savatte ce matin.

    D'abord, des expériences à "budget zéro", j'en ai pratiqué depuis toujours, je connais, merci, et, justement, je n'ai fait que ça. Bidouiller, "faire avec", trouver des solutions malignes, s'appuyer sur les bonnes volontés, renoncer à certaines idées, j'en ai ma claque. A partir d'un certain niveau d'ambition, je crois qu'il faut de l'argent. Pas des fortunes, je vous rassure -il sera toujours question de se démerder avec des budgets restreints- mais au moins avoir la possibilité de réaliser quelque chose qu'on a conçu avec la perspective d'un certain confort. C'est gratifiant, de parvenir au résultat escompté, c'est gratifiant aussi de pouvoir rémunérer ceux qui travaillent autour de vos idées.

    Disant cela, je revendique aussi le statut libertaire et la nécessité d'une culture anticonformiste, pauvre, hirsute, qui survit sous les déchets de l'autre, et qui est le sel de la terre. Celle qui continuera toujours de palpiter, malgré les ors et les ordres. Celle qui n'a pas besoin d'argent. Pratiquons les deux, n'ayons de mépris ni pour l'une ni pour l'autre.

  • Depuis le temps

    En ce moment, je travaille sur mon prochain roman (enfin, il y a toujours un prochain roman : je les enchaîne infatigablement). La nouveauté pour moi, est qu’il se passe entièrement au 19ème siècle. Disons de 1850 à 1914, en gros. Deux générations, et deux sociétés, l’une rurale, l’autre petite bourgeoisie commerçante de province. Je suis plongé dans de la documentation jusqu’aux oreilles. C’est à la fois très pénible, laborieux, mais c’est évidemment un régal pour l’intellect. J’amasse une quantité d’informations incroyables, depuis le prix du pain, la forme des banquettes de train de deuxième classe, les façons de dire bonjour, les rituels de fiançailles, jusqu’au vocabulaire utilisé alors et disparu ensuite, les courants de pensée, la durée du service militaire, la manière d’imperméabiliser de la toile ou de refroidir un dessert. Grâce à la diligence de ma douce, je dois avoir une douzaine de livres de référence sur la période, étalés autour de mon bureau, je dois en avoir lu des centaines de pages, avoir fait des heures et des heures de journaux microfilmés à la médiathèque, des sondages chez des collectionneurs, des spécialistes dans tel ou tel domaine, en attendant certaines visites de musées… J’arrache le récit à la chair du quotidien. A cause de tout ce travail de documentation, le roman lui-même avance très lentement, en moyenne neuf pages par mois, c’est bien tout. Mais je ne suis pas mécontent du résultat. Parce que l’idée, ayant compulsé tout ça, est de ne pas m’appesantir sur les détails, de ne pas paraître démontrer que j’ai bien fait mes devoirs. L’idée est simplement de plonger le lecteur dans une époque, sans avoir l’air d’y toucher. Je vais donc poursuivre sur cet axe, tranquillement, sans prévoir de date de fin d’écriture (je m’en suis bien fixé une, mais pour une fois, je vais la dépasser allègrement).

  • Sous les voûtes

    Une vingtaine de courageux ont assisté à la lecture de "Ermite" hier. C'est le double de ce que je pensais. Donc, très bien. D'abord nous avons commencé avec quarante minutes de retard. A cette heure de la nuit, chaque minute compte. Commencer la lecture d'un texte aussi ardu à 0h 40 était un obstacle pour beaucoup. Nous avons lu dans le noir, comme convenu, avec nos seules lampes de poche et la ponctuation, sous les voûtes de ce beau lieu, de quelques lumignons. Peu de gens se sont endormis. Nous étions quatre : Jean, Dominique, Julien (qu'ils soient remerciés ici, à nouveau, pour leur gentillesse et leur enthousiasme) et moi. La variété des voix a permis de maintenir un minimum d'attention.

    Cette lecture à haute voix m'a permis d'y voir plus clair dans les défauts de ce texte. Il me semble que son architecture souffre d'un manque de ligne de force. Il faudrait que je le reconstruise autour d'un axe dramatique, quelque chose de récurrent. Je crois aussi que certains passages enfoncent des portes ouvertes ou, en tout cas, n'apportent rien de vraiment fort et original. On pourrait s'attendre à ce qu'un ascète, reclus dans la nuit d'une grotte, refusant de se nourrir, explore des pensées surprenantes, aborde des terrains inédits. S'il y a de tels moments, ils sont trop rares, à mon goût. Je regrette d'avoir eu la prétention de proposer ce texte à Jean. Il n'était pas abouti. Dire que certaine auditrice ont pris le travail ce matin, dès sept heures... franchement, je me demande si cela en valait la peine. C'est comme ça.

  • Vagissant

    "Vagissant"... ce mot singulier est dit quatre ou cinq fois dans "le rire du limule". Ce qui m'a valu deux réactions amusées de spectateurs, cette semaine. L'un, un ami, me disait "tu l'aimes bien ce mot", en sous-entendant que j'aurais pu ne pas prendre garde de sa multiple occurence. C'est bien mal me connaître. L'autre, une figure importante de la culture à Roanne, a avoué s'être amusée avec son mari, sur la route du retour, à employer vagissant à tout propos "tu ne trouves pas que la route est vagissante ?", "c'était une soirée vagissante", etc. Humour dont je suis assez client d'ailleurs. Elle avait gardé l'impression que j'avais exagéré l'emploi de ce mot. Je profite de Kronix pour éclaircir ce point. Le mot est placé dans la bouche de lucifer (et de ses diverses incarnations), de la même façon que revient dans la bouche d'un accusé, le mot "innocent". Dans "je n'étais que vagissant", il y a le même caractère d'étonnement et de désarroi que dans le "Je suis innocent", que clame le suspect. La répétition me semble alors logique.

    Demain, je vous parle du mot "poireaux", dans ma liste de courses du 20 avril 2009. Tant qu'à parler de trucs intéressants... 

  • Des nouvelles du baiser

    Pendant ce temps, "le baiser de la nourrice" fait son petit bonhomme de chemin. Il est dans la dernière ligne droite pour la sélection Lettres-Frontière. Un prix prestigieux, attribué à cinq finalistes sur 300 romans, choisis par deux jurys, l'un suisse roman, l'autre rhônalpin. Après une première liste d'une trentaine d'ouvrages, nous sommes maintenant une dizaine, retenus par chaque jury. L'étape qui suit, et qui est en cours actuellement, est organisée de sorte que le jury suisse travaille sur la sélection française, et vice-versa. Parmi les sélectionnés, je suis très fier et flatté d'être en compagnie d'un autre roannais, Daniel Arsand. La collection "les soeurs océanes" où je suis publié, avait déjà été primée il y a deux ans, avec l'excellent et terrible "Cyclope" de Catherine Dessales, livre que je vous conseille.

    Au-delà de mon cas personnel, ce qui me plait, c'est le principe d'une sélection de cinq ouvrages, plutôt qu'un prix attribué à un seul. Je crois en effet, qu'à ce niveau-là, aucun livre n'est assurément meilleur qu'un autre. Ils ont tous leurs qualités. Conserver cinq auteurs limite l'arbitraire qui prévaut habituellement dans ce genre de couronnement littéraire.

    Résultat le 4 juin. Je vous tiens au courant, bien sûr.

  • Le silence du limule

    Et bien voilà. Le rideau est refermé. Nous sommes "après". On peut dire honnêtement que, à l'échelle de notre petite ville, "le rire du limule" a été un succès. En tout cas, une expérience marquante pour tous ceux qui y ont participé. Pour moi, d'abord, l'émotion de voir des hommes et des femmes s'échiner pendant des mois pour apprendre, porter, réinventer les mots écrits dans la solitude de mon bureau. Pour tous, la fierté d'avoir accompli quelque chose de différent.

    limule3.jpgJe ne cesse depuis des jours de remercier celles et ceux qui ont permis ce miracle. Bernard, qui est à l'origine concrète du projet, et qui en a trouvé le financement, François, qui a mis en scène, (qui a dû convaincre parfois), qui a travaillé le texte d'une manière extraordinairement intelligente, Jérôme et son complice Benoît, qui ont additionné leur talent pour fabriquer une ambiance et un caractère à l'ensemble de la pièce, par le son et la musique, Marc qui, en plus de signer l'affiche et les photos d'ambiance s'est révélé un acteur solide, capable de créer le lien de tout un spectacle par sa présence, et la finesse de son interprétation, Dominique, qui a créé un parcours lumineux minimaliste mais élégant, et tous les comédiens, impliqués et tremblants, sincères, vibrants, qui ont tenu jusqu'au bout, malgré les obligations familiales et professionnelles : Brigitte, Nathalie, Sandrine, Tatiana, Virginie, Jean-Michel, Marc, Nicolas, Patrick, Renaud, tous éblouissants... et débordant de bonheur et d'énergie au final.

     Et la Ville de Roanne, bien sûr, sans laquelle rien n'aurait été possible, comme on dit.

    Et permettez-moi une pensée pour ma douce, toujours pas remise de l'émotion générée par l'aventure.

    limule7.jpg

    Les photos d'illustration sont de mon vieux pote Christian.

     

    En haut : Jean-Michel, Nicolas et Renaud.

     

    En bas : Patrick, Tatiana et Virginie.

     

    Lire aussi le billet de Jérôme alias Godot :

    http://jeromebodonclair.wordpress.com/

    (billet du 26 avril, soit le lendemain de la représentation. C'est que jérôme n'est pas un feignant, lui).

  • Reviens

    Vous aurez peut-être remarqué, mais il m'arrive de laisser des petits mots sur Kronix, ces jours-ci. Il se trouve que mon dernier roman bafouille et patine. Il se trouve que je m'agace et désespère d'y voir clair dans cette saga sur deux générations au XIXème siècle, mêlant vie paysanne et bourgeoise, guerre et paix, moeurs familiales et industrie. Il se trouve que, parfois, j'abandonne mes documents historiques, pour vous retrouver un peu et glisser là mes pensées matinales (donc pas profondes, nous sommes d'accord).

    Il se trouve surtout que je n'ai rien de plus à dire. Pfff.

     

  • Des matins...

    De toute façon, je m'installe devant l'écran. Je relis la production de la veille. De toute façon. Normalement, ensuite, il suffit que je pose mes doigts sur le clavier et puis, comme l'entendait Pascal en parlant de la prière et de la foi, "ça vient tout seul". Ce matin, on ne peut pas dire. Quoique... Voyez-vous, je n'arrive à rien sur mon dernier roman, à pas grand chose sur un texte commandé pour un festival prochain, et voici que je m'adresse à vous et là, facile, l'écriture s'écoule. Décidément, je suis condamné à écrire. Peut-être qu'un jour, jen aurais marre de cet acharnement, de cet enchaînement.

    Cet après-midi, François et toute la troupe du "Rire du Limule" se retrouvent au théâtre pour une répétition complète de la deuxième partie de la pièce. J'ai assisté à quelques répétitions, et je suis toujours émerveillé du travail de François à partir du texte. La façon dont il explore chaque nuance. De la broderie. J'en suis ému en permanence quand j'y assiste, rencogné et presque invisible, contre un mur. La date fatidique approche. Les comédiens sont de plus en plus impliqués, je crois. Jérôme nous a adressé les premiers morceaux de son et de musique. C'est véritablement magnifique, exceptionnel. Si tout est en place le 25 avril, et si les comédiens sont "dedans", je crois que ce sera une belle soirée.

  • Le clavier qui fume

    Thib ne m'en voudra probablement pas de parodier la phrase d'appel de son blog pour évoquer ce qui mobilise mon temps en ce moment.

    J'ai d'abord eu le grand plaisir d'achever deux versions d'un texte pour la plasticienne Catherine Chanteloube, pour son futur catalogue. Ses sculptures végétales, sa démarche simple et sincère, ont été une belle source d'inspiration. Je sis très fier de cette collaboration, et elle a accepté mes textes. La parution est prévue en cours d'année. Probablement d'ici le mois de juin.

    L'autre jour, Shingo, dessinateur intégré au studio des éditions Soleil, m'a demandé en urgence des scénarii de BD courts (4 ou 5 planches maxi), pour Lanfeust Mag'. Cédric est un jeune dessinateur mais un vieux complice. Nous avons planché ensemble (sans résultat tangible, malheureusement), sur au moins trois séries d'albums. J'ai dû écrire pour lui près de 300 planches scénarisées, plus des synopsis. L'écriture de BD est un exercice bien particulier, et celle de la BD courte, davantage encore. En quatre planches, raconter une histoire, avec de l'action, dans un monde vite ébauché, est très compliqué. L'action surtout, très gourmande en terme de place, dans une BD, laisse peu d'espace au contenu. Et puis, j'aime bien que mes histoires aient un peu de sens. J'ai pondu cinq ou six scénarii dans le week end. Pas de réponse pour l'instant.

    Question BD, heureusement que l'ami Thib' a de quoi travailler (j'ai scénarisé 18 planches d'un album assez jouissif, je crois), et que cela me laisse encore un peu de marge avant d'entreprendre la suite, déjà découpée d'ailleurs.

    Marc Bonnetin, photographe et interprète d'un des rôles de Lucifer dans "Le Rire du Limule", m'a demandé aussi un nouveau texte sur une nouvelle série, réalisée récemment en Pologne. J'ai tergiversé longtemps, écrit finalement quelque chose, dont ni lui ni moi ne sommes satisfaits. Ca arrive... Je m'y remets.

    Cependant, j'ai commencé l'écriture d'un nouveau roman. Qu'est-ce qu'il m'a pris ? J'ai décidé de situer l'histoire au XIXème siècle, et sur deux générations. Je suis donc dans une phase de documentation. J'en bave un peu. L'élégance de ce travail préparatoire est évidemment qu'il doit être indiscernable à la lecture, et que tout le bagage accumulé disparaisse, pour laisser place aux personnages. Parfois, je me demande un peu...

     

  • Avec mes excuses

    Vous aurez peut-être remarqué que j'ai un peu rien écrit ces temps-ci, sur Kronix. Je vous néglige bien malgré moi, mais il faut faire des choix. Je mets la dernière main à mon dernier roman. Comme souvent, je suis allé jusqu'au bout, à la dernière phrase, et maintenant commence le travail de réécriture. Je reprends, relis beaucoup, j'enrichis le vocabulaire, je contrôle l'orthographe et la grammaire, j'affine la ponctuation, je m'assure que tout le récit soit fluide, compréhensible (ou s'il y a des zones d'ombre, elles sont voulues), j'ajoute des scènes éventuelles, j'en supprime d'autres. Après quoi, ma première lectrice, ma douce, va s'emparer de la première sortie imprimante de l'ensemble du mansucrit, plonger dedans, et me faire ses remarques. Là, je reprendrai tout, jusqu'à satisfaction.

    Ensuite.... Rien. En l'occurence, si, tout de même : le manuscrit sera confié à celui dont j'ai emprunté le sujet, un certain Jean-Marc, pour qu'il se régale, j'espère, à la lecture. Et puis, plus tard, nous verrons, peut-être un éditeur. Mais je crains que ce roman ne soit impubliable. Qu'importe, je me serai bien amusé. Quand tout sera achevé, il se sera écoulé un an entre le moment ou Jean-Marc m'a autorisé à utiliser son argument, et celui où je lui transmettrai sa copie. Nous serons en mars.

    Le mois de janvier s'annonce chargé. Quelques rendez-vous : je dédicace "le Baiser..." le 11 janvier, au marché du livre d'Ambierle (joli village classé dans la Loire), toute la journée. Le 14 janvier à 19  h 30, la Médiathèque de Roanne organise une rencontre autour de mon livre, en présence de l'éditeur, Jean-Pierre Huguet et de Jean-Patrick Péju, directeur de la collection "les Soeurs océanes", et avec Michèle Narvaez. Le comédien et metteur en scène François Podetti ponctuera la soirée avec la lecture d'extraits du livre. Je crois que ça peut être très agréable et intéressant, tout ça. Le 27 janvier, je rencontre des élèves de La Martinière, qui travaillent en ce moment sur mon livre. Expérience intimidante mais passionnante, dont je vous parlerai ici, bien entendu.

    A bientôt.

  • Spoiler, comme on dit

    Je profite d'une petite insomnie pour dévoiler ce qui, sans doute, contribue à ne pas me laisser dormir : l'échauffement des neurones dû à la germination d'une histoire. Tandis que mon dernier roman va progressivement vers son achèvement (j’en ai encore pour deux ou trois mois, à vue de nez), et qu’il m’apparaît de plus en plus comme absolument impubliable (de mon vivant en tout cas), j’entame la préparation du prochain. C’est toujours comme ça : il faut que j’enchaîne les projets. Souvent d’ailleurs, et à cause de ce fonctionnement, un roman est motivé par une réaction à l’univers que je viens de quitter. J’ai nombre de sujets dans mes tiroirs numériques, mais celui qui vient, dimanche dernier, de s’imposer, pourrait commencer avec une phrase de ce genre, écrite sur mon calepin de moleskine, après diverses notes sur le sujet :

    « Son indifférence au malheur des autres, considérée sous l’éclairage cru de sa lucidité, était telle qu’il lui arrivait d’en être sidéré. Pourtant, certains films, à force de violons et d’emphase, le menaient jusqu’aux larmes. Il avait résolu ce paradoxe maintes fois mesuré, par la conviction que les artifices de l’art avaient plus de métier –et donc étaient plus efficaces– que les artifices de la vie réelle, mais qu'ils constituaient les deux aspects d’une même pantomime, où des méchants s’acharnaient impunément sur des gentils, dont les souffrances étaient sans doute mimées, en tout cas jamais sincères. »

    Sur ce, je retourne poursuivre celui qui n'est pas fini. Il faut tout de même définir des priorités dans la vie.

  • Besoin de vous

    En ce moment, ma douce a la gentillesse de lire chaque jour un ou deux chapitres du dernier roman dont j'ai entrepris l'écriture. Un chapitre ne fonctionne pas, selon elle (avis que je partage). Il s'agit de décrire l'agacement crescendo du personnage principal, qui assiste aux manières insupportables d'un gamin de treize ans. J'ai radicalement changé mon fusil d'épaules et réécrit cette partie. Cependant, il me semble que je manque de matière. Avez-vous, chers lecteurs assidus de Kronix, quelques anecdotes, souvenirs de gamins particulièrement chiants, du genre qui vous bousillent une soirée ?

     

    Je vous laisse. Merci de partager les affres de la mécanique fictionnelle.

  • Ecrire, avec quoi ?

    Une question, une remarque, plutôt, lancée vers moi avec parfois une lueur menaçante dans le regard : "Tu écris à la main ou sur l'ordinateur ?". C'est que le clavier est suspect de je ne sais quelle absorption d'âme ou de talent, suspect surtout de faciliter l'accouchement de l'oeuvre. La question pourtant, ne se pose pas, si l'on avoue écrire à la main, de connaître l'expédient : stylo encre ou plume d'oie sur parchemin. Ce n'est pourtant pas une question vraiment idiote, parce que, selon son degré de concentration, il peut exister une différence entre les deux écritures. Mais croire qu'il existe un "style" tapé à la machine et un "style" écrit manuellement est une erreur grossière.

    Mon premier roman, "A la Droite du Diable" fut à moins de la moitié écrit à la main. C'était avant l'ordinateur. Quand l'informatique arriva dans mon métier, je repris mes pages manuscrites, chaque jour entre midi et deux, et les saisis sur écran. La femme d'un ami m'aida aussi, et le retard sur ce qui suivait fut rattrapé. Plus tard, l'écriture s'est poursuivie directement sur l'ordinateur. Je retravaille beaucoup mes textes, reviens sans arrêt sur les parties déjà écrites, relis sans cesse. Aujourd'hui, impossible de distinguer ce qui fut écrit à la main et ce qui fut produit au clavier. Je peux donc témoigner que les deux formes sont pareillement valables. Depuis, j'écris exclusivement sur ordinateur, y compris les lettres très sensibles, adressées à mes chers amis. Avec un préambule, pour les béotiens, où je présente ce choix comme un effet de ma gentillesse pour "épargner le déchiffrage de ma tortueuse graphie". On m'a compris, jusque là.

    Il n'y a bien que pour une certaine lettre de déclaration que, tout de même, j'ai repris la plume et le papier. Ma douce, qui partage depuis ma vie, m'a dit que j'avais été bien inspiré de procéder ainsi.

  • La bonne longueur

    Un roman, pour la plupart des gens, est d'abord constitué d'un nombre respectable de pages, en tout cas, un volume en deçà duquel ils ont le sentiment d'une tromperie. Ce n'est pas faux, ce n'est pas vrai. Il existe des subtilités. Dans la postface de "différentes saisons", Stephen King propose de définir la distinction par un mode de calcul simple : au dessus de 40 000 mots, c'est un roman ; en dessous de 20 000 mots, c'est une nouvelle ; entre 20 000 et 40 000 mots, c'est "autre chose", un texte entre les deux, longue nouvelle, court roman.

    Le Baiser de la Nourrice, passe limite la barre en dessous de cette norme : le texte affiche 38 200 mots et des bananes. J'ai envie de dire que, malgré cela, on a tout de même affaire à un roman. La forme, le principe, la langue, le développement de l'histoire, le récit fictionnel, sont dans la tradition du roman, mais c'est un roman court, je l'admets. La mode est d'ailleurs aux textes courts, me dit ma chérie libraire. Cependant, j'ai de "vrais" romans dans ma besace. A la Droite du Diable culmine à plus de 111 000 mots. Jean F et Ce que Mica savait des hommes avoisinent les 80 000. Mon roman en cours, Le psychopompe, totalise déjà près de 60 000 mots, je pense qu'il rejoindra les deux exemples précédents. C'est une définition un peu basique (bien dans la simplicité de King, diront les mauvaises langues, et ceux qui se pincent le nez, en général, au dessus de la littérature populaire), mais cette possibilité d'encadrer un phénomène littéraire par une mesure quantifiable me convient.

    Pierre Michon, dans "Le roi vient quand il veut", parle du roman et de son foisonnement maladif, ces digressions qui en font un objet littéraire alourdi souvent. Il se méfie de l'inclination de certains auteurs à rallonger la sauce. Ses romans sont longuement mûris, réfléchis, alimentés par une documentation éventuellement, grandement assimilée. Enfin, il se lance dans une écriture rapide, concentrée, d'un souffle. Dans de telles conditions, le texte qui résulte ne peut pas être digressif. En lisant l'interview récente de Michon à ce sujet, je me suis aperçu que c'est ainsi que "le baiser" avait été écrit : d'un élan, en quelques mois (un bon élan quand même), concentré sur un sujet (malgré tout enrichi en cours d'écriture). Et c'est un livre très différent des autres. D'abord, je le voulais ainsi, comme un défi littéraire personnel.

    Les autres romans, je les prépare moins, mais j'en préserve le feu plus longtemps, je souffle sur les braises, la chaleur entretenue alimente une flamme sur plus d'un an, parfois plus de deux ou trois. Le roman que je suis en train d'écrire sera achevé en mars 2009, selon mes prévisions. Ensuite, je retravaille un texte court, bizarre, radical, mais fait pour être repris en plusieurs étapes. Je devrais le finir en septembre prochain, dans des conditions très particulières que je vous livrerai alors. Ensuite...

     Ensuite, mon rêve depuis longtemps, est d'écrire un énorme énorme roman historique. Mais voilà, j'en suis épuisé par avance. C'est pas bien, hein ?

  • "UNE" idée de roman

    La phrase qui tue : « j’ai une idée de roman ». Jean Dutour s’exclamait à ce sujet (après d’Ormesson, décidément, vous allez croire que ma culture est exclusivement académique) : UNE idée ! les cons, s’ils savaient le nombre d’idées qu’il faut pour faire un roman (cité de mémoire par Christian Degoutte, auteur d'un excellent roman : Trois jours en été).
    Quand j’ai vraiment découvert l’écriture romanesque (après un essai infructueux intitulé « Juste le regard du chien ») en m’enchaînant à « A la Droite du Diable », j’ai justement découvert cette vérité époustouflante : une phrase = une idée. Le nombre d’idées, en effet, qu’on peut alors dispenser dans un roman ! J’étais émerveillé d’avoir un tel outil à ma disposition. L’écriture de nouvelles, que je concevais comme une mécanique concentrée sur l’efficacité d’une fin (j’ai changé depuis, bien sûr), ne m’avait pas ouvert le même champ d’expression, la même liberté.

    Il ne faut donc pas « une » idée pour se lancer dans un roman. Il faut d’abord un sujet, c’est différent. Et ce sujet, parfois secondaire (est-ce que Moby Dick est vraiment l’histoire d’une chasse à la baleine ?) doit s’appuyer sur une motivation, un engagement, quelque chose de profond, de vital, d’essentiel, qui vous préoccupe, vous habite, noircit vos jours ou illumine vos nuits, fait de vos heures la constante interprétation d’un questionnement où se joue votre vie. Sans cela, sans cette tension qui vous relance incessamment sur l’écran ou la toile, à quoi bon créer, comment créer, peut-on même se permettre de créer ?
    Je peux parler d’obsession, même si l’écriture, justement, permet d’en atténuer les effets. Quelles sont ces obsessions, qui me tiennent depuis toujours devant une feuille de papier, une toile, un écran de montage ou un traitement de texte ?
    Pêle-mêle : le faux, la trahison, la manipulation, les arcanes trop complexes pour être perceptibles, les rouages qui nous dépassent, la nature humaine capable de changer d’idéal, de renoncer à ses principes, la fragilité de la démocratie, sa force aussi, la séduction des dictatures, la mort, la maladie, la solitude, l’exil, la miséricorde, la tendresse, la bonté, la brutalité, la mémoire, la disparition des choses, leur dissolution, l’identité, la culture, ce qu’est une culture, comment elle naît et meurt, la science, l’eschatologie, la mythologie, les religions, l’art, la fabrication de l’art, sa place dans la société, la définition de l’humain, etc. Que des types de pur divertissement, comme on voit.
    Il m’a fallu du temps pour analyser ce que je fais et discerner comment, même dans des travaux de commande, je revenais à ces quelques thèmes, et les traitais sous un angle nouveau à chaque fois.

    Il est né une peur, quand j’ai pris conscience de cet aspect obsessionnel. Celle du tarissement. Est-ce que j’ai encore quelque chose à dire, après 7 ou 8 romans (ce qui doit faire bien rire les auteurs qui ont derrière eux une centaine de livres) ? Inquiétude précipitée par un échec récent, un récit ambitieux à multiples niveaux de lecture, que je n’ai pas su maîtriser et que j’ai abandonné, la mort dans l’âme. J’ai eu la lucidité de voir que je revenais sur les thèmes de la démocratie et de la brutalité, sur la place de la transmission par l’écrit, sans me surprendre, sans apporter rien de nouveau. Ce n’est pas la seule raison de l’abandon, mais c’en est une. Heureusement, un nouveau défi, lancé par un ami sur un argument absolument magnifique, m’a vite remis en selle. Et c’est le thème de la mort qui est exploré, avec celui de la mémoire, des traces discutables que laissent les écrits sur les personnes disparues (enfin, il y a beaucoup de choses, n’en discutons pas maintenant).
    Finalement, c’est par la BD, grâce à la demande de JW, que le thème de la démocratie, lié à celui, qui m’est cher, de la séduction des dictatures, est revenu d’une façon pertinente sur ma table de travail. Mais nous en reparlerons.

  • Ecrire, mais quand ?

    Pour ceux qui ne me connaissent pas, il faut que je vous avoue ma graphomanie. Depuis des années, j'écris tout le temps. Enfin, dès que c'est possible. Ce qui finit par porter ses fruits : 7 ou 8 romans, des dizaines et des dizaines de nouvelles, des contes, des scénars de films et de BD, des pièces de théâtre, etc. Rien d'extraordinaire, d'autres font des tours Eiffel en allumettes. Quand j'avoue deux heures d'écriture quotidienne en moyenne, on me demande souvent comment je fais.

    Deux heures par jour, ce n'est pas énorme. A une époque, je pense que c'était davantage d'ailleurs. Je suis seulement mieux organisé, plus efficace aujourd'hui. On apprend dans tous les domaines.

    Jadis, chaque minute était arrachée au quotidien. Ma compagne de l'époque, malgré toutes ses qualités, ne me ménageait pas. Heureusement, je me levais plus tôt que tout le monde, beaucoup plus tôt qu'elle en tout cas, et j'écrivais avant de préparer le petit déjeuner aux enfants. A midi, je restais sans manger au service dans lequel je travaillais (ne pas manger à midi, quand on a pris l'habitude, ce n'est rien) et je bénéficiais d'une heure au moins de tranquillité absolue, de silence, de solitude propices. Le soir, difficilement, je grapillais une demi-heure ou plus de deux heures encore, si l'émission que ma femme regardait me déplaisait, ce qui arrivait assez souvent, heureusement.

    Après mon divorce, ma chère compagne de l'époque m'apprit qu'on pouvait être attentif à mon travail, l'honorer plutôt que le moquer, et aménager du temps pour me laisser travailler. N., toi qui passes parfois ici, cueille dans ces lignes les remerciements répétés que je te livre. C'est auprès d'elle et de cette attention à mon écriture, qu'est né "le Baiser de la Nourrice", entre autres, grâces lui soit rendues.

    Aujourd'hui, ma très douce dépasse toutes les probabilités statistiques. Je ne suis même pas sûr de mesurer la chance que j'ai. Elle fait tout, mais vraiment tout, pour me donner du temps (tenez, là, tandis que je vous écris, elle vient de m'apporter du café). Elle fait tout ce que je faisais avant : ménage, cuisine, lessives, toutes les activités ménagères que j'exécutais et qui, effectivement, prennent du temps, elle m'en décharge. J'en suis souvent honteux quand, sur mon écran, naissent des phrases insipides ou que, par paresse, je relis d'autres textes dans l'espoir de retoucher un mot, d'effacer une virgule. Ce confort va finir par me rendre complètement macho si je n'y prends garde. Parfois, je me révolte, je saisis un balai, une casserole. Ma douce m'en dépossède aussitôt. Elle ne veut qu'une chose : que j'écrive. Alors, je me mets au travail. Bon sang, je me demande si, au bout du compte, elle ne m'enchaîne pas, par désir de m'épauler, par amour, à ma table de travail ? Vite, un balai !

  • Le nom d'un personnage

    Le « héros », ou plutôt le salopard, l’ordure vivante, le criminel à la fois violent et pleurnichard de lBdlN s’appelle Azer. Pourquoi ce nom ? Ce sont simplement les premières lettres du clavier, en haut à gauche. Une façon de dire qu’il est tout le monde, qu’il n’est personne, qu’il ne se rattache à aucune histoire en particulier. Pourtant, Michèle, la compagne de Jean-Patrick, le directeur de collection où je parais, s’inquiète soudain, l’autre jour, tandis que nous avancions sur la lecture du manuscrit : « J’ai un élève qui s’appelle Azer. Il est Afghan. » C’est très ennuyeux pour moi, ce rapprochement accidentel donne un sens que je ne souhaite pas. Je tiens pourtant à cette idée de lettres du clavier. Je propose d’ajouter la lettre suivante, et Azer est rebaptisé Azert. C’est peu de choses, mais le monde est fait de subtilités.